Du coton et un peu de patience: le jean qui pousse en France

Un jean entièrement fabriqué en France: c'est le pari de 1083, une entreprise textile qui fait pousser du coton dans le sud du pays avant de le transformer dans les Vosges... quitte à demander...

Une couturière coud un jean dans l'usine de la marque 1083 à Rupt-sur-Moselle, dans les Vosges, le 12 mars 2024 © Jean-Christophe VERHAEGEN
Une couturière coud un jean dans l'usine de la marque 1083 à Rupt-sur-Moselle, dans les Vosges, le 12 mars 2024 © Jean-Christophe VERHAEGEN

Un jean entièrement fabriqué en France: c'est le pari de 1083, une entreprise textile qui fait pousser du coton dans le sud du pays avant de le transformer dans les Vosges... quitte à demander un peu de patience à ses clients.

Une production locale d'où vient le nom de l'entreprise. Elle assure qu'avant d'arriver chez le client, le jean n'aura pas parcouru plus de 1.083 kilomètres, soit la plus longue distance pour traverser la France en diagonale.

Dans quelques semaines, les 800 premiers pantalons 100% français seront livrés après plus d'un an d'attente: la société les a produits sur commande, une forme de financement participatif destiné à lancer le modèle économique.

Un délai qui vise aussi à éviter la surconsommation. "Ça nous évite de surproduire et donc d'avoir des invendus", explique Thomas Huriez, fondateur et directeur de 1083.

Ce jean vendu à 160 euros côtoie les prix de certaines grandes marques de l'habillement.

Depuis 2013, année de sa fondation, l'entreprise s'est fait une place dans le secteur de l'habillement "made in France". 

La marque se flatte d'avoir reconstruit l'ensemble de la filière du jean français, du tissage en passant par l'ennoblissement (teinture) et la coupe. Il lui manquait le rapatriement de la production de coton. Chose, en partie, faite avec ce nouveau jean.

Prochaine étape, les uniformes ?

Spécialisée dans les jeans, la marque réalise aussi d'autres pièces des vestiaires féminins et masculins. 90% de la collection est encore fabriquée à partir de coton bio d'une exploitation de Tanzanie qui "n'utilise ni pesticide, ni irrigation en eau", fait valoir le patron.

Aujourd'hui, la société emploie 105 personnes, dont près d'une vingtaine à Rupt-sur-Moselle, où des couturières assemblent les pièces à la main. "Un bel exemple de réussite", salue Olivier Ducatillion, président de l'Union des industries textiles (UIT). Celui-ci estime que "relocaliser 1% des vêtements achetés par les Français génèrerait 4.000 emplois".

Comme d'autres acteurs du "made in France", 1083 attend que les pouvoirs publics donnent l'exemple. "Les Jeux olympiques ont été une occasion manquée", regrette Olivier Ducatillion, la part réservée au textile français n'étant que de 20% sur l'ensemble des tenues des Jeux.

Les uniformes en expérimentation dans plusieurs établissements scolaires pourraient être une autre occasion de dévoiler le savoir-faire français. "Nous nous sommes proposés pour réaliser les bas des uniformes. Nous attendons encore des réponses", confie Thomas Huriez.

Olivier Ducatillion plaide de son côté pour un appel d'offres national qui permettrait aux entreprises du secteur de se positionner collectivement.

Baisse de la consommation

Sur les 67 millions de jeans vendus chaque année en France, seuls 100.000 sont fabriqués dans l'Hexagone. A elle seule, 1083 représente 50% des ventes, écoulant chaque année près de 50.000 pièces.

Le made in France ne représente que "5% du marché de l'habillement en France", avance Olivier Ducatillion.

"Nous nous sommes lancés à une époque où le made in France n'était pas à la mode", se remémore Thomas Huriez.

Le secteur a bénéficié d'un regain d'intérêt après la pandémie de Covid-19. Comme pour les médicaments, "les Français se sont souvenus qu'il y avait du textile en France", sourit Olivier Ducatillion. 

Mais l'effet a été de courte durée, car depuis 2023 le "made in France" souffre. "On observe une baisse générale de la consommation et on subit de plein fouet l'inflation", souligne le président de l'UIT.

"Nos coûts ont augmenté de 20% par rapport à l'année dernière, alors que nous n'avons pas augmenté nos prix de vente", témoigne Thomas Huriez.

L'année dernière, Pierre Schmitt et son groupe éponyme ont fait les frais de cette conjoncture défavorable, alors qu'ils venaient de lancer, à l'automne 2022, un jean 100% français en lin. Faute de financements, deux de ses entreprises ont été placées en liquidation en septembre dernier.

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