Florimond-Desprez : 5 M€ pour se renforcer sur le marché des céréales

Le spécialiste des semences agricoles vient de se doter d’un outil de pointe pour améliorer ses performances sur le secteur des céréales à paille. Une serre spécifique qui accélère la croissance des plantes et permet donc de mettre au point plus rapidement de nouvelles variétés.

L'atmosphère régulée et la surveillance constante garantissent une croissance parfaitement homogène des plants.
L'atmosphère régulée et la surveillance constante garantissent une croissance parfaitement homogène des plants.
D.R.

François Desprez, Philippe Lonnet et Bruno Desprez lors de l'inauguration de la serre SSD, à Cappelle-en-Pévèle.

Double vitrage, verres diffractants, toiles d’ombrage et température régulée par ordinateur, le semencier Florimond-Desprez s’est offert la Rolls des serres pour s’imposer davantage sur le marché des céréales. Installé à Cappelle-en-Pévèle depuis 1830, Florimond-Desprez est toujours à la recherche de variétés proposant des caractéristiques améliorées en matière de résistance aux maladies et aux parasites, ou de teneur en protéines. Le semencier va désormais pouvoir, grâce à sa serre SSD, accélérer le cycle de croissance des plantes et obtenir plus de plants, avec une plus grande variété génétique. «Notre métier, c’est d’assurer la production et la commercialisation des semences. Or, notre serre SSD, pour ‘Single Seed Descent’ (sélection par filiation monograine, ndrl), nous permet d’avoir trois cycles de croissance en un an : la plante arrive à maturation en quatre mois et demi au lieu d’un an. Cela nous permet donc de mettre au point davantage de variétés, plus rapidement. Avec ce système, le cycle de sélection est raccourci de deux ans », détaille Philippe Lonnet, le directeur du laboratoire céréales et protéagineux. Florimond-Desprez a investi 5 M€ dans sa serre toute neuve. De quoi doubler de vitesse certains concurrents ou du moins de les rattraper : la plupart d’entre eux sont équipés de serres du même type depuis plusieurs années, mais pas de modèles aussi performants, souligne avec fierté la direction de Florimond-Desprez. Avec sa serre SSD, le semencier espère pouvoir faire doubler son nombre de dépôts à l’inscription chaque année à partir de 2022, avec douze variétés enregistrées par an, contre six en moyenne aujourd’hui. Une façon d’augmenter ses parts de marché, même si ses coûts de production vont également croître. Les variétés mises au point par Florimond-Desprez sont aujourd’hui cultivées dans 65 pays.

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L'atmosphère régulée et la surveillance constante sous la serre garantissent une croissance parfaitement homogène des plants.

Recentrage sur trois grand axes. En parallèle de ce coup d’accélérateur sur le secteur des céréales, Florimond-Desprez a opéré un recentrage stratégique. Tout récemment, l’entreprise s’est débarrassée de sa filière luzerne, qu’elle a cédée à l’un de ses partenaires danois, DLF. Une évidence stratégique pour les dirigeants. «Nous faisions de la luzerne depuis longtemps, mais les plantes fourragères n’ont jamais été notre spécialité, explique François Desprez, président de Maison Florimond-Desprez. D’autant plus qu’aujourd’hui, les agriculteurs cherchent à acheter des mix de plusieurs de ces plantes pour équilibrer leurs fourrages. Des mélanges que nous ne sommes pas en mesure de leur proposer, puisque nous n’avons pas toutes les espèces concernées. Nous avons donc choisi de céder notre activité luzerne à l’un de nos partenaires spécialisés dans le fourrage, pour nous recentrer sur les trois grands axes qui sont au cœur de notre activité : les céréales à paille, les betteraves et la pomme de terre.» En tout, dix espèces sont travaillées par l’industriel.

Trois axes inégalement investis pour le moment : Florimond-Desprez tire les 230 M€ de son chiffre d’affaires à 75% de la betterave, à 15% de la pomme de terre et à 10% des céréales. Une part qui devrait largement augmenter avec l’installation de la serre SSD, qui devrait permettre à Florimond-Desprez, déjà l’un des leaders en France sur les céréales, de rapidement grignoter des marchés à l’international où le Français reste un «moyen» face aux géants des semences céréalières. «Ces dernières années, on a vu le marché des semences céréalières se concentrer de plus en plus, avec des rapprochements entre gros acteurs, même s’il reste toujours de la place pour des entreprises de taille moyenne comme la nôtre. Au cours de notre histoire, nous avons été plusieurs fois à même de mettre au point des grands produits. Grâce à la serre SDD, nous souhaitons augmenter cette fréquence», poursuit François Desprez.

C’est donc sur le secteur de la pomme de terre que Florimond-Desprez entend prendre plus d’ampleur, sur un marché davantage à sa mesure. «La pomme de terre est un marché en forte croissance à l’échelle mondiale, mais qui échappe pour le moment à la concentration que l’on constate du côté des céréales. Les acteurs y sont d’une taille comparable à la nôtre, on se bat donc à armes égales. Depuis le rachat de Danespo et de Germicopa, nos chiffres sont en progression, et nous avons une bonne couverture de l’Europe du nord et du sud», assure François Desprez. Aujourd’hui, Florimond-Desprez vend environ 130 000 tonnes de plants de pomme de terre par an.

La betterave reste quant à elle au cœur de l’activité du semencier, qui est en train d’investir massivement sur ce secteur, avec notamment la mise au point d’un nouveau dispositif de sélection des betteraves à sucre. «Ce nouveau système permettra de générer plus de plants, avec une résistance accrue. Nous sommes en train d’investir 30 M€ dans notre filière betteravière pour améliorer nos exportations. Une mise de fonds que nous annoncerons officiellement et détaillerons davantage au mois de septembre», promet François Desprez.

Recherche. Nerfs de la guerre, la recherche et l’innovation restent donc au cœur des préoccupations de Florimond-Desprez, qui y consacre 15% de son chiffre d’affaires annuels et 35% de ses 938 collaborateurs, répartis dans 16 pays. «C’est un chiffre très élevé, surtout pour une entreprise de notre taille, souligne Bruno Desprez, président de Florimond-Desprez Veuve & Fils. En moyenne dans l’agroalimentaire, c’est 0,5 à 3% du chiffre d’affaires qui est consacré à la recherche.» Le semencier participe d’ailleurs à plusieurs programmes de recherche, notamment sous la forme de partenariats public-privé. Le dernier en date, Breedwheat, fait travailler de conserve 26 participants, grandes entreprises et centres de recherche publics, pour développer de nouvelles variétés de blé pour une agriculture durable, avec un budget total de 34 M€. Au travers de trois stations de recherche en France, une en Allemagne, une en Hongrie et une en Argentine, et des filiales au Maroc et en Espagne, Florimond-Desprez tente de mettre au point les variétés les plus adaptées possible à ces différents climats et marchés, et d’adapter dès à présent ses espèces aux conséquences du changement climatique.

Encadré :

La technique SSD

Avec son complexe SSD, Florimond-Desprez va pouvoir produire davantage de variétés distinctes, et en un temps réduit – un atout majeur pour la recherche. Ce système, baptisé «Single Seed Descent», soit «sélection par filiation monograine», permet de n’utiliser qu’une seule graine d’un plant pour obtenir la génération suivante. La croissance des plantes est ensuite accélérée au maximum grâce aux caractéristiques techniques de la serre, qui permettent de réguler en permanence l’environnement des plants, pour qu’elles donnent du grain le plus rapidement possible. La qualité du double vitrage, un système de chauffage et de climatisation permettant une régulation au degré près de la température, des toiles d’ombrage pour éviter la surchauffe et un système de ferti-irrigation, distribuant eau et engrais garantissent une parfaite homogénéité du développement des plantes, qui arrivent à maturité au même moment, permettant d’entamer la phase suivante du processus.  

A l’issue des trois premières phases, qui se déroulent sous la serre, la sélection se poursuit ensuite de façon classique, en champ. La garantie des conditions optimales de culture sous la serre permettent d’obtenir en quatorze mois, à partir de douze grains au départ, 600 lignes de trente grains en plein champ. Le matériel génétique disponible est donc démultiplié.