Forte augmentation des accidents du travail chez Amazon France, les salariés "sous pression"

Une forte augmentation des accidents du travail, un absentéisme "alarmant", un turn-over important: un rapport passe au crible les pratiques sociales dans les entrepôts d'Amazon France, tandis que les salariés évoquent...

Le centre logistique Amazon de Lauwin-Planque, dans le départemennt du Nord, le 14 avril 2022 © FRANCOIS LO PRESTI
Le centre logistique Amazon de Lauwin-Planque, dans le départemennt du Nord, le 14 avril 2022 © FRANCOIS LO PRESTI

Une forte augmentation des accidents du travail, un absentéisme "alarmant", un turn-over important: un rapport passe au crible les pratiques sociales dans les entrepôts d'Amazon France, tandis que les salariés évoquent pratiques illégales et culture de la  "pression".

De ce document - élaboré par le cabinet indépendant Progexa pour le CSE central d'Amazon et transmis en octobre -, un chiffre frappant ressort: le nombre d'accidents du travail avec arrêt a plus que doublé en 2022, soit 1.132 incidents contre 482 l'année précédente.

L'étude porte sur les 8 entrepôts et le siège.

Les salariés interrogés par l'AFP, qui ont tous souhaité conserver l'anonymat et dont les prénoms ont été changés, expliquent ce chiffre par des "pressions" managériales, des "impératifs de résultats".

"Sur les 7H30 de shift, plusieurs managers viennent, ils se passent le relais, ils ne vous lâchent pas", témoigne Nadia, 47 ans, qui travaille à Senlis (Oise) et se dit "démoralisée".

Et en cas de blessure, beaucoup dénoncent une stratégie de "culpabilisation", comme Hélène, qui s'est bloquée le dos: "Ils m'ont dit que c'était de ma faute". 

La manutentionnaire de 56 ans estime que c'est plutôt parce que dans son entrepôt à Sevrey (Saône-et-Loire) les employés manipulent depuis peu des colis jusqu'à 20 kilos, sans que les postes n'aient été adaptés ou sans machines, "pas disponibles".

Tu n'as pas le choix

Benoît, également à Sevrey, affirme que quand il s'est blessé au bras, ses supérieurs ont voulu lui "faire signer un +bon de départ+", plutôt que de déclarer un accident du travail.

Encore "interloquée", Brigitte, 50 ans, raconte que son supérieur l'a appelée après un accident lorsqu'elle travaillait de nuit pour lui proposer de prendre des "heures de récup" plutôt qu'un arrêt.

Les employés estiment ainsi que le nombre d'accidents est minoré, Amazon faisant "n'importe quoi pour ne pas avoir d'accidents du travail", déplore Hélène.

Jusqu'à demander à des employants souffrants, comme Nora qui a eu "un souci à l'épaule", de rester sur leur poste en dépit des douleurs. 

"(Mon supérieur) m'a dit : + Il y a de l'absentéisme, il n'y a personne, tu n'as pas le choix". Mais l'étudiante de 23 ans a "fondu en larmes tellement la douleur était forte" au bout de plusieurs heures et a fini par quitter l'entreprise.

Le taux d'absentéisme, à 15,9%, est "alarmant et s'explique notamment par "la très forte hausse des arrêts pour maladie (+91%)", chiffre Progexa.

38% de licenciements, 25% de démissions

"Nous offrons à nos plus de 20.000 salariés en France un environnement de travail sûr et moderne", s'est défendu un porte-parole d'Amazon, contacté par l'AFP. "Un sondage indépendant réalisé par l’Ifop en 2023 révèle que plus de 8 salariés d’Amazon sur 10 recommanderaient à leurs proches de venir y travailler et s’y projettent dans les prochaines années", a-t-il rappelé.

Amazon a investi plus de 25 millions d’euros en 2022 en France dans des projets visant à améliorer la sécurité et le bien-être de ses salariés sur les sites logistiques, a encore déclaré le géant de la livraison.

Dans son rapport, Progexa constate qu'Amazon rencontre des difficultés "à stabiliser" ses effectifs dans ses entrepôts, 9 salariés sur 10 ayant moins de 5 ans d'ancienneté.

Il chiffre le taux de rotation à 36%, ce qui, théoriquement, signifie que "tous les 3 ans environ, l'ensemble du personnel d'AFL (Amazon France Logistique, NDLR) est renouvelé".

En outre, les "départs naturels" (comme la retraite ou les mutations) sont peu représentés à Amazon (3%). En 2022, les CDI ayant quitté l'entreprise l'ont fait à 31% en raison d'une rupture de période d'essai, 38% car ils ont été licenciés, 25% parce qu'ils ont démissionné ou 3% avec une rupture conventionnelle. 

Un renouvellement rapide des effectifs qu'un élu syndical explique ainsi: "Après avoir été embauché, le salarié commence à comprendre le système Amazon, il se syndique donc on essaie de le faire partir, pour prendre des petits jeunes".

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