Trois questions à Mathieu Hiblot, directeur délégué d'Ecominéro, éco-organisme chargé des déchets issus de la filière minérale.
Filière des déchets minéraux : 2025, année de l'éco-conception
Ecominéro a rempli ses objectifs en 2024. Et l’éco-organisme maintient le cap pour 2025, en dépit du moratoire sur la REP PMCB, filière à responsabilité élargie du producteur des produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment, annoncé en mars dernier par la ministre de la Transition écologique. Avec une priorité, l'éco-conception.

Quel
bilan pour 2024 , première année de plein d'exercice pour
Ecominéro, sur fond de contestation de la REP du bâtiment -
initiée en mai 2023 - par les professionnels du secteur ?
2024
a constitué un très beau démarrage pour Ecominero. L'éco-organisme
qui représente 3 000
entreprises, soit 80%
de la filière minérale a collecté et recyclé près
de 10 millions de tonnes de déchets inertes, qu'il s'agisse de
pierres de construction, produits de béton, de terre cuite,
céramique... Les objectifs de recyclage qui nous ont été assignés
par les pouvoirs publics ont été remplis. Cela doit sans doute
beaucoup au fait que les acteurs de la filière n'avait pas attendu
la REP pour s'organiser : depuis une trentaine d'années, les
entreprises de travaux publics cherchent à diversifier leurs
approvisionnements en matériaux de carrière et utilisent des
matières recyclées dans les sous-couches routières ou pour la
fabrication de nouveaux bétons, par exemple. La situation est donc
particulière par rapport à celle d'autres types de déchets comme
le plastique ou le bois, qui ne disposaient pas ou peu de dispositifs
avant la mise en place de la REP. Concernant le réemploi, en
revanche, nous sommes plutôt en retard par rapport aux objectifs.
Le
20 mars, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition
écologique, a annoncé un moratoire de la REP. Quelles conséquences
pour Ecominéro ?
Dans
l'immédiat, rien ne va changer. Nous allons continuer à fournir les
mêmes services auprès des
artisans et des professionnels du bâtiment, conformément au cahier
des charges qui nous a été fixé. Le moratoire en soi, dont nous
attendons la portée précise, porte sur l'obligation de collecte sur
les chantiers
dès lors que la quantité de déchets est supérieure à 50 m3 et
dont les études ont montré qu'elle n'engendrait pas d'amélioration
de la performance environnementale. Plus largement, durant
ce mois d'avril, un cycle de
discussions va être engagé avec les pouvoirs publics. Il est
possible que les échanges portent aussi sur le calendrier
d'application de la REP. Ecominero ne demande pas de modifications
particulières en ce sens. En revanche,
ces discussions seront pour nous l'occasion d'évoquer à nouveau le
sujet de la fixation des objectifs en matière de réemploi. Les
études que nous avons réalisées
dans le cadre du cahier des charges montrent que les potentiels ne
sont pas les mêmes pour chacune des familles de produits. Il serait
donc pertinent de se fixer des objectifs de réemploi par famille de
produits,
plutôt que de s'en tenir à un objectif unique qui englobe tout.
Vos
objectifs et la trajectoire prévue pour 2025 sont-ils remis en cause
?
Absolument pas. Nos orientations et nos ambitions demeurent inchangées en matière de collecte, de recyclage et de réemploi. En outre, en 2025, l'accompagnement des industriels en matière d'éco-conception constituera un chantier majeur. Nous allons réaliser un état des lieux de la maturité de la filière sur ce sujet, dessiner une trajectoire pour les années à venir et nous donner les moyens d'évaluer la progression, comme le prévoit le cahier des charges. Nous avons déjà conçu un guide destiné à accompagner les industriels dans l'élaboration des plans d'éco-conception de leurs produits et matériaux de construction. Cette mesure s'ajoute à d'autres déjà prises l'an dernier, comme la fixation des tarifs de l'écoparticipation en fonction de l'incorporation ou pas de matière recyclée dans les produits. Nous sommes aussi en train d’accroître nos efforts en matière de réemploi. En particulier, nous avons fait passer le budget que nous consacrons aux appels à projets de 1,3 million d'euros l'an dernier à 5 millions en 2025. Et nous sommes en train de développer notre réseau de points de collecte : nous serons sous contrat avec 5 500 points de reprise, bien avant la fin de 2025, contre 4 000 au 31 décembre 2024. De fait, l'année a déjà très bien commencé. En janvier, le volume de déchets inertes triés collectés et recyclés a doublé par rapport à l'année dernière.