Territoires

Des collectivités plus grandes et plus efficaces ?

À l’heure de la mutualisation des services et des compétences, le rapprochement des collectivités pour donner plus d’efficience et de cohérence à leur action sur les territoires monte en puissance. Ce qui était, il y a encore quelques années, des accords tacites et de bon voisinage, est désormais accéléré par la loi. Alors, fusion ou union ? Quid de notre authentique village et de l’intercommunalité à taille humaine ? Sont-ils amenés, de manière irréversible, à se fondre dans des espaces plus grands, au risque de perdre leur identité ?

Dans le contexte de la mutualisation et de la métropolisation, quel avenir pour la gestion du village «à la française» ?
Dans le contexte de la mutualisation et de la métropolisation, quel avenir pour la gestion du village «à la française» ?

Le 1er janvier 2019, les communes de Sexey-les-Bois et de Velaine-en-Haye ne faisaient plus qu’une : Bois-de-Haye. Naissait ainsi entre Toul et Nancy, une commune nouvelle. Elles sont actuellement 779, nées de fusions effectives de quelque 2 500 communes isolées, pour un volume d’habitants dépassant les deux millions. La loi du 16 décembre 2010 a installé dans le paysage de nos villes et campagnes ce principe des communes nouvelles. La loi Marcellin de 1971 relative aux fusions de communes n’ayant pas donné les résultats escomptés, la nouvelle incitation visait à favoriser la fusion des collectivités locales. Mais c’est la loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle qui allait être le véritable déclencheur. Quand, entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2015, seules 25 communes nouvelles avaient vu le jour, 517 communes nouvelles issues de la fusion de 1 760 communes sont nées entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2016. Le mouvement va depuis crescendo. L’incitation financière prévue par la loi de 2015 a eu un effet de levier sur les projets de regroupements, avec la baisse de la dotation forfaitaire durant trois ans. Parmi les autres facteurs décisifs : la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales, avec pour conséquences la réduction des charges de fonctionnement et la mutualisation avec d’autres communes. Également, la création d’intercommunalités de plus en plus étendues a incité les communes modestes à fusionner pour porter une voix plus forte au sein des communautés de communes. Depuis cinq ans, le nombre total de communes en France est passé en-dessous du seuil symbolique des 35 000.

Mutualiser… jusqu’où ?

Si les communes fusionnées y voient un avantage financier, ce n’est pas le seul. La mutualisation des moyens matériels - véhicule, outillage et humains, avec des postes partagés - est une motivation forte. Dans ce contexte, quel avenir pour le périmètre communal quand de nombreuses enquêtes montrent l’attachement fort des Français à leur localité et à leur «clocher de village» ? L’intercommunalité se veut une réponse à l’émiettement communal. Elle tente de pallier cet inconvénient en permettant une préservation de l’espace communal, tout en réorganisant le cadre de l’administration territoriale. De nombreuses formes de coopération ont vu le jour : syndicats de communes, SIVOM, districts urbains, communautés urbaines, communautés de villes, communautés de communes, d’agglomération, métropoles. La multiplication des structures est allée de pair avec l’enchevêtrement des compétences des intercommunalités «XXL». Peu aisé, dès lors, de reconnaître lisiblement les degrés de responsabilités. Beaucoup voit cela comme un affaiblissement de la démocratie locale. Dans le cadre des restrictions budgétaires, la tendance est à la réduction des communes et des intercommunalités. Ces dernières années, la politique menée va dans le sens des métropoles, via les lois Maptam et NOTRe. Selon une étude de France Stratégie en 2017, «la métropolisation du développement économique est tirée par une tendance à la concentration géographique des emplois de cadres.» Se pose alors l’avenir de la petite commune, pilier de la démocratie, du vivre ensemble, d’une certaine agilité économique, des services publics de proximité, au plus près des besoins spécifiques d’un territoire. Le tissu communal hexagonal est une mosaïque de plus de 500 000 élus municipaux. Le dilemme est là. Fusionner pour être plus fort ? Seulement s’unir pour garder sa pleine identité ? Au centre, l’impérieuse nécessité de garder le lien humain. Ce n’est pas le moindre des défis.