Culture
Festivals : le modèle français en danger Trois questions Alexandra Bobes, directrice de France Festivals, réseau d'une…
En France, les festivals constituent un phénomène culturel, économique et sociétal très vivant, y compris dans les zones rurales. Mais depuis plusieurs mois, les réductions drastiques de subventions de certaines collectivités locales s'ajoutent à d'importantes hausses des coûts préexistantes. Cette pression financière menace le modèle français des festivals accessibles à tous.

Que représentent les festivals en France ?
La France compte 7 300 festivals dont la moitié ont été créés il y a moins de dix ans, selon la plus récente enquête du CNRS et du département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation du ministère de la Culture. Ils sont d'une grande variété. Nous avons des festivals de musique, de théâtre, de cinéma, des arts visuels...En termes de taille, cela va du festival doté de 30 millions d'euros de budget aux tout petits festivals qui accueillent 300 personnes dans un village... Par ailleurs, contrairement à une idée reçue, seuls quatre festivals sur 10 ont lieu en été ! L'année est donc rythmée par les festivals et ce, un peu partout en France, même si un certain nombre de ces événements sont concentrés dans le sud. Et un tiers d'entre eux se déroulent en milieu rural, où ils constituent les seuls diffuseurs de culture. Autre constat, durant le Covid, l'annulation des festivals entre avril et août en 2020, a représenté un manque à gagner d'environ 2,6 milliards d'euros pour les territoires, selon l'étude SoFEST ! menée par des chercheurs et initiée par France Festivals. Au global, les festivals ont un impact culturel, artistique, social et aussi économique important sur les territoires.
Depuis plusieurs mois, de nombreuses collectivités locales ont annoncé des baisses de subventions à la culture et aux festivals. Comment réagissez-vous ?
Ces décisions ont été brutales et leurs conséquences se font sentir. Parmi nos adhérents, nous savons déjà que certains festivals d'été ont renoncé à organiser une édition en 2025. D'autres réduisent la durée ou revoient la programmation à la baisse. Il y a là un paradoxe que nous ne nous expliquons pas. Il est vrai que l’État demande aux collectivités locales de réaliser des économies, mais certaines régions, départements ou villes font du zèle, alors même que nous avons montré ce qu'apportent les festivals aux territoires. Par ailleurs, on nous reproche parfois d'être dépendants des subventions ; certains politiques nous suggèrent d'augmenter les prix des billets. Mais cela reviendrait à renoncer à la spécificité des festivals en France : être des projets communs, collectifs. Ils sont accessibles à un large public et 85% d'entre eux au moins relèvent d'associations. Dans certains pays comme l'Angleterre, les festivals sont un produit de luxe. Ce n'est pas le modèle que nous défendons.
Le modèle de festival que vous défendez peut-il survivre aux contraintes économiques actuelles ?
Ces baisses ou arrêts de subventions aggravent une situation déjà difficile : inflation et hausses des coûts constituaient déjà notre premier souci. Nous avons subi des hausses importantes sur de nombreux postes de dépenses. Les transports, l'hébergement, les cachets des artistes, et aussi, des dépenses engendrées par des normes toujours plus strictes, pour les dispositifs de sécurité, par exemple. A cela, il faut ajouter que certains festivals ont subi des aléas climatiques dont nous savons bien qu'ils vont se renforcer. La crise actuelle est-elle structurelle ou conjoncturelle ? Déjà, en 2023, nous avons constaté que la moitié de nos adhérents était en déficit, une tendance qui s'est confirmée en 2024. Cela peut concerner aussi des festivals qui ont affiché complet, mais qui sont pris par cet effet de ciseau entre les baisses grandissantes de certaines recettes - subventions et mécénat privé- et l'augmentation continuelles des charges. La volonté de toutes les parties prenantes est indispensable si l'on tient à préserver la spécificité du modèle français, la richesse que représentent ces festivals si variés qui irriguent les territoires.