Européennes: "l'Alliance rurale" part en campagne, sans chasser les soupçons

Chasse, pêche, rugby et traditions: à six mois des élections européennes, le patron des chasseurs Willy Schraen a dévoilé mardi les premiers candidats de son "Alliance rurale", déjà obligée de se défendre...

Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs français, lors de la présentation de sa liste "Alliance rurale" en vue des prochaines élections européennes à Paris, le 5 décembre 2023 © Dimitar DILKOFF
Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs français, lors de la présentation de sa liste "Alliance rurale" en vue des prochaines élections européennes à Paris, le 5 décembre 2023 © Dimitar DILKOFF

Chasse, pêche, rugby et traditions: à six mois des élections européennes, le patron des chasseurs Willy Schraen a dévoilé mardi les premiers candidats de son "Alliance rurale", déjà obligée de se défendre de tout "stratagème politique" téléguidé par l'Elysée.

Le coup médiatique est réussi. Dans une salle aussi étroite que bondée, à l'étage d'un restaurant auvergnat, M. Schraen a enfin lancé cette campagne qu'il rumine depuis des mois.

"Notre combat n'est pas celui d'irréductibles Gaulois réfractaires", a affirmé la tête de liste de cette nouvelle "Alliance rurale", chantre d'une "ruralité heureuse" qui "demande simplement qu'on lui foute la paix".

Et "qui mieux que des ruraux pour défendre cette formidable ruralité française?", s'est-il réjoui, entouré de ceux qui iront avec lui à la pêche aux voix. A commencer par la jeune "reine d'Arles" Camille Hoteman: à seulement 25 ans, cette ambassadrice des traditions provençales et taurines devrait figurer en deuxième ou en quatrième position, a indiqué à l'AFP une source proche du candidat.

Le maire de Saint-Brès (Hérault) Laurent Jaoul - sans étiquette mais un temps proche de LR - et l'ancien rugbyman Louis Picamoles intégreront le quinté de tête, assuré de siéger à Bruxelles en cas de score supérieur à 5% au scrutin de prochain.

D'autres pourraient les accompagner, comme la patronne du syndicat des bouchers de Paris Véronique Langlais, ou le président de la fédération des pêcheurs d'Ille-et-Villaine Jérémy Grandière. Certains se contenteront d'une place symbolique, comme Robert Margé, chef de file des éleveurs de taureaux.

Pas de trace en revanche du chef étoilé Pierre Gagnaire, qui avait pourtant annoncé la semaine dernière sa présence sur la liste. Trop occupé par "son métier", a expliqué M. Schraen sans s'appesantir sur la cuisine électorale. "Il y a des choses qu'il ne peut pas faire", mais il reste "un soutien de la cause", a-t-il ajouté.

Bon sens paysan

Avec pareil attelage, preuve est faite que ce n'est "clairement pas une liste de chasseurs", a affirmé celui qui incarne pourtant depuis 2016 ce puissant lobby et son million d'adhérents.

Soucieux de "remettre l'église au milieu du village", il a aussi d'emblée démenti les rumeurs d'un "stratagème politique imaginé au Château pour servir l'intérêt de l'Elysée". Hypothèse toutefois nourrie par son soutien répété à Emmanuel Macron, en 2017 comme en 2022.

"Nous ne sommes pas les soldats occultes d'un parti politique", a-t-il insisté, jurant de "ne suivre que le bon sens paysan" contre "les normes qui nous étouffent tous". Et dans ce combat pour "l'art de vivre à la française", a-t-il insisté, "nous ne transigerons pas, nous ne sommes pas à vendre".

Il en faudra sans doute plus pour convaincre le Rassemblement national, qui caracole en tête des sondages et dénonce une initiative "poussée en sous-main" par le chef de l'Etat. Début novembre, le vice-président du parti d'extrême droite, Sébastien Chenu, dénigrait ainsi une liste "construite de toutes pièces dans un bureau à l'Elysée" afin de "piquer 1%" à son leader Jordan Bardella et "l'empêcher de faire 30%".

Face aux journalistes parisiens, M. Schraen a dû s'en justifier à plusieurs reprises: "Non, ce n'est pas une liste pour chercher des voix au RN", a-t-il assuré. Tout de même, "je constate que le RN s'agace très vite et très fort, c'est quand même bon signe", a-t-il glissé au passage, espérant créer la surprise avec sa "petite liste rurale qui fera un très gros score".

Une liste "apolitique" donc, qui entend envoyer des élus au sein d'un futur "groupe ruralité" au Parlement européen. Mais qui n'a "pas vocation à devenir un parti politique" au-delà de la prochaine élection. Contrairement à son lointain prédécesseur Jean Saint-Josse qui, après sa percée aux européennes de 1999 (6,77%), avait tenté l'aventure présidentielle en 2002, recueillant quand même 4,23% des suffrages.

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