Face aux coups de chaud du monde, la fraîcheur des Rencontres photo d'Arles

Au cœur de l'été, dans un monde à l'épreuve du réchauffement climatique et de conflits brûlants, les Rencontres de la photographie d'Arles offrent depuis lundi une oasis de fraîcheur, de la sororité d'artistes scandinaves...

L'exposition "La main de l'enfant" de Juliette Agnel lors des Rencontres d'Arles à Arles le 3 juillet 2023 © Nicolas TUCAT
L'exposition "La main de l'enfant" de Juliette Agnel lors des Rencontres d'Arles à Arles le 3 juillet 2023 © Nicolas TUCAT

Au cœur de l'été, dans un monde à l'épreuve du réchauffement climatique et de conflits brûlants, les Rencontres de la photographie d'Arles offrent depuis lundi une oasis de fraîcheur, de la sororité d'artistes scandinaves aux couleurs du photographe-flâneur américain Saul Leiter.

Aux confins de la Provence et du delta de Camargue (sud-est de la France), Arles voit le mercure grimper au-delà des 30 degrés en ce début juillet. Mais les Rencontres, un des principaux festivals de photographie au monde, emmènent le visiteur sous terre, dans la fraîcheur -20 degrés environ- des cryptoportiques.

Ces entrepôts souterrains où les marchands gardaient leurs stocks durant l'époque romaine servent de cadre à la série d'images prises dans la grotte préhistorique d'Arcy-sur-Cure (Yonne) par la photographe française Juliette Agnel.

Immergée dans l'obscurité, elle a éclairé certaines parties de la cavité et ses photos, mystérieuses, convoquent des créatures imaginaires mais rappellent surtout les clairs-obscurs des peintures de Rembrandt (1606-1669) ou Goya (1746-1828).

"Juliette Agnel explore des paysages extrêmes dont la beauté troublante suscite l'émerveillement et le sentiment de sublime", souligne la commissaire Marta Ponsa dans la présentation.

De temps en temps, l'eau goutte dans les cryptoportiques, en résonance avec l'univers humide de la grotte.

"Les photos ont dû être recouvertes d'un film très très fin pour les protéger de l'humidité", explique Christoph Wiesner, directeur des Rencontres, se réjouissant que le festival reste "un défricheur" de lieux, comme il le fit dans le passé avec les anciens ateliers SNCF devenus halls d'exposition.

Remonté à la chaleur de la surface, le visiteur peut entrer dans le cloître Saint-Trophime pour retrouver un autre territoire marqué par l'eau, la Camargue. Ici, pas de clichés de chevaux ni de taureaux, mais le regard neuf et frais de la Française Eva Nielsen, qui a sillonné cette terre entre fleuve et mer pour "Insolare". 

Elle superpose photographie, sérigraphie et peinture dans un travail mené avec Marianne Derrien. Dans des compositions oniriques, l'artiste capte roseaux et marais, l'action du sel sur la terre, mais aussi les maisons d'ouvriers ou les grilles des grands domaines agricoles dans cette Camargue "à la fois sauvage et manipulée par l'homme", explique-t-elle à l'AFP.

Incluse dans le chapitre des Rencontres "Géographie du regard", cette exposition fait partie "d'une réflexion que nous avons menée avec des photographes, des scientifiques, des architectes autour du territoire où nous sommes, Arles, la Camargue, qui est particulièrement exposé" au réchauffement climatique, souligne Christoph Wiesner.

Le Sud regarde au Nord

Comme souvent dans ces Rencontres fondées il y a plus de 50 ans, certaines des 45 expositions ouvertes jusqu'au 24 septembre, permettent aussi un voyage dans la création contemporaine d'autres pays.

Et cette année, ce festival du Sud regarde vers le Nord, pour un coup de frais scandinave. 

Dans des pays où l'Etat a toujours misé sur des services publics forts, favorisant la cause féministe, les 18 photographes femmes de l'exposition Sosterskap (Sororité) donnent à voir des pères en congé parental prenant soin de leur enfant là où les images montrent généralement des mères (Verena Winkelmann, Norvège), des femmes arrêtées menottes aux mains mais regardant au loin vers l'avenir (Annika Elisabeth von Hausswolff), des femmes issues de l'immigration, comme les proches de la jeune Suédoise Ikram Abdulkadir, née à Nairobi, qu'elle photographie avec douceur et humour.

Une forme de sororité qu'on retrouve chez la jeune finlandaise Emma Sarpaniemi, qui signe l'affiche des Rencontres avec son autoportrait en tee-shirt jaune, bas roses et cheveux roux. Ses portraits joyeux de femmes, en groupe, complices, "incarnent un sentiment de solidarité", soulignent les commissaires.

Des couleurs, de la poésie et de la douceur traversent aussi les photographies de Saul Leiter (1923-2013), "photographe-flâneur" américain connu pour ses instants de vie new-yorkaise, outre son travail dans la mode. Mais les Rencontres présentent aussi ses peintures -gouache et aquarelle colorées sur papier japonais- pour beaucoup inédites.

Malgré la gravité du monde, souligne Saul Leiter dans un entretien filmé, "je crois qu'il y a une chose importante comme la quête de la beauté, et vous n'avez pas à vous excuser de la chercher".

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