“La réforme de la loi sur l’internement psychiatriqueest l’occasion d’investir ce champ de compétences”
Rencontre avec Dominique Vanbatten, bâtonnier des avocats de Dunkerque, dont le ressort a fusionné avec celui du barreau d’Hazebrouck en début d’année et qui va devoir faire face à l’application d’une nouvelle réforme concernant l’internement psychiatrique.
La Gazette. Depuis la fusion avec le barreau d’Hazebrouck début 2011, comment a évolué votre barreau ?
Dominique Vanbatten. Nous sommes passés de 48 à 70 avocats, d’une moyenne d’âge autour de 40 ans. C’est un barreau jeune, en pleine mutation, sur un ressort géographique très étendu : du littoral jusqu’Armentières. Le bassin de population est à la fois rural et industriel. Le contentieux reste assez généraliste, et ce, malgré notre situation portuaire. Nous avons peu d’activité en matière de droit maritime étant donné que les activités portuaires se sont déplacées vers la Belgique et les Pays-Bas. Et s’il y en a, c’est souvent géré par des cabinets parisiens.
Comment s’est passée la fusion avec le barreau d’Hazebrouck ?
Cette conséquence de la réforme judiciaire nous a amenés à travailler avec les magistrats : il a fallu réorganiser le tribunal et le calendrier des audiences, et ce, en concertation avec les avocats d’Hazebrouck. Ces derniers ont toujours été informés par l’ordre de Dunkerque de l’avancée des tractations dès juin 2010, tout en sollicitant leurs remarques ou observations. Et début janvier, deux membres du Conseil de l’ordre de Dunkerque ont démissionné pour donner leur place à deux avocats d’Hazebrouck. J’ai moi-même donné ma démission afin de procéder à une nouvelle élection du bâtonnier de ce barreau fusionné : sur 60 votants, j’ai été réélue pour un an par 50 voix. Aujourd’hui, nous sommes toujours dans une période d’adaptation (voir encadré en page 5) mais l’ambiance générale est bonne, avec une véritable entraide parmi les avocats.
De nouveaux cabinets se sontils installés sur Dunkerque à la suite de cette fusion ?
Nous n’avons pas constaté pour l’instant d’ouverture de structures secondaires provenant de cabinets de la ville d’Hazebrouck qui conserve, par ailleurs, son tribunal d’instance, son tribunal des prud’hommes et ses consultations juridiques gratuites.
Qu’en est-il des points d’accès au droit sur Dunkerque ? Des consultations juridiques gratuites sont dispensées au sein de la Maison de la justice et du droit, de la Caf et en maison d’arrêt dès septembre. Et un nouveau point d’accès au droit sera prochainement ouvert dans une commune de l’agglomération de Dunkerque. Nous n’avons pas en revanche de Maison de l’avocat. Nos locaux au sein du tribunal sont suffisamment grands pour accueillir les confrères et y organiser conférences et formations à leur attention.
Avec la réforme de la garde à vue d’avril dernier, quel est votre retour d’expérience ?
Fin juin, nous avons été félicités par Monsieur le Procureur pour notre organisation ! Sur Hazebrouck, un binôme d’avocats est de permanence à la semaine. Sur Dunkerque, c’est une équipe de quatre personnes de permanence par semaine, dont un titulaire qui fait office de coordinateur et trois suppléants. C’est le titulaire qui coordonne les avocats pour répondre aux demandes des services d’enquête. Les sept équipes de quatre avocats ne sont que des volontaires, souvent de jeunes confrères.
Constatez-vous une baisse du nombre de gardes à vue ?
Pas dans notre ressort. Par contre, le procureur étant très attaché au respect du droit des victimes, il fait en sorte que ces dernières soient au maximum assistées par un avocat, ce qui était peu courant avant la réforme. D’une manière générale, il est vrai que ce texte n’est pas satisfaisant mais il nous permet de mettre un premier pied dans les commissariats : c’est déjà une avancée ! Et à terme, cela poussera peut-être certains confrères à se spécialiser dans cette procédure de la garde à vue afin d’être plus efficaces.
Cette année est marquée également par une réforme de la loi sur l’internement psychiatrique dont le décret est passé cet été. Avez-vous beaucoup de contentieux dans ce domaine ?
Sur notre ressort, nous avons l’EPSM (établissement public de santé mentale) des Flandres à Bailleul et deux annexes sur Capelle et Dunkerque. Nous avons beaucoup travaillé avec les magistrats à ce sujet, afin notamment d’organiser les audiences : il y aura une audience par semaine, pour six ou sept dossiers. Ce nouveau texte, s’il permet enfin le contrôle par un juge des hospitalisations d’office à l’appui de trois avis de médecins, va par contre compliquer le rôle de l’avocat qui n’a pas forcément les compétences médicales. Et quid de l’indemnisation de l’avocat dans le cas d’un client hospitalisé mais qui n’est pas sous curatelle ? Mais cette réforme de la loi sur l’internement psychiatrique est peut-être l’occasion pour la profession d’investir davantage ce champ de compétences où nous étions peu présents avant. Le barreau de Dunkerque n’a pas fusionné sa Carpa avec la nouvelle Carpa des Hauts de France.
Pourquoi n’avez-vous pas voulu rejoindre le mouvement ?
Nous avons suivi les discussions mais, dès le départ, nous ne souhaitions pas soutenir ce projet. Notre Carpa (Caisse des règlements pécuniaires des avocats) est bien gérée et nos confrères ne payent pas de cotisation. Nous souhaitons rester indépendants, un peu comme ce fameux village gaulois !
A la fin de l’année, vous passerez la main à votre dauphin, Daniel Thienpoent. Que vous apporte ce mandat de bâtonnier dans l’exercice de votre profession ?
C’est mon premier et dernier mandat ! La charge de travail est énorme. Avec une secrétaire à temps partiel, je suis obligée de travailler tous les week-ends. Heureusement que je peux compter sur mon associée qui est d’une très grande compréhension. J’ai vécu des moments forts durant ce mandat. Tout d’abord lors de ma première élection : je me suis sentie portée par mes confrères qui m’ont énormément soutenue alors que mon mari – ancien magistrat – était décédé quelques mois auparavant. Puis, la fusion avec le barreau d’Hazebrouck, l’application de la réforme de la garde à vue ou la préparation de la convention de communication électronique avec le tribunal sur les modalités de mise en état sont des projets très intenses.
Durant ces derniers mois de mandat, quelles seront vos priorités ?
Prochainement, le 21 septembre, la première présidente de la cour d’appel de Douai, Mme Dominique Lottin, me remettra la Légion d’honneur au sein du tribunal de Dunkerque. Et sur ces prochains mois, je souhaiterais étendre la mise en état électronique aux audiences de liquidation en dommages et intérêts. Egalement, l’amélioration du fonctionnement des audiences avec le tribunal de commerce fait partie de mes projets.