Entre le Kent et la Côte d’Opale,une relation à construire
La section anglaise de l’Union des Français de l’étranger (UFE) organisait le 20 octobre dernier à Ashford, une série de rencontres-conférences autour de l’emploi, la création, le financement d’entreprise et le “métro transmanche”. Une petite centaine de personnes y assistaient. Compte-rendu.
Si près et si loin. Les ressortissants français émigrés au Royaume-Uni sont plus britanniques que les sujets de sa gracieuse. Ils ont entonné le chant du libre échange comme personne lors de leur meeting. Premier excédent commercial français, le Royaume-Uni accueille plusieurs milliers d’entreprises françaises dont certaines ont investi dans le Kent, moins dispendieux que le grand Londres. L’UFE a voulu faire un bilan des dernières 15 années qui ont suivies l’ouverture du tunnel sous la Manche: “15 ans après, les Français qui ont vu le bout du tunnel”. Les avocats de l’entente cordiale n’ont été démentis par personne lors des conférences de la journée. Sur l’emploi, le message est clair : “on a beaucoup à apprendre du marché britannique”, a déclaré Guillaume Dufresne, président du centre Charles Péguy à Londres. Ce centre s’occupe de l’intégration professionnelle des jeunes Français qui débarquent en Angleterre et met à leur disposition plus de 1 000 offres par an actualisées 2 fois par semaine pour une cotisation anuelle de 60 livres sterling.
De s l e çons f rancobritanniques.
A Londres, plus de 1 000 jeunes rejoignent les rangs des adhérents du centre. “Deux tiers des jeunes sont placés par nos soins”, indique Marine Deneux, directrice du centre français. L’essentiel de ces “jobs” relèvent des métiers de la restauration et de l’entretien. “C’est vrai que nous offrons peu de places de cadres mais l’important c’est qu’on lit une véritable ambition dans les yeux de chacun”, ajoute-t-elle. D’après les promoteurs des opportunités d’emplois britanniques, la Grande-Bretagne est moins regardante sur les diplômes et plus attentives aux compétences concrètes des candidats du marché du travail. Victime de discrimination, Saloi Benbaha raconte son histoire à la tribune: petite main dans la téléphonie en région parisienne, elle ne trouve pas de moyen d’évoluer. Elle cherche alors à changer de registre et tente sa chance dans le milieu bancaire qui s’étonne de son cheminement qu’il juge versatile. “En Grande- Bretagne, on m’a donné la chance de faire autre chose sans avoir d’expérience, ni diplôme”. Plus mesuré, le consul général de France Edouard Braine a pointé “le plus” du Royaume-Uni: “l’ingénierie sociale”. Mais “la leçon française à nos amis britanniques, ce sont les services publics ; la leçon anglaise est la formidable capacité d’adaptation du marché”. Le bénéfice mutuel des deux systèmes peut trouver une concrétisation entre le Kent et l’Angleterre: “On peut estimer qu’il y a un vivier de 500 emplois pour des gens de la Côte d’Opale”, a annoncé Guillaume Dufresne. La seconde table ronde a abordé le thème de la création d’entreprise en Grande-Bretagne. Pour en parler, David Rosenberg, dirigeant de la filiale anglaise de l’entreprise boulonnaise SBE (spécialisée dans la réparation de produits audio et vidéo grand public) et Frédéric Gayral, cofondateur de Food du Monde Network Ltd, ont montré comment des Français pouvaient réussir en Angleterre. Pour la SBE, le Royaume- Uni n’est pas un choix mais une opportunité. “Nous avons suivi un de nos gros clients (Orange) en 1998. On était en autofinancement total. Puis nous avons développé notre activité”, raconte le dirigeant de la filiale britannique. Une personne est partie en Grande-Bretagne avant de fonder une entreprise au capital de … 2 livres sterling. Réactivité et paiement cash. Depuis, le succès est insolent. SBE Ltd emploie aujourd’hui plus de salariés que sa maison-mère et essaime jusqu’au Canada. Autre exemple de réussite, le cas de la société QST dirigée par Frédéric Gayral: importateur de fromages français à destination de la grande distribution anglaise, ce jeune cadre est établi dans la campagne londonienne. “On teste nos fromages au pub de notre village. Quand ça marche, on sait que ça marchera à peu près partout”, s’amuse-t-il. “La Grande- Bretagne est proche de la France, mais la manière de penser et d’être sont complétement différentes”, souligne- t-il. Pour réussir, il faut prendre le pli. Aujourd’hui, Frédéric Gayral exporte des fromages anglais en France. Pour autant, le succès n’est jamais garanti: “le marché anglais est trés simple… et trés concurrentiel”, explique David Rosenberg. “Beaucoup d’entreprise plient aujourd’hui bagage parce le marché est difficile”, renchérit Eric Lambert, directeur du cabinet de consultant E. and E. Partners Inc. Les différences concrètes ont été évoquées: “ici, les problèmes se résolvent dans l’heure” selon Frédéric Gayral. “Ici, les factures se paient de suite”, a rappelé Eric Lambert… Question de civilisation. Au rayon des avantages, Stéphane Rambosson s’est fait le chantre du plaidoyer probritannique: fiscalité basse, possibilité de non-imposition pendant 7 ans, mise en place faciile de trust, “Le capital humain est plus rentable en Grande-Bretagne”, a-t-il conclu enthousiaste. Et d’inviter les français présents à venir investir en Albion. Autre sujet évoqué lors de cette journée, le “métro” transmanche qu’appelle de ses voeux diverses personnalités françaises. Catherine Fournier, maire de Frethun, avait fait le déplacement pour défendre l’idée qui fait son chemin: “Eurostar nous a donné beaucoup d’espoir au début” s’est-elle souvenue. “Il y avait 7 arrêts à Frethun et Ashford. Le métro existait. On pouvait faire facilement Paris, Londres et Bruxelles. Cela nous a été retiré pour 6 malheureuses minutes de gagner… On nous oppose la concurrence des vols low-cost. Mais qu’est-ce que 6 minutes dans un trajet aérien ? La mobilité est une première phase avant les échanges. Aujourd’hui, nous sommes un zone de transit. Pas encore d’échange. Nous sommes dans l’amorce”, s’est-elle mise à espérer. Le mot de la fin est revenu à une personalité intellectuelle de premier plan; Théodore Zeldin, professeur émérite à Oxford, a pris à rebours l’ambiance pro-britannique des intervenants : “En France, tout le monde se considére intelligent ! Tandis qu’en Angleterre, les aristocrates ont été très malins; ils savaient qu’il fallait prétendre qu’ils étaient idiots !”. Et de conclure: “ça ne suffit pas de dire : venez en Angleterre, devenez riches !Il faut savoir qoui faire de l’argent. (…) Avoir un côté français est indispensable pour quelqu’un qui veut Edouard Braine, consul général de France en Grande-Bretagne. être civilisé”.