Evolis mise sur une stabilité de son activité

Les fournisseurs de solutions et machines destinées aux industries et gros travaux, fortement exportateurs, se veulent rassurants sur leur activité en 2025, en dépit des tensions probables sur le marché américain. La concurrence chinoise inquiète les roboticiens.


© le 3eme oeil
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Pas d'alarmisme. Evolis, syndicat professionnel qui regroupe 600 entreprises spécialistes des solutions et machines destinées aux industries et gros travaux, a présenté à la presse une évaluation de son activité en 2024 et ses prévisions pour 2025. Chiffre d'affaires estimé en 2024 : 20,95 milliards d'euros, pour une activité en léger recul (-1%) . «Les quatre grands secteurs d'Evolis évoluent de manière différente, à la baisse ou à la hausse», en fonction de l'activité de leurs clients respectifs, explique Rudolph Ganzel, directeur du pôle économique d'Evolis.

La chute est rude (-8%) pour les entreprises qui s’adressent au secteur du BTP et dont le chiffre d'affaires est de 3,6 milliards d'euros. Elles ont souffert de la crise de la construction de logements ; des usines qui fabriquent des engins de terrassement ont mis leurs salariés au chômage technique. Les professionnels d'Evolis dont la clientèle est plus diversifiée s'en sortent mieux. Ainsi, les spécialistes de la manutention et levage industriel (chariots industriels, rayonnages, ponts roulants...) voient leur chiffre d'affaires augmenter de 2,1%, pour atteindre 6,8 milliards d'euros. Ils comptent parmi leurs clients le commerce de détail et de gros, les transports, les entrepôts logistiques... Les spécialistes des équipements fluidiques aussi ont vu leur chiffre d'affaires augmenter (+1,5%) à 5,4 milliards d'euros. La diminution de leur activité tournée vers le bâtiment a été compensée par celle adressée à des secteurs porteurs comme l'énergie et le nucléaire. Et enfin, le segment des machines et solutions pour la production industrielle ( robotique, machine pour le métal, matériel de contrôle... ) a baissé de 2,1% et atteint 4,97 milliards d'euros. En cause, le recul du secteur automobile, la fermeture d'usines de fabrication de papier carton...

Au delà de ces variations, 2024 a été marquée par un autre changement pour ces entreprises fortement exportatrices (57% de leur chiffre d'affaires) . «En raison d'une diminution des marchés européens, les industriels se sont tournés vers le grand export, et en particulier vers les États-Unis», constate Rudolph Ganzel. Sur des dix premiers mois de l'année, les États-Unis ont pris la place de l'Italie comme deuxième pays d'export. L'Allemagne demeure le premier client et fournisseur d'Evolis.

Pour 2025, Evolis envisage une «stabilité» de son activité. Elle devrait être soutenue par certains secteurs : automobile, pharmacie, agroalimentaire, énergie, nucléaire et défense. S'y ajoute une activité de fourniture de pièces de rechange, composants, consommables.... Selon Rudolph Ganzel, «le marché a baissé en 2024 (…) Mais nous sommes sur un haut niveau d'activité. (…) On peut relativiser la situation un peu alarmiste que l'on peut lire dans la presse».

Faisceau d'inquiétudes

Pour autant, les sujets d'inquiétude, ou du moins d'incertitude, ne manquent pas. Tout d'abord, «les industriels sont très sensibles au contexte politique et géopolitique», met en garde Rudolph Ganzel. De fait, selon Evolis, 54% de ses adhérents estiment que l'instabilité du contexte politique constitue un frein à leur activité. 29% d'entre eux désignent le contexte géopolitique. Autre souci, un nouveau recul des investissements productifs est à attendre en 2025, après la baisse de 3% en 2024. Les carnets de commandes sont moins fournis. La consommation domestique est poussive et les perspectives de l'export, cruciales pour le secteur, sont fortement tributaires des décisions de Donald Trump. «Il risque, en effet, d'y avoir un effet sur le MIF [Made in France] exporté aux USA. Mais nombre de nos industriels disposent déjà de sites de production sur le continent», tempère Fabien Vincentz, président d'Evolis. Pour ceux qui n'y sont pas, « une réponse possible sera d'aller s'installer là-bas et d'y produire», poursuit-il.

Autre frein à leur activité identifié par 12% des adhérents d'Evolis, la concurrence. «Certains de nos industriels sont très préoccupés, comme les roboticiens qui voient arriver des produits ‘made in China’ avec des prix inférieurs de 70% ! Cela va être une terre brûlée », prévient Fabien Vincentz. À cet égard, les orientations de l'Union Européenne sont scrutées de près par Evolis qui attend une «prise de conscience» sur ces sujets. Ainsi, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, normalement effectif au 1er janvier 2026, inquiète. Prévu dans le cadre du "Green deal", il oblige les entreprises européennes qui importent des matières première polluantes à payer une compensation pour les émissions issues de leur production. «Pour nos industries, cela constitue un risque pour les dix prochaines années. Cela va surenchérir le prix de nos produits et cela va dégrader notre compétitivité à l'export», prévient Pascal Vinzio, président de CIER Taps & Valves Europe. Toutefois, la "Boussole de compétitivité", la feuille de route annoncée le 29 janvier par la Commission européenne pour redresser l'économie, dessine une perspective qui semble plus compatible avec les préoccupations de ces professionnels de l'industrie.

Et au niveau national, trois facteurs seraient de nature à favoriser l'activité, selon Fabien Vincentz. À commencer par la mise en place d'un dispositif de sur-amortissement sur les investissements industriels. «C'est une solution qui a déjà fonctionné.(...) Nous demandons à ce qu'elle soit mise en place sur un temps long, comme en Italie», argumente Fabien Vincentz. Par ailleurs «les industriels ont besoin d'une énergie abondante et bon marché», ajoute le président d'Evolis, en appelant à la «volonté politique» de la fournir. Et enfin, l'industrie attend des ingénieurs...