Convention des entreprises pour le climat Hauts-de-France (CEC)
Dernière ligne droite pour de futures entreprises régénératives
53 sociétés régionales se sont lancées depuis mars 2024 dans cette première édition de CEC Hauts-de-France. Elles sont sur le point de publier leurs feuilles de routes, qui pourraient faire d’elles des entreprises régénératives, allant au-delà de la RSE vers une empreinte écologique positive.

Auditorium du Groupe Cofidis à Villeneuve d’Ascq, jeudi 6 mars 2025 : elles étaient toutes là, représentées chacune par un binôme qui pendant un an a travaillé sur ce projet d’entreprise régénérative (voir encadré). Durant cette dernière session de la Convention, chaque société devait présenter un projet de feuille de route à dix ans. L’objectif est de réduire d’ici 2035 leur empreinte écologique tout en créant des projets écologiques avec des associations ou institutions de leurs territoires. Au-delà du plaisir de se retrouver, on sentait aussi chez les participants l’envie de mettre en oeuvre toutes les perspectives nées des 12 jours de rencontres durant l'année au sein de la CEC … une manière d’écrire une nouvelle page de l’entreprise.
Ramery, Baudelet, La Voix du Nord, Cofidis … les poids-lourds de la région étaient bien représentés, mais aussi des PME de l’Aisne, du Pas-de-Calais, de la Somme et surtout de Lille, de divers secteurs (services, industrie, l’alimentaire, la distribution, l’agencement, la gestion de flux maritimes …). Au départ, quasiment toutes étaient déjà engagées dans une démarche de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
Au regard des feuilles de route qui seront présentées, nous espérons que 40% d’entre elles passeront le cap pour devenir des entreprises régénératives.
explique Eric Duverger, fondateur de la démarche. Car ce n’est pas simple. Ça suppose de toucher à toute la chaîne de valeur de l’entreprise. Et à défaut de devenir «régénératives», les entreprises peuvent espérer devenir «contributives» - selon la sémantique de la Convention - en allant au-delà du cadre réglementaire de la RSE.

Retour d’expériences
Pour Pierre-Antoine Avot, président de Fisa Filtration basé à la Chapelle d’Armentières, fabricant de filtres et cartouches de traitement de l’air, venu avec Maïté Rickewaert, sa responsable RSE :
La CEC a été une opportunité d’accélérer la transformation de l’entreprise, mais aussi nos propres convictions personnelles. Dans notre feuille de route, nous prévoyons de diminuer les chutes du processus de fabrication, de renforcer l’éco-conception, d’accompagner les clients en matière d’économie d’énergie et de développer la biodiversité sur notre réserve foncière en associant nos salariés.
Chez LVH, fabricant de PLV (publicité sur le lieu de vente) en carton et imprimeur numérique à Calais, la démarche RSE est d’autant plus importante que leurs produits sont généralement jetés au bout de deux mois d’utilisation, explique Dorothée Schoutteten-Bouteiller DRH et responsable RSE, aux côtés du dirigeant Loïc Schoutteten : «Grâce à la CEC, on s’est rendu compte que nous devons passer d’une stratégie volumique à une stratégie servicielle pour réduire notre empreinte». Sans pour autant en dire plus. Leur feuille de route était encore confidentielle au moment du reportage. Mais notre directrice souligne :
L’importance d’avoir rencontré des scientifiques durant ce parcours, comme la glaciologue Heïde Sevestre, un témoignage touchant, qui nous a convaincus de la démarche.

Pour Matthieu Ramery, président du groupe de BTP éponyme engagé dans la RSE depuis 2007,
la CEC m’a apporté un beau collectif, et je me suis rendu compte de l’importance du vivant ; un sujet qui va être intégré dans notre stratégie RSE.
C’est d’ailleurs en partie grâce lui que la CEC a atterri dans les Hauts-de-France : «J’avais entendu beaucoup de bien de cette dynamique. J’ai alors proposé à la CEC d’en monter une chez nous.» Une association régionale de 25 personnes s’est alors constituée. «Chaque entreprise a adhéré, selon un tarif lié au nombre de salariés (entre 1000 est 5000 euros). Puis chacune était incitée à faire un don défiscalisable, sachant que chaque parcours coûte par entreprise entre 15 et 20 000 euros.» explique Olivia Bertout de l’association qui a pu compter également sur le soutien financier de l’Institut Fontaine.
Déploiement national
La CEC s’est déployée aujourd’hui dans la France entière (dernière région le Grand Est en avril prochain) mais aussi à l’étranger. 2600 personnes, soit 1300 entreprises, auront été ainsi sensibilisées, lors de 27 CEC. L’intuition est venue d’Eric Duverger en 2020, à la suite de la Convention citoyenne climat. Si au départ, le parcours était très lié à la lutte contre le changement climatique, il précise qu'il intègre aujourd’hui de nouvelles dimensions :
Nous essayons de sensibiliser les participants aux différentes limites planétaires et à l’importance de se remettre en connexion avec le vivant et la biodiversité.
Comment la CEC des Hauts-de-France s’est-elle distinguée par rapport aux CEC régionales ?
On sent une chaleur humaine dans les échanges souvent teintés d’humour, mais surtout le poids de la locomotive économique que représentent les Hauts-de-France. La bascule écologique du pays ne pourra pas se faire sans les Hauts-de-France.
Des CEC thématiques ont également lieu, sur le monde des médias, la finance, le conseil…. et prochainement les océans, en lien avec la 3ème Conférence de l’ONU sur les océans à Nice, les 12 et 13 juin. En attendant le 5 juin, date de la cérémonie d’envoi de la première édition de la CEC Hauts-de-France, les organisateurs espèrent pouvoir publier sur leur site, les feuilles de route des entreprises participantes. Aucune date n’est prévue pour l’instant pour une deuxième édition. Mais espérons que la CEC puisse se renouveler, alors même que des vents contraires soufflent sur l’Europe, avec la dernière proposition législative de la Commission européenne et sa directive Omnibus de janvier 2025, qui vise à réduire les engagements des entreprises en matière de durabilité.
L’entreprise régénérative
Pour le Belge Christophe Sempels, docteur en sciences de gestion de l’Université Louvain-la-Neuve, parrain de la CEC, «le régénératif est la propriété unique d’un système vivant. Quand on s’entaille le doigt, en quelque jours, il est réparé. Dans l’entreprise, le régénératif appelle à deux mouvements. Il s’agit d’abord de baisser les impacts négatifs du fonctionnement de l’entreprise, aux seuils incompressibles fixés par la science pour maintenir le système Terre. Cela passe par l’utilisation de l’éco-conception, la sobriété énergétique, la low-tech, la substitution de matériaux, les circuits-courts… L’objectif est de réduire nos gaz à effet de serre de 42% en 2030 par rapport à 2020 et de 90% en 2050 par rapport à 2020, en réinventant nos modèles économiques. Le second mouvement est de générer des impacts positifs sur les écosystèmes, en portant des projets écologiques avec le territoire. Cette double démarche doit s’appuyer sur la puissance du vivant, la connexion à la nature qui permet de créer un écosystème sain et offre des potentiels régénératifs. La nature permet en effet de stocker le carbone, réduire le stress, stimuler l’art, épure l’eau…». Une manière de concilier pérennité économique et impacts sociaux et environnementaux.
