Face à la fragmentation, la patronne du FMI appelle à "en tirer le meilleur parti possible"

Alors que le Fonds monétaire international (FMI) alertait encore ces derniers mois sur le risque de fragmentation de l'économie mondiale, sa directrice générale Kristalina Georgieva a appelé jeudi, dans un entretien à l'AFP, l'ensemble des...

La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, prononce un discours liminaire avant les réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale au siège du FMI à Washington, DC, le 17 avril 2025 © Jim WATSON
La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, prononce un discours liminaire avant les réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale au siège du FMI à Washington, DC, le 17 avril 2025 © Jim WATSON

Alors que le Fonds monétaire international (FMI) alertait encore ces derniers mois sur le risque de fragmentation de l'économie mondiale, sa directrice générale Kristalina Georgieva a appelé jeudi, dans un entretien à l'AFP, l'ensemble des pays à "en tirer le meilleur parti possible".

"Nous ne sommes plus dans un monde où les règles peuvent être collégialement facilement tranchées mais dans un monde multipolaire, avec tout ce que cela implique", en particulier en terme de régionalisation de l'économie mondiale, a insisté Mme Georgieva.

Dès lors, "plutôt que d'espérer que le monde retournera à ce qu'il était" avec une économie pleinement mondialisée, "il est préférable que chacun travaille dur pour en tirer le meilleur parti possible", a-t-elle estimé.

Et la fragmentation n'a pas nécessairement que des effets négatifs, juge Mme Georgieva au contraire, "certaines parties du monde pourraient en profiter", citant en particulier le continent africain.

"Nous observons une approche plus régionale en terme de croissance et de commerce, là où ces liens devraient être plus forts, (...) certaines parties du monde peuvent renforcer leurs liens commerciaux avec leurs voisins ou avec des économies proches avec des chaînes d'approvisionnements dès lors renforcées", a-t-elle détaillé.

Mais dans l'immédiat, le brusque retour des droits de douane parmi les outils économiques, en particulier aux Etats-Unis devrait peser sur l'économie, alors que le FMI anticipe un ralentissement de la croissance cette année, sans pour autant plonger le monde dans la récession.

Le président américain Donald Trump a imposé début avril au moins 10% de droits de douane supplémentaires sur l'ensemble des produits entrant aux Etats-Unis, et jusque 145% sur les produits chinois, avant d'introduire quelques exceptions pour les produits électroniques.

L'effet sera cependant variable d'un endroit à l'autre car "les droits de douane provoqueront un choc de l'offre dans certains pays, de la demande dans d'autres, ce qui amènera des inquiétudes différentes, certains pays pour la croissance, d'autres sur l'inflation", a prévenu Kristalina Georgieva.

En Europe en particulier, "on a vu la Banque centrale européenne (BCE) agir en baissant ses taux car l'UE est plutôt confrontée à un choc de demande, avec les prix qui risquent de baisser et les biens (venant de Chine, NDLR), qui ne vont plus aux Etats-Unis, aller vers l'Europe".

"Aux Etats-Unis on est face à une situation plus compliquée. Les anticipations d'inflation sont à la hausse et dans le même temps la croissance devrait ralentir, cela va rendre les choses plus compliquées pour la Fed", a ajouté Mme Georgieva.

Aide internationale plus coordonnée

Pour le reste du monde, le ralentissement de l'économie ne sera pas sans conséquence, en particulier pour les pays à faibles revenus.

"Lorsque l'économie mondiale ralentit, toutes choses égales par ailleurs, ce n'est pas bon pour eux", mais plus encore lorsque ces pays, sont confrontés, comme actuellement, à "une baisse de l'aide internationale" alors que les économies avancées réduisent leur dépenses.

Car au-delà de la coupe drastique connue aux Etats-Unis avec la fermeture de l'Agence pour l'aide au développement (USAID), la France ou le Royaume-Uni ont notamment annoncé une baisse de leurs dépenses en la matière, et comptent poursuivre dans cette voie.

Face à cette situation, Kristalina Georgieva appelle les pays en développement à "prendre au sérieux la nécessite d'améliorer leur propre économie (...) il est temps pour eux de remettre les choses en ordre".

Cela passe en particulier par une meilleure mobilisation de l'impôt pour financer leur Etat et un travail afin de réduire la part de l'économie informelle dans leur produit intérieur brut.

Mais le FMI compte également sur d'autres acteurs pour prendre le relai des économies avancées, et sa directrice générale regarde en particulier vers le Conseil de coopération du Golfe (GCC), qui réunit les monarchies pétrolières du Proche-Orient.

"Le GCC agissait jusqu'ici principalement de manière bilatérale mais nous pouvons travailler de manière plus coordonnée, pour une utilisation plus efficace de l'argent. C'est mieux pour le pays aidé, pour les donateurs et c'est notre responsabilité".

Mais sans davantage d'aide au développement, cela peut rendre les choses plus compliquées pour le FMI.

"Nous agissons en tant que prêteur principal, l'argent que nous apportons n'est pas un don" mais un prêt, et dès lors "nous avons absolument besoin de continuer à travailler avec la communauté des donateurs", a rappelé Mme Georgieva.

Mais "si nous devons réduire notre aide au développement, alors au moins faisons en sorte de travailler plus efficacement pour les pays en développement", a-t-elle demandé.

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