Détection et traitement des difficultés des TPE et PME : au défi de l’efficacité
La Cour des comptes appelle à une meilleure articulation des réseaux de détection des difficultés des entreprises et à une meilleure évaluation des différents dispositifs de traitement des difficultés pour faire en sorte que leur mobilisation soit plus efficace.
Dans
un rapport rendu public mi-septembre, les magistrats de la Cour des
comptes font état de leurs observations à l’égard des nombreux
dispositifs de
détection et de
traitement des difficultés
des
entreprises,
en se concentrant plus particulièrement sur ceux destinés aux TPE
et PME. Ces dernières représentent 99% des entreprises françaises,
emploient la moitié des salariés et génèrent 40 % de la valeur
ajoutée.
Améliorer
l’organisation et la coordination des différents acteurs
En
ce qui concerne la détection des entreprises en difficulté,
le rapport constate tout d’abord que l’écosystème est
«foisonnant». Réseaux pilotés par la Direction
générale des finances publiques (DGFiP), par la Direction générale
des entreprises, par le ministère du Travail, par les Urssaf, les
tribunaux de commerce, les conseils régionaux… En 2021, le
gouvernement a mis en place un «point d’entrée»
unique avec des conseillers départementaux intégrés dans les
directions départementales des finances publiques, une application «signaux faibles» pour détecter précocement les risques
de défaillance et une plateforme «conseillers-entreprises»
pour centraliser les contacts accessibles aux entreprises. Mais la
Cour juge «décevant à ce stade» le bilan de
cet effort de coordination des différents acteurs de la détection
des difficultés des entreprises.
Premier
constat : les conseillers départementaux aux entreprises en
difficulté sont encore mal identifiés par les entreprises et par
les autres acteurs. Deuxième constat : les chefs d’entreprises
contactés par l’administration après que des difficultés ont été
détectées via l’application «signaux faibles» ne
répondent que dans un tiers des cas, et ces derniers ne sont pas
assez orientés vers les interlocuteurs et les outils
d’accompagnement adaptés. Dernier constat : l’empilement
des structures «ne facilite pas la coordination entre les
acteurs, rendant le parcours des entreprises en difficulté complexe
et peu clair», estime la Cour. Qui conclut : «une
meilleure articulation des acteurs locaux et une rationalisation de
l’organisation au niveau départemental et régional sont
nécessaires.»
Évaluer l’efficacité des différents dispositifs de traitement des difficultés
En
matière de traitement des difficultés des entreprises,
les procédures qui interviennent une fois que l’entreprise
est en situation de cessation de paiement sont très diverses.
Échelonnement des paiements vis-à-vis des créanciers publics,
prêts, audits, procédures amiables, accompagnement du chef
d’entreprise… Or, dans la mesure où ces procédures sont
sollicitées par des entreprises de profils différents et à des
stades de difficultés plus ou moins avancés, «il est
difficile d’analyser leur efficacité respective, toutes choses
égales par ailleurs. Il n’a donc pas été possible à la Cour,
dans le cadre de cette enquête, d’évaluer en toute rigueur
leur impact», regrettent les magistrats financiers. Et de
façon plus générale, «les décideurs publics manquent
d’éléments permettant de déterminer l’efficacité des
différentes procédures de traitement et d’accompagnement des
entreprises». C’est pourquoi la Cour invite les pouvoirs
publics à conduire «une évaluation approfondie»
de l’impact des différents dispositifs pour «être en
capacité de mieux mobiliser et développer les mesures les plus
efficaces».
Des
dispositifs d’une efficacité très hétérogène
En
dépit de cette difficulté d’évaluation de l’impact des
différents dispositifs, les travaux des magistrats ont permis
d’établir un certain nombre de constats.
En premier lieu, «il apparaît que les étalements de
créances publiques ne suffisent pas à assurer le redressement des
entreprises concernées et s’accompagnent de défaillances dans une
proportion significative de cas». Le
taux de survie à un an des entreprises bénéficiaires de ces
étalements est de 86 %. «Au regard des moyens
mobilisés, ces procédures gagneraient à être accompagnées par
une meilleure mobilisation des autres outils existants, mais aussi
par une orientation complémentaire vers d’autres structures de
soutien.»
Ensuite,
la Cour remarque que la médiation du crédit, pour la
renégociation des prêts bancaires, est «de moins en moins
sollicitée». Par ailleurs, elle estime également que les
procédures amiables mises en œuvre par les tribunaux de commerce
devraient être encouragées, notamment pour les très petites
entreprises. Pour ce faire, il conviendrait d’encadrer le coût des
procédures, qui constitue actuellement un frein. Mais là encore,
«même si leurs avantages sont indéniables», il
conviendrait de mieux évaluer les taux de réussite de ces
procédures amiables.
Améliorer
l’accompagnement des chefs d’entreprise
Enfin, la Cour observe que l’accompagnement des chefs d’entreprise apparaît comme «le maillon faible» des procédures de traitement des difficultés. «Alors que le suivi des créateurs constitue aujourd’hui une politique publique bien établie, bénéficiant de moyens et de structures reconnues, l’accompagnement et la formation des chefs d’entreprise, visant à permettre d’engager une réflexion sur le modèle économique de l’entreprise, ne sont aujourd’hui que peu développés. Certains dispositifs initiaux de formation ont été supprimés et les réseaux d’accompagnement restent peu connus et insuffisamment mobilisés par les acteurs publics.»