EDF, chlordécone, médicaments: les socialistes font passer leurs textes à l'Assemblée

Les députés socialistes ont tiré au maximum parti d'une journée réservée à leur groupe jeudi, faisant adopter à l'unanimité une série de propositions contre les pénuries de médicaments, les violences sexuelles dans le sport, ou contre certains frais bancaires, tout en se résolvant...

L'Assemblée nationale en séance, le 30 janvier 2024 © Emmanuel Dunand
L'Assemblée nationale en séance, le 30 janvier 2024 © Emmanuel Dunand

Les députés socialistes ont tiré au maximum parti d'une journée réservée à leur groupe jeudi, faisant adopter à l'unanimité une série de propositions contre les pénuries de médicaments, les violences sexuelles dans le sport, ou contre certains frais bancaires, tout en se résolvant à des concessions sur un texte phare concernant EDF.

"5 sur 5": le président du groupe Boris Vallaud, qui avait présenté cette niche parlementaire comme emplie de textes "utiles à la vie quotidienne", avait beau jeu de se réjouir à minuit, après l'adoption à l'unanimité d'un texte de Valérie Rabault contre les pénuries de médicaments.

Il prévoit d'inscrire dans la loi des stocks planchers pour les industriels, qui ne sont prévus aujourd'hui que dans un décret, et compris entre une semaine minimum et quatre mois maximum pour les médicaments en général.

Pour les "médicaments d'intérêt thérapeutique majeur", cette fourchette passerait à deux mois minimum et quatre mois maximum, voire davantage en situation de pénurie, sur décision de l'ANSM. Le texte devra désormais passer au Sénat.

Avant cela, leur collègue Christine Pires Beaune avait fait adopter en première lecture et à l'unanimité sa proposition de suppression de certains frais bancaires incombant à un héritier, notamment lorsque la personne décédée est mineure ou quand les sommes concernées sont inférieures à 5.000 euros.

Et la députée Claudia Rouaux avait mis un point final au parcours d'une autre loi consensuelle contre les violences sexuelles sur des mineurs dans les clubs sportifs. Elle prévoit de renforcer le contrôle des antécédents des éducateurs sportifs, qui deviendra annuel, et d'ajouter des obligations de signalements aux présidents de clubs.

Le député de Guadeloupe Elie Califer a en revanche connu une séance plus agitée. Il a réussi à faire adopter en première lecture un texte prévoyant que la "République française reconna(isse) sa responsabilité dans les préjudices sanitaires, moraux, écologiques et économiques" causés par l'utilisation du chlordécone, un pesticide utilisé aux Antilles jusqu'en 1993 malgré les alertes sur sa nocivité.

Salué comme "historique" à gauche, il prévoit également que la France se fixe pour objectif "la dépollution des terres" et "l'indemnisation de toutes les victimes".

Le texte n'a pas rencontré d'opposition frontale, - un seul député a voté contre puis fait savoir qu'il voulait s'abstenir -, mais beaucoup d'abstentions (100 votes pour, 80 abstentions, principalement dans la majorité présidentielle).

Le camp présidentiel avait un temps proposé de faire seulement reconnaître une "part de responsabilité" de l'Etat, la députée Renaissance Charlotte Parmentier-Lecocq soulignant que "d'autres responsabilités ont été à l'œuvre", dont celles de propriétaires d'exploitation ou d'élus locaux de l'époque.

Compromis sur EDF

Le matin, c'est Philippe Brun qui avait fait adopter une nouvelle fois son texte sur EDF, qui a sensiblement évolué au cours des allers-retours avec le Sénat. 

Il prévoit de sanctuariser dans la loi la détention d'EDF par l'Etat à 100%, mais aussi et surtout d'étendre au 1er février 2025 des Tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) aux TPE et aux petites communes, mesure qui pourrait rendre éligibles près de "10.000 communes" et "un million de TPE", selon le ministre de l'Industrie Roland Lescure.

"Nous remportons une bataille mais nous n'avons pas remporté la guerre", a insisté la députée LFI Alma Dufour, regrettant des reculs au Sénat sur ces tarifs réglementés que la gauche voulait élargir aux PME et à davantage de collectivités.

Presque devenu un symbole d'opposition après avoir été adopté quatre fois contre l'avis du gouvernement lors de la navette parlementaire, le texte a reçu pour la première fois le soutien unanime de l'exécutif et de l'Assemblée, camp présidentiel compris.

Derrière ce beau tableau, un bras de fer entre Bercy et les députés. Ces derniers ont notamment accepté de renoncer à une obligation pour EDF de mettre en place une part d'actionnariat salarié: un amendement gouvernemental est venu transformer l'obligation en possibilité.

En échange, l'exécutif a inscrit le texte à l'agenda du Sénat le 3 avril, en vue d'une adoption définitive.

Mais selon plusieurs députés de gauche, l'exécutif avait aussi fait planer la menace d'une saisine du Conseil constitutionnel, alors que la majorité a souligné à plusieurs reprises ces derniers mois que l'article sur les tarifs réglementés pourrait être censuré comme cavalier législatif.

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