Emilie Dequenne, "Rosetta" pour toujours au cinéma, emportée par le cancer

Révélée à 18 ans dans "Rosetta", fauchée à 43 ans par un cancer rare, au terme d'une lutte acharnée qu'elle avait rendue publique: le cinéma est en deuil au lendemain de...

L'actrice belge Emilie Dequenne au Festival de Cannes, le 26 mai 2023 © Valery HACHE
L'actrice belge Emilie Dequenne au Festival de Cannes, le 26 mai 2023 © Valery HACHE

Révélée à 18 ans dans "Rosetta", fauchée à 43 ans par un cancer rare, au terme d'une lutte acharnée qu'elle avait rendue publique: le cinéma est en deuil au lendemain de la mort de l'actrice multirécompensée Emilie Dequenne.

Des frères Dardenne qui l'ont révélée, à Tahar Rahim et Vincent Macaigne, qui ont partagé l'affiche avec elle, les hommages pleuvent après le décès de l'actrice belge, unanimement saluée pour son talent et son énergie.

Emilie Dequenne est décédée après avoir passé plusieurs jours en soins palliatifs au centre Gustave Roussy, en région parisienne, a fait savoir sa famille et son agent qui ont annoncé son décès à l'AFP.

En octobre 2023, elle avait annoncé être atteinte d'un corticosurrénalome (cancer du système endocrinien), diagnostiqué deux mois auparavant et qui la tenait éloignée des plateaux. 

Elle rendait public son combat contre le cancer, martelant qu'il ne s'agissait "pas d'une maladie honteuse". Elle est décédée après une rémission, puis une rechute.

L'archange foudroyé

Elle a été fauchée "en plein vol, c'est l'archange foudroyé", a déclaré la réalisateur Luc Dardenne. "Elle était toujours partante, toujours prête à partir au combat, toujours. Elle adorait tourner, c'était sa vie", a-t-il ajouté sur France Info.

A 17 ans, Emilie Dequenne remporte avec ce film le prix d'interprétation à Cannes et offre leur première Palme d'or aux réalisateurs. 

"Rarement une comédienne aura autant marqué l'histoire du Festival de Cannes comme l'a fait Emilie Dequenne lors de son surgissement en +Rosetta+", a salué le délégué général du festival Thierry Frémaux auprès de l'AFP. "Révoltée à l'écran, elle était la douceur même dans la vie, une vie qui s'achève scandaleusement tôt, tant elle avait encore d'amour à donner. Nous la pleurons."

Emilie Dequenne redoutait d'être réduite au rôle de Rosetta, femme précaire luttant sur tous les fronts. "Elle disait toujours, mais je ne suis pas Rosetta !", se souvient Luc Dardenne.

Sa carrière sera bien plus vaste, avec une cinquantaine de films ("La fille du RER" d'André Téchiné (2009), "À perdre la raison" (2012) de Joachim Lafosse, "Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait", d'Emmanuel Mouret...), dans lesquels elle saura varier les registres.

Comme chez Lucas Belvaux, qui la dirige en coiffeuse fan de karaoké dans "Pas son genre". "C'était un rôle extrêmement difficile, et ça a été une révélation. Emilie, qui jouait toujours des rôles sombres, s'est emparée du film et lui a amené quelque chose d'inattendu dans l'énergie. C'était plus que du talent, il y avait énormément de générosité", a confié le réalisateur à l'AFP.

Ou en mère de famille, chez Lukas Dhont ("Close") qui se souvient d'une actrice "jamais effrayée d’avancer vers l’inconnu, vers l’obscurité" puis de "repartir, dans une autre direction, vers la lumière".

Tapis rouge

Acteurs et actrices ont multiplié les messages sur les réseaux sociaux : "Pas de mots. Je pense à toi, à ta famille", a écrit l'acteur Jean Dujardin.

Juliette Binoche l'a remerciée d’avoir partagé ce qu'elle traversait "avec tant d’ardeur et de générosité".

"Tout ce que tu étais, comme actrice et comme femme, inspirait l’admiration et l’amour", a salué sa compatriote Virginie Efira. Leïla Bekhti salue elle une "grande dame, grande âme, grande actrice, une reine".

"Le cinéma francophone perd, trop tôt, une actrice de talent qui avait encore tant à lui offrir", a regretté sur X la ministre de la Culture française, Rachida Dati.

En mai 2024, la comédienne était apparue sur le tapis rouge à Cannes au bras de son mari l'acteur Michel Ferracci, souriante, les cheveux courts à cause de son traitement, pour les 25 ans de "Rosetta" et pour présenter son dernier film, "Survivre". 

Quelques semaines plus tard, sur France Inter, elle avait assuré qu'"on peut vivre des moments beaux, forts, magiques, en dépit de la maladie, c'est possible". 

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