Faire monter en compétences les collaborateurs sur les nouvelles technologies
Un récent webinaire organisé par RH Matin avec Indeed sur le futur du travail a mis en avant le manque de productivité de la France, alors que les progrès technologiques ne cessent de s’accélérer. Il semble donc urgent d’adopter les technologies pour renouer avec la compétitivité.
«Il faut mettre en adéquation les compétences avec les technologies». Pour Alexandre Judes, économiste au sein de l’institut de recherche «Hiring Lab» d’Indeed, tout passe par la compétence de la main d’œuvre. Pour lui, l’enjeu principal consiste à trouver des gains de productivité et mettre à profit des innovations comme l’IA, «par le marché du travail et par une meilleure connaissance de ce que ces nouveaux outils peuvent apporter». Il existe selon lui un paradoxe de taille : alors que les changements se succèdent, avec des accélérations technologiques et des environnements qui se transforment, «les chiffres de la productivité et du progrès technique stagnent. La productivité a connu un coup d’arrêt net dans les années 1970».
Ainsi, alors que «l’économie française a créé depuis le Covid 6% d’emplois salariés en plus, elle n’a créé qu’1,7% de production. Il y a une perte de productivité qui se traduit en perte de compétitivité», indique-t-il. Selon une enquête de la Banque de France de mars 2024, la productivité du travail en France aurait ainsi baissé de 8,5% par rapport à sa tendance pré-Covid. L’économiste met enfin en avant le net retard de la France par rapport aux Etats-Unis qui «utilisent beaucoup mieux toutes ces innovations et ce progrès technologique».
«Entre peur et enthousiasme»
«Le changement va être permanent, il va falloir s’adapter en permanence», prévient de son côté Eric Gras, expert du marché du travail, Indeed France. Et de citer l’IAG, Intelligence artificielle générative, qui a démocratisé l’IA, mais suscite à la fois «peur et enthousiasme» et accélère les disruptions. S’il reconnaît que cette transition peut être «perturbante» et que «le changement n’est jamais confortable», il prévient qu’il faut être beaucoup «plus souple et adaptable» qu’avant. De fait, il est «compliqué pour une entreprise de faire des business plans sur cinq ans», tout comme il s’avère «compliqué pour les RH de faire des plans à trois-cinq ans».
Pour lui, les nouvelles compétences vont devenir essentielles, et ce quel que soit le métier. «Les compétences évoluent et se transforment beaucoup plus rapidement qu’avant, car le monde évolue et les attentes des entreprises et des collaborateurs aussi». Heureusement, si la majorité des Français ont conscience que sur leur propre métier leurs compétences vont devoir évoluer au cours des cinq prochaines années, 85% ont confiance dans leur capacité à s’adapter aux changements qui affecteront leur poste*.
«Les Français sont plutôt confiants, ils ont l’habitude des transformations et des changements», commente Eric Gras. «Il n’y a pas de rejet par principe du changement chez les salariés qui veulent se saisir des nouveaux outils», confirme Alexandre Judes. S’il observe une volonté des salariés comme des employeurs de se former, il prévient que cela suppose néanmoins d’avoir déployé le numérique dans son entreprise et d’apprendre à se saisir de la donnée. «Il faut réfléchir entreprise par entreprise et métier par métier de la meilleure façon de se saisir de ces outils», poursuit-il.
Formation et acculturation à l’IAG
Chez EY, les collaborateurs utilisent toutes les fonctionnalités propres de l’IAG, via un chatGPT interne dans un environnement sécurisé. Pour Muriel Olivaud, directrice recrutement, marque employeur et relations écoles chez EY, l’IA doit être vue comme une opportunité. «On forme l’ensemble des collaborateurs, les anciens comme les nouveaux, explique-t-elle, via la Prompt Academy» et le Comptoir de l’IA, avec des experts présents dans les locaux de l’entreprise. «On leur explique ce qu’est l’IA, comment l’utiliser et surtout comment l’utiliser de manière éthique».
L’entreprise, qui recrute 2 500 nouvelles personnes chaque année (créations de postes et remplacements), recherche avant tout chez les candidats une «capacité d’apprentissage et d’adaptation aux nouvelles technologies. Des personnes capables d’interpréter et de challenger les données fournies par les IAG, en prenant en compte les éventuels biais, stéréotypes et manques». Pour elle, l’IAG est une belle opportunité pour l’efficacité collective, pour de la gestion de projet et pour fluidifier les tâches entre les équipes. «Cela permet de libérer du temps pour des tâches à forte valeur ajoutée et pour la formation des collaborateurs et leur équilibre vie professionnelle/ vie personnelle».
Le marché du travail ayant basculé d’un marché de sélection à un marché de séduction avec 60% d’offres en plus depuis le Covid, les entreprises doivent apprendre à recruter autrement et de manière plus inclusive. En termes de formation, EY forme ses managers et la direction au leadership inclusif et aux biais inclusifs et ses équipes recrutement et marque employeur à l’IAG, pour apprendre à communiquer avec elle et lui poser les bonnes questions.
Certaines équipes d’EY l’utilisent ainsi quotidiennement pour la rédaction d’annonces, la structuration d’idées ou pour la communication, détaille Muriel Olivaud. Pour Eric Gras, l’IA est un outil qui permet de limiter les biais du recrutement, comme l’inégalité femmes/hommes ou d’éviter de se baser uniquement sur un CV ou une école. Pour lui, les recruteurs doivent «se focaliser plus sur des compétences que sur des profils ou des persona».
*Enquête Indeed avec YouGov de décembre 2023 dans 11 pays auprès de 9 592 collaborateurs, 4592 employeurs et 2487 DRH.