France Cardio : la lutte des masques est terminée

France Cardio, spécialisée dans la fabrication de masques de protection 100 % made in local installée à Seichamps, annonce sa fermeture pour le mois de juillet. Start-up il y a un an, PME au process industriel établi aujourd’hui, la jeune société ne peut continuer faute de commandes suffisantes et une concurrence asiatique assassine. Les règles de passation de marchés semblent avoir repris leur droit pour les acteurs publics locaux et régionaux. C’est tout un savoir-faire reconnu et certifié qui va disparaître avec en toile de fond l’interrogation d’un possible retour féroce de l’épidémie et d’une nouvelle pénurie de masques sur le territoire.

Maxime Bracard, cofondateur de France Cardio, annonce l’arrêt total de ses lignes de production de masques de haute protection dès le mois de juillet.
Maxime Bracard, cofondateur de France Cardio, annonce l’arrêt total de ses lignes de production de masques de haute protection dès le mois de juillet.

Six millions de masques encore aujourd’hui en stock et après plus rien ! Au mois de juillet, la société France Cardio de Seichamps, spécialisée dans la fabrication de masques de protection trois plis 100 % made in local, arrêtera définitivement ses lignes de production. «Il n’est plus possible de continuer ! Nous n’avons pas assez de commandes. Bon nombre d’intercommunalités, mairies, ou encore chambres consulaires n’ont tout simplement pas joué le jeu. » La colère est passée chez Maxime Bracard, le cofondateur de France Cardio en 2019 avec son acolyte Nicolas Matusiak tous deux alors étudiants à l’IAE (Institut supérieur d’administration et de management) de Nancy et le soutien d’un investisseur privé (en l’occurrence François Piot du groupe éponyme), mais l’amertume reste. Installé au départ dans des locaux mis à disposition par la CCI Grand Nancy Métropole Meurthe-et-Moselle sur l’aéropôle de Tomblaine, au plus fort de la pandémie et du besoin de masques croissant (car tout simplement absents dans l’Hexagone), ils investissent dans de nouvelles lignes de production et des locaux plus grands (1 500 m² du côté de la rue des Grand Prés à Seichamps dans les anciens locaux de Feron Alu). 300 000 masques par jour sortent des lignes de production avec une cadence d’un million facilement atteignable. «Les commandes locales ont afflué au début mais très vite bon nombre de grands acteurs locaux préfèrent se procurer des masques à l’étranger», expliquait déjà Maxime Bracard dans nos colonnes en mars dernier. Préempté par l’État à l’été 2020 pour fournir des masques, les lignes tournent à plein régime. Et après plus rien ou presque. 

 
Discours et pratiques réelles

«Nous avons répondu à bon nombre d’appels d’offres et nous n’avons pas été retenus.» Pour lui, le système de pondération présent au sein de ces appels d’offres élimine tout simplement les producteurs français. «Tout est fait pour privilégier les masques étrangers.» La liste des structures n’ayant pas abattu la carte réelle du masque made in local (après l’avoir largement récupéré en termes d’image et encore aujourd’hui avec les échéances électorales de la semaine prochaine) est longue. Paradoxe de taille entre le discours politiquement ambiant de réindustrialisation dans l’Hexagone et du faire valoir local et la réalité de la passation des marchés. La mondialisation semble avoir repris rapidement ses droits. Impossible de lutter contre la concurrence chinoise. L’arrêt de France Cardio est un énorme gâchis. En quelques mois, cette start-up a mis en œuvre un savoir-faire indéniable, fait monter en compétences des demandeurs d’emploi (au plus fort de l’activité, il y avait une quarantaine de collaborateurs), le tout avec une approche managériale transversale (le concept d’entreprise libérée). «Aujourd’hui, l’important pour moi et mes associés et de tout faire pour que nos salariés sortent le mieux possible. Ces personnes sont une richesse inestimable, leur employabilité est certaine. J’ai bon espoir qu’ils retrouvent tous quelque chose en septembre.» L’entrepreneur a d’ailleurs activé le réseau des start-up et il assure déjà que les profils des techniciens intéressent déjà une entreprise industrielle locale en plein développement. La belle aventure s’arrête mais bon nombre de leçons sont à en tirer…

Les lignes de production au Kazakhstan ?

«Le plus fou dans cette histoire est que ce sont les étrangers qui reconnaissent notre savoir-faire et la qualité de nos masques.» Maxime Bracard a des pistes sérieuses pour la vente prochaine de ses lignes de production. Il a rencontré à Strasbourg, l’ambassadeur du Kazakhstan (suite à un premier contact lors d’une réunion organisée fin mai par le Medef 54). Pas impossible de voir demain les masques élaborés avec le process de France Cardio fabriqués dans ce pays (ou un autre)...et ensuite être revendus en France.