Dénonciation de faits de harcèlement : l’employeur doit agir !

L’employeur qui est informé d’une potentielle situation de harcèlement (moral ou sexuel)  doit diligenter une enquête interne.
L’employeur qui est informé d’une potentielle situation de harcèlement (moral ou sexuel) doit diligenter une enquête interne.

Il n’existe pas de texte imposant expressément à l’employeur de diligenter une enquête lorsqu’il est informé par un salarié d’une situation de harcèlement.

Ce n’est que dans l’hypothèse où il est saisi par un membre de la délégation du personnel au CSE qu’une telle obligation s’impose (Art. L. 2312-59 du Code du travail). Reste que la chambre sociale de la Cour de cassation vient de préciser dans un arrêt du 27 novembre 2019 (18-10551) que l’engagement d’une enquête interne s’avère indispensable en cas de dénonciation d’une situation de harcèlement sans distinguer l’origine de cette dénonciation. Dans cette affaire, une salariée en arrêt de travail pour maladie avait été licenciée pour insuffisance professionnelle après avoir affirmé qu’elle était victime de harcèlement moral. La cour d’appel avait considéré que le licenciement faisant suite à la dénonciation des faits de harcèlement était nul. En revanche, elle avait estimé que les faits de harcèlement n’étaient pas établis. Dès lors, selon elle, il ne pouvait être reproché à l’employeur de ne pas avoir diligenté d’enquête et d’avoir manqué à son obligation de sécurité. La Cour de cassation ne partage pas cette dernière analyse. Selon elle, «l’obligation de prévention des risques professionnels qui résulte des articles (…) [L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail] est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du Code du travail et ne se confond pas avec elle ».

La Cour de cassation consacre par cet arrêt le double aspect de l’obligation de sécurité que constituent la prévention et l’interdiction :

  • En cas de harcèlement caractérisé, lorsque l’employeur n’a pas pris les mesures de prévention nécessaires, il doit réparer deux préjudices distincts.
  • Dans un arrêt du 6 juin 2012 (10-27694), la Cour de cassation avait en effet considéré que les obligations résultant de l’article L. 1152-4 (prévention du harcèlement moral) et de l’article L. 1152-1 (interdiction du harcèlement moral) «sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents peut ouvrir droit à des réparations spécifique ».
  • En l’absence de harcèlement caractérisé, lorsque l’employeur n’a pas pris les mesures de prévention nécessaires, il peut être condamné à indemniser le salarié (cas dans le présent arrêt).

Ainsi, l’employeur qui est informé d’une potentielle situation de harcèlement (moral ou sexuel)  doit diligenter une enquête interne et celui qui n’a pas diligenté une enquête à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement manque à son obligation de prévention. Peu importe que les faits de harcèlement moral ne soient pas établis ! Autrement dit, l’employeur qui n’a pas pris toutes les mesures de prévention nécessaires en matière de harcèlement voit sa responsabilité systématiquement engagée. Peu importe que le harcèlement soit ou non caractérisé ! Ce n’est que lorsque l’employeur a pris toutes les mesures propres à faire cesser le harcèlement ainsi que toutes les mesures de prévention nécessaires, qu’il peut s’exonérer de sa responsabilité, même si le harcèlement est caractérisé (Cass. soc. 1er juin 2016, n°14-19702). Nous invitons ainsi les employeurs à élaborer à froid une procédure d’enquête susceptible d’être mise en œuvre immédiatement dès dénonciation des faits de harcèlement au sein de leur entreprise.

Jean-Christophe GENIN

Avocat – Directeur Associé Spécialiste en Droit du Travail, Cabinet Fidal