Eurotunnel roule “vert”

Du vert partout dans le rapport environnement 2010 d’Eurotunnel : la compagnie de transport francobritannique est fière de son bilan. “L’utilisation de la traction électrique pour l’ensemble des navettes et des trains empruntant le tunnel comme l’absence de toute interaction avec l’écosystème marin font d’Eurotunnel le moyen de transport transmanche le plus respectueux de l’environnement”, écrit-elle en guise d’introduction. L’argument écologique sert désormais d’outil marketing dans la concurrence que se font les ferries et le train.

Traverser le Détroit serait vert d’après le rapport environnement 2010 d’Eurotunnel. Le groupe franco-britannique a mis en place un “comparateur modal” qui doit “aider” les clients à choisir la solution de transport la plus écologique en comparant les émissions de gaz à effet de serre des moyens de transport qu’ils utilisent (www. eurotunnelfreight . com). Fruit d’une étude du cabinet JMJ conseil et d’échanges avec l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), l’étude montre donc que l’électricité utilisée par les navettes est moins polluante que le mazout des ferries. Depuis deux ans, l’entreprise de transport met en avant son système de management mis en place depuis 2000 et basé sur la norme Iso 14 001. L’entreprise veut montrer son souci environnemental, en mettant en avant le développement de l’élément le plus écolo de son coeur de métier : le train. Ainsi, lit-on dans le rapport que “2010 a vu la poursuite des livraisons des wagons de train de travaux autonomes à motorisation électrique, dont le projet avait été lancé en 2009”. Plus de train, plus de charge et moins de pollution au bout. Eurotunnel dispose d’un outil performant pour ce faire : “Le réseau ferré d’Eurotunnel est soumis à des conditions d’exploitation uniques au monde en raison de sa fréquence d’utilisation et de la charge portée sur les voies. Chaque jour, en moyenne, plus de 300 convois ferroviaires traversent le tunnel sous la Manche.” En pointe, un train passe toutes les 3 minutes, dont certains peuvent peser près de 2 500 tonnes. Le groupe estime que son infrastructure porte entre 110 et 120 millions de tonnes annuelles. Le groupe veut même aller plus loin. Une étude et des tests de faisabilité sont en cours et portent sur l’augmentation des poids lourds transportés sur les navettes. Actuellement, un train tire 30 wagons et Eurotunnel veut porter ce chiffre à 32. “Les émissions de gaz à effet de serre ramenées au véhicule transporté pourraient ainsi baisser de 5% de plus”, indique le rapport.

Recherches énergétiques. Prospective, l’entreprise de transport cultive des partenariats. Ainsi, avec le département énergétique de l’Ecole nationale supérieure des mines de Douai, elle cherche à quantifier le “gisement de calories” disponible sur l’usine de climatisation de Sangatte afin d’évaluer la possibilité de valoriser ces calories extraites du tunnel vers un nouveau pôle de développement territorial à vocation touristique porté par la commune. L’étude, réalisée dans le cadre d’un PST (projet scientifique et technologique) et présentée en mars par le groupe d’élèves-ingénieurs, confirme le potentiel énergétique, mais les technologies actuellement disponibles n’en permettent pas une exploitation économiquement acceptable. Pour l’instant. Car, avec le développement de nouveaux quartiers à Sangatte, l’échelle de pertinence d’un tel projet pourrait changer à moyenne échéance (cf. La Gazette n°8301, décembre 2010). Pour autant, Eurotunnel poursuit ses travaux de réflexion à travers une autre étude relative à la récupération de l’énergie cinétique dégagée lors des freinages des véhicules routiers. En plaçant un appareillage sous la chaussée, une production d’électricité serait alors possible. “Cet équipement serait installé juste avant un point d’arrêt obligatoire sur le terminal. Cette première approche a consisté en une comparaison des systèmes commençant à apparaître à l’étranger et une évaluation financière de l’opération. La prochaine étape sera l’étude technique nécessaire à l’injection de l’électricité produite dans notre réseau”, détaille le rapport.

De l’eau et du vent. L’eau fait partie de l’environnement particulier du tunnel. L’entreprise dispose d’une station en propre qui traite les eaux résiduaires du terminal et celles usées de la commune de Coquelles.”Les eaux de pluie collectées sur le terminal France à Coquelles sont stockées dans quatre bassins- tampons avant rejet à un débit maîtrisé dans les cours d’eau voisins, afin de réduire l’impact d’un flux important d’eau dans le réseau des wateringues. La totalité des analyses pratiquées sur ces rejets ont démontré la bonne qualité de ces eaux et l’absence de pollution. Environ 8 millions de mètres cubes d’eau pluviale transitent chaque année sur le terminal France. Et 16 893 m3 d’eau pompés dans la nappe phréatique à l’entrée du tunnel pour protéger l’infrastructure ferroviaire, à l’endroit où celle-ci pénètre dans la roche calcaire, ont pu être réutilisés dans les systèmes d’exploitation pour alimenter le réseau d’eau incendie du tunnel et les systèmes de nettoyage”, lit-on encore. Enfin, Eurotunnel dispose d’un petit parc éolien inauguré au printemps 2010. Trois éoliennes produisent l’équivalent de la consommation électrique de 2 000 ménages (soit 850 MWh) ; 10% des recettes de ce dispositif donnent lieu à l’octroi gratuit de bons d’énergie via le Secours populaire français, donnant ainsi à Eurotunnel l’occasion de faire rimer environnemental et social.