Fin de vie: le projet de loi présenté en Conseil des ministres

Le projet de loi sur la fin de vie a été présenté mercredi en Conseil des ministres. Ouvrant à de strictes conditions la possibilité d'un suicide assisté, il est jugé trop...

Action du mouvement "Soulager mais pas tuer", contre le projet de loi Fin de vie, à Lyon le 4 avril 2023 © Philippe LOPEZ
Action du mouvement "Soulager mais pas tuer", contre le projet de loi Fin de vie, à Lyon le 4 avril 2023 © Philippe LOPEZ

Le projet de loi sur la fin de vie a été présenté mercredi en Conseil des ministres. Ouvrant à de strictes conditions la possibilité d'un suicide assisté, il est jugé trop tiède par certains mais dangereux par d'autres.

"Ce n'est pas un droit nouveau, ce n'est pas non plus une liberté" mais plutôt "une réponse éthique aux besoins d'accompagnement des malades", a déclaré Catherine Vautrin, ministre de la Santé, à la sortie du Conseil.

Ce texte constitue la grande réforme sociétale du second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui s'était engagé de longue date à changer la législation sur la fin de vie. Mais il prend le risque de réveiller de forts clivages éthiques et religieux sur le bien-fondé de la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté.

L'exécutif se refuse à employer ces deux termes, préférant celui d'"aide à mourir". Toutefois, il s'agit bien de proposer à certains patients le moyen de se suicider et, quand ils sont incapables d'accomplir le geste fatal, de le faire pour eux.

Reste que les conditions seront très strictes, comme l'a détaillé mercredi Mme Vautrin. L'aide à mourir sera réservée aux patients majeurs, nés en France ou résidant de longue date dans le pays, et en mesure d'exprimer clairement leur volonté. Le texte "exclut les maladies psychiatriques", a notamment précisé la ministre.

Responsabilité des soignants

Il faudra également ressentir des souffrances intolérables et impossibles à traiter, physiques ou psychologiques. Enfin, le pronostic vital devra être engagé à court ou moyen terme.

"Moyen terme, c'est six à douze mois", a expliqué Mme Vautrin. Mais nombre de soignants craignent qu'il soit difficile de faire des prédictions médicales solides à cet horizon.

Or, la responsabilité des soignants sera centrale. Une fois qu'un patient demandera une aide au suicide, ce sera à un médecin de se prononcer après une procédure lui laissant jusqu'à 15 jours. 

Il le fera seul, même s'il devra consulter un autre médecin et un infirmier. Autrement dit, ce ne sera pas une décision "collégiale", contrairement à ce qu'avait annoncé M. Macron en mars.

Pour l'exécutif, ces conditions sont garantes d'équilibre, en créant un "modèle français" de la fin de vie. Mais ce juste milieu revendiqué ne satisfait pleinement ni les adversaires ni les partisans de la légalisation de l'aide au suicide ou de l'euthanasie.

Les premiers expriment un vif rejet face à ce qu'ils voient comme une dérive majeure. Il comptent les religieux, notamment catholiques et musulmans, ainsi que de nombreux soignants, notamment dans les soins palliatifs. Selon eux, il faudrait d'abord se préoccuper du développement de ces soins, encore peu disponibles en France, pour s'assurer que des patients ne réclament pas de mourir faute de trouver une prise en charge adaptée à leurs derniers jours.

Selon une étude de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) parue dans La Croix, 80% des professionnels adhérents "refuseraient de prescrire, fournir, préparer et/ou administrer un produit létal".

Premier pas

Ces chiffres témoignent "de l'inquiétude (et d')un refus massif de l'ensemble des professionnels concernés", a commenté en conférence de presse Claire Fourcade, présidente de la Sfap, évoquant un "stress pré-traumatique" déjà sensible avant même l'adoption de la loi.

Le sujet des soins palliatifs figure certes lui aussi dans le projet de loi. Et leur développement fait l'objet d'une "stratégie décennale", également présentée en Conseil des ministres. Celle-ci prévoit notamment d'augmenter peu à peu les dépenses publiques en la matière pour atteindre 2,7 milliards d'euros annuels - contre 1,6 milliard actuellement - en 2034.

Les partisans de l'aide à mourir, eux, sont insatisfaits mais moins virulents. S'ils regrettent des conditions trop restrictives, ils se montrent soulagés de voir arriver un texte qu'ils craignaient de voir passer à la trappe. L'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) a, dans un communiqué, "salu(é) cette adoption, même si elle a été maintes fois différée", y voyant "un tout premier pas vers un nouveau droit".

La route est, de fait, encore longue. Les députés vont entamer fin mai (le 27) l'examen du texte dans l'hémicycle, début d'un trajet parlementaire qui pourrait prendre jusqu'à deux ans avant l'adoption d'une loi en bonne et due forme.

La commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi a choisi mercredi après-midi le député MoDem Olivier Falorni, défenseur de longue date d'une légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté, pour occuper le poste-clé de rapporteur général.

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