Face à la colère de la viticulture bourguignonne, l’Inao fait machine arrière
Première victoire viticole
Au terme d’une mobilisation expresse et efficace, les vignerons bourguignons obtiennent que l’Inao s’engage à ne pas exclure de communes de Bourgogne de l’appellation Bourgogne régionale. Ce pas en arrière ne règle pas pour autant une question délicate..
Ils étaient 450 vignerons bourguignons et politiciens locaux à manifester, joyeusement, jeudi 6 février, devant le siège de l’Inao, à Montreuil pour protester contre un projet qui leur apparaît aberrant. Ce jour, l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) devait trancher un vieux débat, qui anime les esprits depuis 1937, à savoir où peut-on produire des vins qualifiés de Bourgogne AOC, appellation régionale. À l’époque, cette question ne semblait pas primordiale. Aujourd’hui, avec le succès mondial des crus bourguignons, le poids de l’appellation Bourgogne « générique » change la donne, et aiguise les appétits des voisins du Beaujolais.
L’Inao fait machine arrière.
L’Inao projetait d’exclure 64 communes de Bourgogne de l’appellation, tout en y faisant entrer la moitié des communes du Beaujolais, principalement celles situées au sud de Villefranche-sur-Saône. Pour élaborer son projet d’aire géographique, l’Institut s’appuyait sur des critères naturels — nature du sous-sol, type de cépage planté… — et sur un critère d’usage : a-t-on planté et récolté du Bourgogne rouge (pinot noir) ou blanc (chardonnay) régulièrement sur cette zone ces 8 dernières années. Avec ce dernier critère, certains secteurs de Bourgogne viticole où l’on produit du Chablis (Chablisien), ou du Crémant de Bourgogne (Châtillonnais), et très minoritairement des Bourgognes AOC, se trouvaient exclus du projet d’appellation. Un non sens historique, et une grosse erreur de communication de l’Inao, qui fait donc machine arrière sur ce point. « Le projet présenté aux Bourguignons prévoyait initialement d’exclure 64 communes dans les secteurs de Chablis, de Dijon (capitale de la Bourgogne !), du Châtillonnais et des autres vignobles de la Bourgogne. L’INAO s’engage finalement à ne pas exclure les communes bourguignonnes de l’aire de production de l’AOC Bourgogne. », se félicite Guillaume Willette, directeur du Syndicat des Bourgognes.
La question du Beaujolais en suspend.
Pourtant, ce retrait demeure insuffisant à ses yeux : « c’est un premier pas, mais ça ne règle en rien les problèmes de fond », lance-t-il. Le retrait du projet ne débouche pas sur de nouvelles propositions de l’Inao, qui prendront du temps à élaborer. Et si le retour des 64 communes « exclues » rassérène la profession, il n’apaise pas ses craintes quant au vignoble du Beaujolais. Actuellement, l’appellation Bourgogne est produite sur 2600 hectares, blanc et rouge confondus, mais l’Inao prévoit d’autoriser la production en Beaujolais, sur une surface potentielle importante, et débattue. La carte de l’Institut englobe des zones larges, et n’a pas encore la précision parcellaire, d’où un léger flou quant aux estimations de surface : d’un côté les vignerons bourguignons estiment que plus de 10 000 hectares de Beaujolais pourraient produire des Bourgognes, tandis que l’Inao estime cette même surface de 2 000 à 3 000 hectares. Actuellement, ces vignes produisent des vins d’appellation Beaujolais, et des crémants pour les grandes maisons de négoce beaunoises, mais rien ne s’opposerait à une conversion partielle ou totale vers l’appellation Bourgogne, ce qui risquerait d’en déstabiliser la valeur marchande. Aujourd’hui, le beaujolais rouge se vend deux fois moins cher que le Bourgogne rouge.