Des investisseurs s'efforcent de marier rentabilité et intérêt général
Rentabilité et poursuite de l’intérêt général ne sont pas nécessairement incompatibles, pour les tenants de l’impact investing. Débat sur ces investisseurs d’un nouveau genre, lors du Mécènes Forum organisé par l’Admical, le 3 octobre.
Pourquoi choisir ? L’impact investing est un «investissement qui allie explicitement des objectifs de retour financier et d’un impact social ou environnemental spécifique et mesurable», expliquait Anne-Claire Pache, directrice générale adjointe de l’Essec, et professeur titulaire de la chaire philanthropie. C’était le 3 octobre dernier, à Paris, lors d’une conférence consacrée à «impact investing : mettre en cohérence stratégie d’investissement et politique de mécénat». Celle-ci s’est déroulée au cours du Mécènes Forum, organisé par l’Admical, association qui regroupe environ 200 acteurs du mécénat en France. S’il était utile de démarrer par une définition de l’impact investing, c’est que cette pratique demeure confidentielle : née aux États-Unis dans les années 1950 et 60, elle pèse actuellement environ 600 milliards de dollars d’investissements réalisés par quelque 400 fonds d’investissement dans le monde. Mais le social investing est «en plein développement (…). Longtemps, on a pensé que seuls les acteurs non lucratifs étaient légitimes pour répondre aux enjeux de société. Aujourd’hui, on apporte des réponses plus variées. L’impact investing est une manière d’apporter des ressources à ces entreprises sociales qui en ont besoin pour mener à bien leurs missions», poursuit Anne-Claire Pache, d’après qui cette tendance pourrait se développer de manière significative. Démarche hybride, au croisement entre des objectifs d’impact social et financiers, l’impact investing peut être pratiqué de diverses manières. Dans certains cas, la priorité est donnée au retour sur investissement. Dans d’autres, à la maximisation de l’impact social. Et l’investisseur peut aller jusqu’à se contenter de récupérer la somme investie.
«Une philanthropie active»
En France, chez Investir & +, société spécialisée dans l’impact investing, dotée de 7 millions d’euros, «nous finançons des entrepreneurs qui recherchent en priorité l’impact social», témoigne Nicolas Célier, qui a cofondé l’entreprise en 2011, à la suite d’une carrière menée dans le capital risque. De fait, la primauté donné au but social est même inscrite dans le pacte d’actionnaires signé par les entreprises dans lesquelles Investir & + investit. Reste que, contrairement à des objectifs financiers, cet impact social n’est pas évident à mesurer et dépend, pour partie, des spécificités de chaque entreprise. «Cela demande beaucoup d’huile de cerveau», résume Nicolas Célier. Pour autant impact social et rentabilité ne s’opposent pas nécessairement, estime ce professionnel du financement. Mieux, «la création de valeur n’est pas plus compliquée que pour de nombreuses start-up», juge Nicolas Célier. Ainsi, dans le cas de Simplon, une société financée par Investir & +, la difficulté ne résidait pas tant dans le modèle économique, que dans le fait que le fondateur «n’avait pas les codes business», poursuit l’investisseur, qui accorde autant d’importance à l’accompagnement qu’au financement. Résultat de la démarche : née en avril 2013, à Montreuil, Simplon, qui propose des formations gratuites à la programmation informatique à des publics défavorisés, a depuis largement essaimé à travers la France. À l’origine, la création d’Investir & + est une initiative d’Arnaud de Ménibus, dont la carrière s’est déroulée dans la banque et l’immobilier, où il a notamment été dirigeant de Cogedim. «Je voulais aller vers une philanthropie active, aider ces entrepreneurs qui s’engagent pour les autres, qui donnent la priorité à leurs projets pour la société», explique-t-il. Son constat ? En France, il manquait d’outils permettant aux entreprises sociales existantes qui fonctionnent déjà bien de se déployer plus largement, d’essaimer. Et par rapport au don, l’impact investing donne la possibilité de trouver davantage de fonds, dans la mesure où les investisseurs savent qu’ils pourront ne serait-ce que récupérer leur mise. Aujourd’hui, si l’impact investing suscite l’intérêt des acteurs du mécénat, le cadre juridique de ce dernier pose des contraintes, puisque le mécénat exclut un retour financier. Alors c’est dans le cadre de la gestion de ses actifs que la fondation Daniel et Nina Carasso, par exemple, investit déjà, notamment, une dizaine de millions d’euros en impact investing, témoignait Marie-Stéphane Maradeix, déléguée générale de la fondation, lors de la conférence. Et elle cherche actuellement un partenaire pour être en mesure d’utiliser cette pratique comme un outil supplémentaire de mécénat.
anne.daubree