Décès numérique : le législateur fait la lumière

Le projet de loi pour une République numérique prévoit une sorte de testament numérique
Le projet de loi pour une République numérique prévoit une sorte de testament numérique

Le projet de loi pour une République numérique prévoit une sorte de testament numérique

Le développement de la vie numérique pose, de manière logique, de nouvelles problématiques liées à l’appréhension, par le droit, de la mort numérique. Le projet de loi pour une République numérique prévoit une sorte de testament numérique, pour permettre aux internautes d’organiser le devenir de leurs données personnelles après leur décès. 

De plus en plus de personnes sont confrontées, lors du décès d’un proche, aux questions liées au devenir du profil du défunt sur les réseaux sociaux, sur le sort des actifs numériques (photos, livres électroniques, musiques numériques, etc.) de ce dernier ou encore au souhait d’accéder à ses données numériques. Le projet de règlement européen relatif à la protection des données personnelles n’aborde délibérément pas cette question puisqu’il exclut les personnes décédées de son champ d’application. Face à ce vide juridique, le législateur français s’est emparé de la question par le biais du projet de loi pour une République numérique, en cours d’examen au Parlement. L’approche retenue par ce texte vise essentiellement à faciliter l’expression des volontés du défunt, l’action de ses ayants droit dans le respect de ses volontés, mais également, en l’absence de directives, la possibilité pour les héritiers d’exercer les droits du défunt après son décès. Dans l’attente de l’adoption définitive du projet de loi, les seules possibilités laissées aux personnes pour organiser de leur vivant le devenir de leurs données après leur mort, restent dépendantes de la bonne volonté des fournisseurs de service de communication au public en ligne gérant les comptes concernés.
Un tiers de confiance numérique Le projet de loi en discussion propose de permettre à toute personne, sans dépendre d’un opérateur et de ses pratiques particulières, de formuler des directives (générales ou particulières) concernant le devenir de ses données personnelles à son décès. Ces directives générales devront être enregistrées auprès d’un tiers de confiance numérique, certifié par la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), tandis que les directives particulières seront enregistrées auprès des responsables de traitement eux-mêmes. Elles pourront inclure la désignation d’une personne chargée de leur exécution. À défaut, c’est classiquement les descendants puis le conjoint, dans cet ordre, qui pourront prendre connaissance des directives et demander leur mise en œuvre. Il appartient, par conséquent, au responsable de traitement de créer une procédure nouvelle permettant de recueillir les directives particulières des personnes et de communiquer les données du défunt à la personne que celui-ci aura désignée, le cas échéant. Il sera également de leur responsabilité d’informer l’utilisateur du sort de ses données et de lui permettre de choisir de communiquer ou non ses données à un tiers qu’il aura préalablement désigné. En l’absence de directives formulées Les héritiers pourront avoir accès aux données lorsque celles-ci sont nécessaires à la liquidation et au partage de la succession. Cette disposition est assez similaire à la faculté réservée par l’article L.1110-4 du Code de la santé publique de laisser le droit aux ayants droit d’une personne décédée d’avoir accès, nonobstant le secret médical, aux informations permettant de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. Néanmoins, en vertu du droit au respect de la vie privée, incluant le droit au secret des correspondances et le droit à l’image de la personne décédée, les héritiers ne disposeront pas automatiquement d’un accès aux données du défunt. D’autres dispositions sont envisagées afin de traiter le cas des comptes devenus inactifs. Si certains textes existent déjà, notamment, pour les comptes bancaires inactifs et les contrats d’assurance-vie en déshérence, rien de tel n’était prévu pour ce qui concerne les actifs numériques. Complétant l’article 40 de la loi informatique et libertés permettant aux héritiers d’une personne décédée de demander l’actualisation des données afin de prendre en compte le décès, le projet de loi assurerait désormais aux héritiers la possibilité d’aller jusqu’à une demande de clôture du compte, sans frais.

viviane.gelles, avocat au barreau de Lille