Santé : entre prise de conscience et marché florissant

La bonne santé d’une entreprise passe par celle de ses collaborateurs ! Jamais la santé et le bien-être en entreprise n’ont été aussi mis en avant. Depuis la crise sanitaire, les confinements, la donne a changé. La santé est devenue un véritable cheval de bataille pour les dirigeants de PME-TPE et un atout managérial certain surtout en cette période délicate rythmée par les difficultés de recrutement. Mise en place d’activités sportives, de loisirs, prise de conscience de la nécessaire déconnexion, aménagement des postes de travail, tout y passe ou presque. Cette nouvelle donne s’affirme aujourd’hui comme un véritable marché où les dérives peuvent apparaître nombreuses.

L’épisode de la Covid-19 et ses dommages collatéraux a été un accélérateur de la réelle nécessité pour les entreprises de mettre en place une véritable politique de prévention en santé au travail.
L’épisode de la Covid-19 et ses dommages collatéraux a été un accélérateur de la réelle nécessité pour les entreprises de mettre en place une véritable politique de prévention en santé au travail.

Être bien dans son corps. Être bien dans sa tête. Être bien dans son travail ! C’est le nouveau triptyque actuel au point même d’en être devenu un véritable mantra pour certains. Bien dans son corps avec notamment tout ce qui tourne autour des troubles musculosquelettiques. Bien dans sa tête avec en première ligne les risques psychosociaux avec notamment le stress, les addictions et quand on sait que trois Français sur quatre aujourd’hui se sentent démoralisés (constat établi à l’occasion de la dernière Journée mondiale de la santé mentale du 10 octobre), du chemin reste apparemment à faire (et ce n’est pas le contexte actuel qui devrait arranger les choses). Et surtout actuellement, bien dans son travail avec cette sacro-sainte quête de sens et d’une façon plus pragmatique les notions de cohésion d’équipe, de posture managériale ou encore développement et amélioration des lieux et des espaces de travail. Bien-être au travail quête de sens, développement personnel, santé au travail, depuis la période des confinements et de l’ère post-Covid (même si cette histoire épidémique est loin d’être terminée), jamais ces problématiques n’ont autant été mises en avant. À un point ultime que tout semble aujourd’hui allégrement se mélanger. Pas une réunion, un petit déjeuner d’information ou un regroupement de chefs d’entreprise où les thématiques de la santé et du bien-être au travail ne sont pas abordées avec souvent comme moteur le sport et l’activité physique. «Le monde du travail est aujourd’hui en mutation, faire comprendre le lien entre les bienfaits du sport et la santé des collaborateurs m’apparaît essentiel», assure une présidente d’association d’entrepreneurs d’une zone d’activité de l’agglomération nancéienne, histoire de justifier l’intervention de plusieurs professionnels du sport et de la santé à l’occasion de l’assemblée générale de son association. 


Adieu QVT, bonjour QVTC

L’entrée en vigueur de la loi Santé au travail en avril dernier a, sur le papier, donné un nouveau souffle à cette plus que légitime urgence de la santé des collaborateurs au sein des entreprises. Le renforcement de la prévention en santé au travail est devenu une véritable croisade et l’accélérateur, qu’a été la pandémie de Covid-19 et surtout les différentes prises de consciences issues de cette crise, semble avoir ouvert la porte à un marché florissant. Sophrologie, développement personnel, coachs en tous genres aussi bien physique que mental, les professionnels sur la place sont aujourd’hui légion et les ouvertures de cabinet n’ont eu de cesse en local (et un peu partout dans l’Hexagone) de s’enchaîner. Mais de quoi parle-t-on réellement ? Depuis le 31 mars 2022 la QVT (Qualité de vie au travail) a été remplacée par l’appellation QVTC (Qualité de vie et des conditions de travail). La QVTC se définit comme «regroupant les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail, et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu, de celui-ci, qui déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte.» Pour bon nombre d’experts en la matière, les différentes actions qualifiées de périphériques comme les cours de sophrologie, de yoga et autres méditations «sont surtout des opérations de communication et d’affichage marketing en faveur du bien-être promus par l’entreprise», assure une professeure en gestion des ressources humaines. Pour d’autre, ce passage de la QVT à la QVTC est «la possibilité de laisser les salariés s’exprimer, et de participer à tous ces champs des possibles, en matière d’organisation, de management et de prévention santé qui ne sont finalement pas que l’affaire des directeurs de ressources humaines car tout le monde est acteurs du bien-être au travail.» Deux points de vue, disons complémentaires, mais qui peuvent faire rapidement perdre son latin en la matière. 


Terreau fertile

«Ce n’est pas parce que vous mettez un babyfoot dans une salle de pause que vous allez résoudre tous les problèmes. Il est fort de constater que le bien-être et la santé au travail apparaissent aujourd’hui totalement galvaudés par l’arrivée sur le marché de soi-disant professionnels», assure un directeur d’une structure régionale spécialisée dans les missions de conseils et d’interventions sociales et psychosociales spécialisées (présent sur la place depuis près de soixante ans et accompagnant pas moins de 45 000 salariés et managers dans plus d’une centaine d’entreprises sur toute la Lorraine). La santé au travail est bien trop importante pour la limiter à un genre d’opportunité de développement mercantile. Si les aujourd’hui SPST (Services de prévention et de santé au travail), qui ont remplacé depuis la nouvelle loi d’août 2021 visant à renforcer la prévention en santé au travail les SST (Services de santé au travail), continuent, vaille que vaille et avec les moyens du bord, à surveiller l’état de santé des collaborateurs des entreprises, l’univers de la santé au travail et de ses satellites version bien-être et autre réalisation de son plein potentiel est aujourd’hui constellé de bon nombre d’acteurs, dont certains bien ancrés localement. Le climat anxiogène du moment est un terreau fertile pour le développement de nombreuses pratiques, dont les bienfaits sont avérés (méditation et autres travaux sur soi-même genre introspection poussée), «mais seulement du point de vue de l’individu et non en tant que professionnel dans une activité organisée», souligne une spécialiste des questions de santé au travail. Cette tendance, quasi frénétique, de quête du bien-être, voire pour certains du bonheur au travail, était déjà perceptible avant mais depuis l’épisode de la crise sanitaire, elle s’apparente de plus en plus à une norme. «La prise de conscience de l’amélioration des conditions de travail et du bien-être des salariés est bien présente chez bon nombre de dirigeants d’entreprise. Reste que ces derniers se doivent d’être réellement accompagnés dans une mise en place d’une véritable stratégie et politique de prévention de la santé au travail où tous les acteurs de la santé au travail travaillent en collectif», continue le directeur de la structure régionale spécialisée dans les missions de conseils et d’interventions sociales et psychosociales. Attention donc aux dérives et aux vendeurs de solutions miraculeuses !

Question de mental

La prévention de la santé au travail d’hier n’a plus (ou presque) rien à avoir avec celle d’aujourd’hui ! Le choc de l’épidémie de la Covid-19 a accéléré la prise de conscience de l’urgence de la santé mentale des collaborateurs notamment. D’après les chiffres divulgués lors de la Journée mondiale de la santé mentale le 10 octobre : trois Français sur quatre se sentent démoralisés. «La santé mentale devient réellement une préoccupation majeure surtout dans le climat actuel où les incertitudes sont nombreuses», assure un responsable RH. Une donne à prendre en considération avec une urgence quasi extrême.