“Ecrire notre avenir plutôt que le subir”

La prospective a ses adeptes et ses détracteurs, surtout pour s’interroger sur l’avenir de la région à 2020. Le Crédit agricole Nord de France s’y est osé en organisant “Ambition 2020”, soirée de réflexion collective pour un exercice somme toute inédit avec Jean-Paul Delevoye comme grand témoin.

A la tribune, de gauche à droite, François Macé, directeur général du Crédit agricole Nord de France, Bruno De Laage, directeur général délégué de Crédit agricole SA, Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, et Bernard Pacory, président du Crédit agricole Nord de France.
A la tribune, de gauche à droite, François Macé, directeur général du Crédit agricole Nord de France, Bruno De Laage, directeur général délégué de Crédit agricole SA, Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, et Bernard Pacory, président du Crédit agricole Nord de France.

 

A la tribune, de gauche à droite, François Macé, directeur général du Crédit agricole Nord de France, Bruno De Laage, directeur général délégué de Crédit agricole SA, Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, et Bernard Pacory, président du Crédit agricole Nord de France.

A la tribune, de gauche à droite, François Macé, directeur général du Crédit agricole Nord de France, Bruno De Laage, directeur général délégué de Crédit agricole SA, Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, et Bernard Pacory, président du Crédit agricole Nord de France.

Quel scénario pour le Nord-Pas-de- Calais à l’horizon 2020 ? Quelles perspectives ? Quelles ambitions partagées ? L’affiche du débat organisé par le Crédit agricole Nord de France, le 24 mai 2012 à la Cité des échanges à Marcqen- Baroeul, était alléchante et prometteuse. En effet, “2020, c’est demain et il est important de voir quelles positions on a prises pour avancer” : pendant près de deux heures et demie, les quelque 400 à 450 personnes présentes ont pu participer à un véritable show de partage de réflexions dont l’objectif final était “une intelligence collective à réinventer” à l’échelle du territoire, tout en permettant à la région d’ “exorciser ses peurs pour contribuer à un mieux-être pour le futur”.

La région passée au crible. Ambition 20/20 : le scénario 2020 pour le Nord-Pas-de- Calais”, les éléments du débat, au-delà des rêves, sont, si ce n’est toujours partagés, largement connus. Les présenter au travers d’un état des lieux et des nouveaux défis qui s’imposent à la région n’a néanmoins pas été inutile, ne serait-ce que pour remonter le moral de ceux enclins à une part de renoncement… D’autant qu’il est toujours instructif, par exemple, d’entendre un Marc Roquette, président du conseil d’administration du groupe éponyme, dire que “le collaboratif externe avec des universités et d’autres entreprises est très fructifère” en évoquant les résultats de sa participation à des programmes de recherche, notamment au sein du pôle de compétitivité Nutrition Santé Longévité, ou une Caroline Valent, directrice associée de Beez, évoquer l’intégration de l’usage des nouvelles technologies dans les comportements grâce au marketing relationnel créateur de nouvelles compétences.

Magique”. Les témoignages d’acteurs du développement économique régional, en direct ou via la diffusion de vidéos, ont permis de faire intervenir nombre de décideurs régionaux, des politiques – Pierre de Saintignon, Daniel Percheron, Patrick Kanner, Rémy Pauvros, Michel Delebarre –, des responsables d’entreprise – Louis Guillemant, d’Advitam, Etienne Vervaecke, d’Eurasanté, Bruno Meura, d’Elise –, des responsables d’organisation – Philippe Hourdain, président de la CCI Grand-Lille, Jean-Marc Puissesseau, de la CCI Côte d’Opale, Alain Griset, de la Chambre de métiers et de l’artisanat, Frédéric Motte, du Ceser. Mais aussi Yves Dambach, président de KTM Advance, entreprise spécialisée dans le serious game appliquée à la formation et à l’éducation numérique et qui va s’implanter à Valenciennes de préférence à Québec, Albi et Strasbourg : “C’est magique, tout le monde est allé dans le même sens, nous avons trouvé à Valenciennes un écosystème qui a bien marché, avec des écoles, des fonds d’investissement, des politiques qui se sont investis…” Sur l’évocation des potentiels de la région à travers quelques zooms sur les pôles de compétitivité et d’excellence ou encore les nouvelles filières – biotechs, nutrition, numérique –, s’est greffée celle des défis qui s’imposent à la région, telles la relance de l’industrie, la création d’un grand port maritime, etc., comme celle de sujets qui peuvent fâcher (une liaison ferroviaire à grand vitesse qui ignore Lille, la thrombose de la métropole lilloise, la création de quatre pôles métropolitains…). Jusqu’à la nécessité rappelée par Jean-Pierre Guillon, président régional du Medef, de “répondre au challenge de l’attractivité”.

Le Nord a la capacité d’anticipation. L’homme de la soirée aura été Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, dans la posture de grand témoin. Invité dans un premier temps à introduire le débat, il a appelé la région à “faire une formidable révolution culturelle” sur le constat qu’en cette période de “métamorphoses, de mutations plus que de crise”, les décideurs politiques et économiques, “complètement sur la dictature du court terme, doivent au contraire avoir une vision sur le moyen et le long terme”. “Au moment où la mondialisation, la mutation économique, les nouvelles technologies vont complètement modifier le rapport au temps, d’un espace à l’autre, ce n’est pas au futur de s’adapter au présent, c’est au présent à anticiper le futur et à faire en sorte, non pas que la société s’adapte aux structures, mais que les structures s’adaptent à la société.” Pour lui, il est “exaltant” que la région ait “la culture de la conversion” car “il n’y a qu’un pas à faire de la conversion à la mutation” à la condition d’être “attentif à ce que chaque citoyen soit responsable” “On ne pourra pas construire une mobilisation sans projet, il ne pourra pas y avoir de projet sans vision, il ne pourra pas y avoir de réussite sans responsabilisation individuelle et collective.” Convaincu que chaque bond technologique a des conséquences importantes sur l’organisation des territoires, il a appelé à tenir compte du “problème n°1 des sociétés en mutation, la soutenabilité des peuples à accepter le changement, ainsi qu’à avoir une capacité de regain industriel et d’exportation pour tirer la croissance en passant d’une logique de production à une logique d’usages”. “Le caractère exaltant de cette période, c’est qu’on va reconstruire les équations, (source d’une) formidable chance” offerte à ceux qui sauront anticiper. “La région Nord-Pas-de-Calais a cette capacité d’anticipation. Il faut que nous ayons le souci de ne pas préserver ce qui assure notre confort, mais de nous mettre dans une situation inconfortable sur le plan intellectuel pour essayer d’écrire notre avenir plutôt que de le subir.”

Réenchanter pour mobiliser. Des défis à relever, des batailles à livrer, Jean-Paul Delevoye en a relevé plusieurs dans son ultime intervention, du basculement d’une société d’abondance à une société de rareté en matière de financement, d’alimentaire, jusqu’au goût d’entreprendre (“s’il n’y a pas aujourd’hui des gens qui entreprennent et créent des richesses, nous n’arriverons pas à financer les dépenses de solidarités dont on a besoin”)… “L’exigence du court terme doit être posée. Il faut qu’à l’échelon du pays, de la région, on affiche notre hiérarchie, nos priorités, nos ambitions. Nous devons aider nos concitoyens à penser monde (…), retrouver un capitalisme qui soit du côté des salariés et pas toujours du côté des actionnaires ou plutôt des fonds de pension (…), être attentifs à l’attractivité de la région en matière de recherche, d’industrie, d’infrastructures…”. Refusant l’idée même d’une “mutation punitive”, “cette espèce de culpabilisation judéo-chrétienne” source de désenchantements, il plaide pour le réenchantement pour que “la mutation énergétique, économique, sociale soit un formidable engouement qui permette de nous mobiliser”. Et s’il a mis en garde contre les phénomènes de désocialisation, les “violences redoutables” nées de la disparition des espérances collectives, des peurs et des humiliations, il a dit sa foi dans “la fertilité extraordinaire” de la région, ses potentialités, ses capacités d’innovations, sa diversité… “Le Nord-Pas-de- Calais peut être une formidable locomotive pour la France, le Nord, j’y crois, mais il faut d’abord et avant tout que les gens du Nord-Pas-de-Calais croient en eux-mêmes.”