Décisions : dirigeants et personnels

Cassation d’un jugement d’annulation des élections : impact sur la représentativité syndicale. En cas de cassation d’un jugement d’annulation d’élections professionnelles, alors que de nouvelles élections ont été organisées dans l’intervalle, la représentativité syndicale est établie sur la base de ces dernières élections dès lors que celles-ci n’ont pas été contestées. Le 24 octobre 2013, une entreprise organise des élections professionnelles au cours desquelles la CGT obtient 10% des suffrages exprimés au premier tour et devient représentative. Or, ces élections sont annulées par un jugement du tribunal d’instance du 30 janvier 2014. Un pourvoi en cassation est formé contre le jugement, et de nouvelles élections sont organisées dans l’entreprise, avant que la Cour de cassation ne rende sa décision. Lors des nouvelles élections, le 14 mars 2014, la CGT n’obtient que 4% des suffrages exprimés au premier tour. Le 2 juillet 2014, la Cour de cassation annule le jugement du tribunal d’instance. Prenant acte de cette décision d’annulation, la CGT, se fondant alors sur les résultats de l’élection du 24 octobre 2013, estime qu’elle est représentative et désigne donc un délégué syndical. L’entreprise demande l’annulation de cette décision. La Haute Cour estime que la cassation du jugement ayant annulé les élections du 24 octobre 2013 n’entraînait pas, par elle-même, l’annulation des élections qui ont suivi. D’ailleurs, aucune contestation n’a été portée devant le tribunal d’instance dans le délai de 15 jours prévu par le Code du travail. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation décide qu’il faut prendre en compte le résultat des dernières élections, celles du 14 mars 2014, pour établir la représentativité du syndicat (Cass. soc. 12 avril 2016 – n°15-18.652).

Requalification de CDD en CDI : décompte d’ancienneté. En cas de requalification de CDD en CDI, l’ancienneté remonte au jour du premier contrat irrégulier. Un salarié embauché en qualité d’agent de propreté sollicite la requalification de plusieurs contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée et le paiement d’une prime d’expérience substituant l’indemnité d’ancienneté.

La demande de requalification en CDI à compter du 13 décembre 2004 est accueillie par la cour d’appel de Versailles, mais en l’absence de tout élément de preuve quant à l’exécution d’une prestation de travail entre novembre 2007 et le 26 août 2009, date de signature d’un nouveau contrat, elle constate l’absence de relations contractuelles durant cette période et refuse de reprendre l’ancienneté du salarié au 13 décembre 2004. La Cour de cassation sanctionne les juges du fond, s’appuyant sur l’effet de la requalification des CDD en CDI : le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée dès la conclusion du premier CDD et se trouve dès lors en droit de se prévaloir d’une ancienneté remontant à cette date (Cass. soc. 3 mai 2016 – n°15-12.256). Clause de non-concurrence et contrepartie pécuniaire. Il ne peut y avoir de minoration conventionnelle de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence en cas de rupture du contrat par le salarié. Un salarié démissionnaire était soumis à une clause de non-concurrence contractuelle qui ne faisait que reprendre les dispositions de la convention collective applicable à l’entreprise. Une contrepartie égale à la moitié de son traitement mensuel était prévue en cas de licenciement, et fixée au tiers seulement du traitement en cas de démission. La clause comportait ainsi une minoration de la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence en cas de rupture du contrat par le salarié. L’employeur faisait valoir qu’il n’avait fait qu’appliquer les dispositions de la convention collective. Il souhaitait ainsi échapper à la jurisprudence constante de la Cour de cassation interdisant à l’employeur de faire varier le montant de la contrepartie financière en fonction du mode de rupture du contrat. La Cour de cassation rejette l’argumentaire de l’employeur et confirme la décision de la cour d’appel de Lyon : cette disposition étant contraire au principe de libre exercice d’une activité professionnelle et à l’article L. 1121-1 du Code du travail, elle doit être réputée non écrite (Cass. soc. 14 avril. 2016 – n°14-29.679).

Avis d’inaptitude : formalisme. Un avis d’aptitude avec réserves n’équivaut pas à un avis d’inaptitude. A la suite d’un accident du travail, un salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, mais apte à un poste sans manutention, le 16 février 2010. Lors d’un nouvel examen médical en mars 2010, il est déclaré par le médecin du travail “apte au poste de conducteur offset avec l’aménagement proposé, sans manutention ni position prolongée en flexion antérieure du tronc”. Le salarié saisit la juridiction prud’homale pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. La cour d’appel de Pau prononce la résiliation judiciaire du contrat en retenant que le salarié ayant fait l’objet d’un avis d’inaptitude le 16 février 2010, l’employeur aurait dû chercher à le reclasser ou procéder à son licenciement pour inaptitude. Logiquement, la Cour de Cassation casse et annule cette décision. Elle rappelle que le salarié a fait l’objet d’un avis d’aptitude à son poste le 15 mars 2010, et que celui-ci s’impose à défaut de recours devant l’inspecteur du travail. L’employeur, ayant bien proposé au salarié sa réintégration sur son poste réaménagé, n’a donc commis aucun manquement en ne procédant pas à un licenciement pour inaptitude, ni à une recherche de reclassement. Un avis d’aptitude, fût-il accompagné de nombreuses réserves, reste un avis d’aptitude (Cass. soc. 13 avril 2016 – n°1510.400). 

Remboursement des frais de déplacement et égalité de traitement. L’entreprise doit pouvoir justifier les modalités de remboursement de frais différentes appliquées à ses collaborateurs. Un salarié saisit le conseil des prud’hommes, notamment, pour une demande de prise en charge des frais de carburant pour ses déplacements entre son domicile et son lieu de travail. Il estime, en effet, qu’il existe une inégalité de traitement entre les salariés, certains collaborateurs bénéficiant du remboursement et d’autres non. Le salarié considère qu’il y a une atteinte au principe “à travail égal, salaire égal”. Il doit donc soumettre au juge des éléments de fait pour la caractériser, et l’employeur doit rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence. La Cour de cassation confirme le raisonnement de la cour d’appel qui établit que l’entreprise n’apporte aucune explication à la différence de traitement, de nature à la justifier (Cass. soc. 13 avril 2016 – n°1510.272).