Face à "l'incertitude partout", la BCE prudente sur son cap monétaire

La Banque centrale européenne n'a écarté jeudi aucune option pour l'avenir de ses taux directeurs, reconnaissant qu'elle était, comme jamais, confrontée à des "risques et de l'incertitude partout" en raison des tensions avec les États-Unis...

Les plans d'investissement géants annoncés par l'Allemagne rebattent les cartes pour l'économie européenne et ajoutent aux incertitudes de la BCE, qui se réunit jeudi avec en ligne de mire une nouvelle baisse des taux d'intérêt © Kirill KUDRYAVTSEV
Les plans d'investissement géants annoncés par l'Allemagne rebattent les cartes pour l'économie européenne et ajoutent aux incertitudes de la BCE, qui se réunit jeudi avec en ligne de mire une nouvelle baisse des taux d'intérêt © Kirill KUDRYAVTSEV

La Banque centrale européenne n'a écarté jeudi aucune option pour l'avenir de ses taux directeurs, reconnaissant qu'elle était, comme jamais, confrontée à des "risques et de l'incertitude partout" en raison des tensions avec les États-Unis et des investissements massifs attendus en Europe.

Face à une situation "qui change radicalement d'un jour à l'autre", Christine Lagarde, la présidente de l'institution, n'a pas caché que les gardiens de l'euro naviguaient à vue.

Ils ont, comme attendu, de nouveau baissé le principal taux d'intérêt directeur de 0,25 point de pourcentage pour marquer leur confiance dans le retour progressif de l'inflation à l'objectif de 2%.

Le taux de dépôt, qui fait référence, a été porté à 2,50%. C'est la sixième baisse du loyer de l'argent depuis juin, après le pic atteint par les taux directeurs en 2023, dans un contexte à l'époque de forte inflation.

Dans sa décision de politique monétaire, la BCE laisse entendre que le cycle de baisse approche de la fin, ce qui a entrainé une appréciation de l'euro, à 1,08 dollar.

Les gardiens de l'euro ont en effet affirmé pour la première fois que les taux étaient désormais à un niveau auquel la politique monétaire "devenait sensiblement moins restrictive" car ménages et entreprises vont payer leurs emprunts moins chers. 

Plus de pilote automatique

Mais les bouleversements géopolitiques en cours des deux côtés de l'Atlantique ne permettent pas de dire si ce cycle d'abaissement des taux va s'arrêter très rapidement ou durer plus longtemps que prévu pour soutenir l'économie.

"La BCE n'est plus en pilotage automatique", note Frederik Ducrozet, chef économiste chez Pictet Wealth Management.

Pour déterminer la suite du cap monétaire, l'institution va devoir comme rarement jongler entre des objectifs parfois difficiles à concilier: maîtriser l'inflation sans pénaliser la croissance dans une zone euro fragilisée par des crises successives.

L'équation économique s'est sensiblement compliquée ces dernières semaines.

La décision du futur gouvernement allemand d'augmenter la dette, pour financer ses projets de réarmement, a fait bondir les taux d'emprunt du "Bund" comme jamais depuis la Réunification.

Mme Lagarde ne s'en est "pas trop inquiétée, notant que les écarts de taux entre pays de la zone euro sont restés +très limités+", selon M. Ducrozet. 

Cette poussée des taux longs, qui va rendre plus chers les emprunts des Etats, intervient alors que la zone euro, déjà fragile, est désormais menacée par de nouveaux droits de douane américains.

"Une escalade des tensions commerciales réduirait la croissance de la zone euro en freinant les exportations et en affaiblissant l'économie mondiale", a prévenu Mme Lagarde.

D'un autre côté, les dépenses colossales prévues par l'Allemagne, en s'affranchissant du dogme de la rigueur, pourraient doper la croissance européenne et l'inflation. 

Lequel de ces effets va l'emporter ? Impossible de le dire à ce stade, a reconnu la banquière centrale.

"Nous devons comprendre comment cela va fonctionner, quel sera le calendrier, quel sera le financement, afin que nous puissions tirer les conclusions et apprécier la contribution à la croissance et l'impact sur l'inflation", a-t-elle expliqué.

Être agiles

Seule solution face aux chocs en série : sur le devenir des taux, "nous devrons être agiles pour réagir aux données" économiques, selon Mme Lagarde.

La BCE a relevé ses prévisions d'inflation pour 2025 à cause de la hausse des prix de l'énergie et abaissé ses prévisions de croissance pour cette année et la prochaine face à la baisse des exportations et la faiblesse persistante des investissements.

L'institution de Francfort table sur une inflation de 2,3% en 2025 — contre 2,1% précédemment — puis 1,9% en 2026 et 2,0% en 2027. Le PIB de la zone euro devrait croître de 0,9% en 2025, 0,2 point de moins que l'estimation de décembre. Il grimperait à 1,2% en 2026 et à 1,3% en 2027.

Ces projections, arrêtées début février, n'ont pas tenu compte des tous derniers développement et ont donc de bonnes chances d'être revues en juin.

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