Européennes: pour Jordan Bardella, l'heure de l'émancipation

En se déclarant "naturellement" tête de liste du RN pour les Européennes, Jordan Bardella, élu président du parti il y a bientôt un an, poursuit une émancipation non plus dans l'ombre mais aux côtés de Marine Le Pen, avec un...

Le président du RN Jordan Bardella lors des "Rencontres de Saint-Denis", à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis le 31 août 2023 © Ludovic MARIN
Le président du RN Jordan Bardella lors des "Rencontres de Saint-Denis", à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis le 31 août 2023 © Ludovic MARIN

En se déclarant "naturellement" tête de liste du RN pour les Européennes, Jordan Bardella, élu président du parti il y a bientôt un an, poursuit une émancipation non plus dans l'ombre mais aux côtés de Marine Le Pen, avec un objectif : arriver premier au soir du scrutin de juin.

"L'échéance de juin 2024 n'est pas seulement une élection européenne (mais) l'unique occasion pour les Français de sanctionner le gouvernement et de préparer l'après-Emmanuel Macron" : dimanche, dans Le Figaro, celui qui aura 28 ans à la fin du mois a justifié sa candidature, certes "comme député européen sortant", mais surtout comme "chef de parti".

Car depuis sa première élection au Parlement de Strasbourg en 2019, tout a changé pour Jordan Bardella : à l'époque déjà propulsé tête de liste, le jeune homme avait en fait été chaperonné par Marine Le Pen, véritable patronne de la campagne.

Cinq ans plus tard, M. Bardella s'est fait élire à la présidence du Rassemblement national (84,84% contre Louis Aliot) en même temps qu'il a gagné en notoriété et s'est imposé comme un adversaire redouté lors des débats télévisés. 

Les Européennes de juin s'annoncent ainsi comme sa première vraie campagne en son nom. En prenant les devants, celui qui n'a pu bénéficier des lumières braquées sur les 88 députés élus au Palais-Bourbon depuis un an entend également donner le "la" de la saison politique qui s'ouvre.

Sa campagne sur le terrain doit réellement commencer samedi lors de la Foire de Châlons-en-Champagne, prélude à une tournée d'"évènements populaires", où la "stratégie du selfie" avec les badauds doit être mise en œuvre, à l'instar de la campagne à bas bruit menée par Marine Le Pen lors de la présidentielle de 2022.

"Notre volonté, c'est traduire les enjeux européens dans le quotidien des gens, par exemple l'inflation et le prix de l'énergie", explique le directeur de campagne de M. Bardella, Alexandre Loubet, qui assume "de ne pas uniquement centrer le débat sur l'Union européenne, mais de parler d'enjeux à la fois européens et nationaux les plus concrets possibles".

Union des droites

Sur le fond, le numéro un de la liste RN se veut davantage transgressif en proposant "une nouvelle grille de lecture" entre "partisans de la puissance", dont il se revendique, et "les forces du renoncement qui vont de Jean-Luc Mélenchon à Emmanuel Macron".

"La conscience de la puissance est la condition pour relancer notre indépendance et notre souveraineté", tente de décrypter M. Loubet, en notant que "tous les Etats qui réussissent ont cette conscience de puissance, y compris dans la mondialisation".

Un pavé dans le jardin de Marine Le Pen, chantre du "ni droite, ni gauche", autant que des oppositions entre "bloc populaire" contre "bloc élitaire" ou entre "mondialistes" et "patriotes" ? 

"Cette (nouvelle) grille de lecture est complémentaire des clivages que nous avons forgés depuis maintenant dix ans", jure Jordan Bardella, selon qui "il y a incontestablement de ces patriotes chez les déçus de LR, peut-être chez les déçus d'Éric Zemmour", mais aussi "à gauche". Lundi, dans une vidéo publiée sur X (ex-Twitter) à l'occasion de la rentrée scolaire, il a d'ailleurs pris la peine de mettre en évidence le dernier livre de Nicolas Sarkozy sur son bureau.

L'émancipation assumée de l'eurodéputé sortant relance quoi qu'il en soit les interrogations chez ses détracteurs au sein du parti, prompts à lui deviner des inflexions "identitaristes" ou une sensibilité pour la thèse de "l'union des droites" rejetée par Marine Le Pen, une manière de mettre en doute sa loyauté envers sa mentor.

Ses soutiens se veulent davantage pragmatiques, en mettant en avant une partition écrite et interprétée de concert par les deux leaders d'extrême droite, afin d'élargir leur assise électorale par tous les moyens.

Objectif : réitérer la performance d'il y a cinq ans en arrivant premier aux Européennes du 9 juin, une hypothèse jusqu'alors accréditée par les sondages, bien que la liste macroniste ne soit donnée que 2 à 4 points derrière, dans la marge d'erreur.

"Ça ne sera une victoire que si on arrive en tête", prévient un ponte du parti, selon qui cette "élection de mi-mandat" doit "faciliter celle de 2027". Pour laquelle Marine Le Pen a déjà indiqué qu'elle était "candidate tant qu'(elle) n'a pas décidé de ne pas l'être".

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