Des missions de plus en plus vastes

La délégation de service public confiée à Transpole-Keolis a déjà un an de vie active sur les sept programmés. Les nouveautés vont se mettent en place à l’horizon 2020 pour la plupart. C’est un contrat de confiance renouvelé, et surtout étendu à d’autres domaines, par LMCU envers les capacités du groupe Keolis. Avec sa subvention forfaitaire d’exploitation (1 milliard d’euros), Keolis s’engage à transporter, d’ici 2017, 245 millions de voyageurs sur LMCU (+55% par rapport à 2009). Interview.

La Gazette. Hervé Lanco, peut-on dire de Transpole qu’elle est une véritable entreprise privée ?
La question se justifie car les gens nous connaissent peu et beaucoup pensent que nous appartenons purement et simplement à Lille Métropole Communauté urbaine. Bien au contraire, nous sommes une filiale du groupe Keolis, luimême ayant pour actionnaire majoritaire la SNCF à 56%. Ces concentrations se sont faites par étapes depuis environ 1970. Il est vrai que le fonctionnement d’une DSP peut induire en erreur, par exemple par le fait que LMCU nous verse annuellement une subvention, mais cela s’explique très logiquement. Mais au moment où un donneur d’ordre public comme LMCU cherche une entreprise pour remplir une mission, le transport en l’occurrence, nous sommes sur la ligne de départ des appels d’offres, comme toutes les autres entreprises de la concurrence, et il nous faut être les meilleurs pour être retenus. Nous avons certes remporté le dernier appel d’offres qui court jusqu’en 2017 mais il y a eu un an d’intenses discussions autour du nouveau cahier des charges que les élus de LMCU avaient écrit et voté, c’est vraiment du gagnant-gagnant. Keolis procède d’ailleurs de la même façon, partout où une collectivité ou l’Etat cherche un groupe qui agisse en son nom, en créant des filiales privées région par région. Sur la métropole Nord, c’est Transpole.

Quelle est la grande nouveauté par rapport aux années précédentes ?
Il y en a plusieurs (ndlr : voir l’encadré) mais j’en retiendrai deux grandes qui sont des axes sur lesquels nous travaillons depuis un an déjà et que nous devons concrétiser. D’une part l’exigence de résultat, c’est-àdire qu’en 2020, le transport public communautaire aura dû croître de 10 à 20%,via bien sûr le métro, le tram et le bus, avec un accent très net mis sur le vélo qui doit passer de 2 à +10%. Et puis LMCU a franchi un pas de plus vers la reconnaissance de notre efficacité en faisant de nous l’unique délégataire pour développer ces flux et ces moyens de transport. Keolis et Transpole sont donc seuls à la barre, y compris pour porter les solutions alternatives, le Vélib’ notamment. C’est une première en France. Le plus spectaculaire depuis un an a été l’installation du mode vélo, mais nous prenons en charge aussi ce qui relie ces modes. Cela met fin à un certain éparpillement. Il y aura unicité de conception et de mise en action de ces moyens de transport.

Comment tout cela fonctionne- t-il sur le plan financier entre vous, groupe privé donc devant faire du résultat, mais placé aussi sous DSP, et la collectivité, donneuse d’ordre ?
Nous sommes dans le cadre d’un contrat. Nous nous engageons à un certain nombre de choses à faire et de chiffres à respecter, et ce, sur sept ans. Nous avons des recettes via notre CA et des charges. Nous bénéficions d’une “garantie de bonne foi”, la collectivité connaissant, elle, le coût de l’opération. Nous nous rémunérons en fonction des recettes. Mais intervient un facteur d’équilibre pour éviter toute déconvenue, par une subvention de LMCU. Pourquoi ? Parce que bien qu’entreprise privée de par nos origines et notre statut, dans ce cadre de la DSP ce n’est pas nous qui décidons des tarifs ni des investissements. Tout est voté par LMCU, sachant que les élus mettent au premier plan de leurs préoccupations la qualité et la pérennité du service public – le transport des habitants de son territoire –, bien avant la rentabilité qui, elle, prime dans un système 100% privé. La logique est différente et exige donc une sorte de compensation financière de la part des élus car le groupe privé qui agit, ne peut seul assumer les risques puisqu’il ne décide pas des questions financières à la source. Je donnerai juste un exemple : nous mettons en place des lignes de nuit à la demande des élus. Ce qui compte pour nous, c’est simplement la mise en route de cette décision sans savoir si cela est rentable ou pas. Si nous sommes déficitaires, LMCU comble le déficit et assume ainsi ses décisions politiques. Transpole ne s’engage vis-à-vis d’elles que sur le coût de revient et la faisabilité. Précisons que la collectivité a un droit de contrôle permanent. Nous en étions donc en 2010 à 270 M€ de CA, 140 hors subvention.

Comment se passe l’investissement dans ce cadre juridique ?
Il y a d’abord l’extension financière du côté de LMCU quand, par exemple, elle nous demande de doubler des lignes de métro ou de développer le tram-train. Nous n’avons à notre charge que la maintenance patrimoniale, par exemple la rénovation du VAL et des rails qui est d’ailleurs en cours de discussion. Ça fait quand même 100 M€ ! L’achat de bus, c’est LMCU. En 2014, il y en aura 434 en circulation, tous au gaz !

Le développement durable est-il un investissement régulier pour vous ?
Tout à fait, et il coûte de l’argent lui aussi, même si c’est un bon investissement à long terme. Mais chez nous cela prend des formes spécifiques. D’abord, par définition, nous n’émettons pas de CO2 puisque nous sommes à l’électrique et au gaz. Nous gérons de plus en plus les eaux de pluie. Il y a bien sûr des mesures prises pour améliorer le confort de l’usager : chaque année la capacité augmente de 10%, mais je ne peux pas garantir que tout le monde puisse s’asseoir aux heures de pointe. Nous travaillons beaucoup sur le bon cadencement des voitures et des rames, afin que l’utilisateur soit rassuré par un passage régulier. Puis sur la qualité des correspondances via notamment des infos en temps réel sur smartphone, iPhone, etc. Sa quiétude est, pour nous, un élément de préoccupation, nous allons bientôt complètement réorganiser le trafic sur la zone de l’Union en ce sens. Mais toute initiative est soumise à LMCU. Pour lutter contre les embouteillages, nous avons aussi créé quelques “lignes prioritaires”. Sachant que la régularité et la fiabilité d’un temps de parcours sont plus importantes que sa rapidité. J’ajouterai aussi que nous cherchons du personnel dans tous nos métiers : 150 conducteurs surtout, mais aujourd’hui nos professions basculent toutes d’abord vers la qualité du contact avec la clientèle, c’est primordial.

Le Grand Stade créé serat- il un véritable nouveau marché du transport ?
Incontestablement ! Cet équipement majeur est vraiment un axe de travail à lui tout seul : regardez l’immensité du chantier des accès…On double la capacité du métro, on renforce les lignes de bus, on créé des navettes vers Roubaix-Tourcoing. Il y aura un important changement de jauge dans le cadencement à l’été 2012.

Quelle dynamique le deuxroues va-t-il créer ?
Ce n’est pas un gadget mais un vrai projet porté par LMCU à partir d’études. Au départ, il s’est agi de réveiller le parc dormant des vélos rouillant dans les garages ou les caves des Lillois. Susciter leur remise en état et leur utilisation, voilà le sens du premier frémissement. Il y en a 500 000 ! A partir du moment où ça pédale dans tous les coins de la Métropole, une dynamique démarre car aux Vélib’ s’ajoute cet énorme parc existant. On crée donc des garages à vélo sécurisés, des arceaux dans toutes les communes et des voiries réaménagées en toute sécurité. Les frimas ne sont pour rien dans les variations de flux. A Strasbourg, ça pédale partout et tout le temps. Un automobiliste doit dorénavant voir dix vélos devant lui, pas un… Il y a aussi un effet de remise en cause de la mobilité : beaucoup de déplacements se font sur de courtes distances, donc en peu de temps. C’est un atout pour le vélo d’autant que l’urbanisme et ses règles sont en train de s’adapter.