De l'or mais pas de livres pour les enfants mineurs au Venezuela

Pieds-nus, Martin, 10 ans, creuse la terre avec ses cousins de 9 et 11 ans dans une mine à ciel ouvert à El Callao, petite ville enclavée du sud-est du Venezuela où ronflent d'innombrables "moulins" qui broient terre...

Un petit garçon extrait de l'or du sol, à El Callao, au Venezuela, le 29 août 2023 © Magda Gibelli
Un petit garçon extrait de l'or du sol, à El Callao, au Venezuela, le 29 août 2023 © Magda Gibelli

Pieds-nus, Martin, 10 ans, creuse la terre avec ses cousins de 9 et 11 ans dans une mine à ciel ouvert à El Callao, petite ville enclavée du sud-est du Venezuela où ronflent d'innombrables "moulins" qui broient terre et pierres pour en extraire de l'or. 

Il ne sait pas lire, mais il est déjà passé maître dans la détection de traces d'or. La quête d'or dans les campements de cette ville de l'Etat de Bolivar est d'abord un jeu. Mais il se transforme vite en travail à plein temps, assimilé à de l'exploitation par les défenseurs des droits humains.

Assis dans des flaques d'eau boueuse, des dizaines de jeunes font tourner avec dextérité de grandes +assiettes+ creuses, cherchant parmi la terre des morceaux d'or qui auraient adhéré au mercure, polluant pourtant interdit.  

"Tout ce qui brille on le met dans un sac et on le lave à l'eau. L'or reste collé au vif-argent (mercure)", explique Martin, dont l'identité a été modifiée pour des raisons de sécurité. 

Mais, ce n’est qu'une phase de l'orpaillage et il faut travailler dur. En raison de leur petite taille ce sont souvent les enfants qui s'immiscent dans les fosses pour "hacher" la terre.

Celle-ci se ramollit peu à peu. C'est ce qu'ils appellent "le matériau" : la boue contenant l'or qui sera mis dans le moulin, une méthode différente que la récupération de l'or dans les assiettes. 

Ils travaillent accroupis, torse nu, recouverts de boue. Ou doivent transporter, courbés sous leur poids, des sacs de boue d'un trou à un autre.

Martin vit à El Peru, un hameau d'El Callao. Il n'est jamais allé à l'école. Seul l'un de ses cousins, âgé de 9 ans, reçoit une éducation "parce que sa mère l'y oblige". 

"Je préfère chercher de l'or plutôt que d'aller à l'école. Mon père dit que l'argent se trouve dans le travail", lance-t-il à l'AFP. "Avec ce qu'on gagne, j'achète mes petites choses, des chaussures, des vêtements, parfois des bonbons".

La plupart des enfants disent que leur "rêve" est de devenir mineur, d'avoir "un moulin" quand ils "seront grands". 

Carlos Trapani, coordinateur général de l'ONG Cecodap, qui défend les droits des enfants, souligne que le travail dans les mines se déroule dans "les pires conditions". 

Survie

Auteur du rapport "Dangers et violations des droits des enfants et des adolescents dans les activités frontalières et minières", M. Trapani estime que "l'on a normalisé des conditions dans lesquelles les enfants sont en danger, non seulement en raison des risques d'accidents et de maladies endémiques, mais aussi parce qu'ils sont vulnérables à d'autres formes de violence, telles que l'exploitation et les abus sexuels".

Un millier d'enfants travaillent dans les mines de la région, selon l'Université catholique privée Andrés Bello (UCAB). "L'environnement familial est axé sur la survie", estime Eumelis Moya de l'UCAB Guayana. 

L'exploitation minière illégale se développe rapidement dans le sud du Venezuela, des zones où souvent règne la loi du plus fort avec la présence de guérilleros, de paramilitaires et de gangs de trafiquants de drogue, qui parfois se combattent. 

L'Etat peine à faire respecter la loi, comme en témoigne les affrontements violents entre orpailleurs et armée ces derniers jours dans le parc de Yapacana, plus grande réserve naturelle du pays. 

Gustavo passe le balai devant le magasin d'alcool d'El Peru. Il remplit trois seaux de terre puis se rend à la rivière avec ses trois frères, âgés de 8, 11 et 13 ans, pour les laver avec une casserole dans l'espoir de trouver de l'or. 

Comme au village tout se paie en or, ils espèrent que lors de soirées arrosées quelques orpailleurs auront laissé tomber des poussières, voire des pépites. 

"L'autre jour, j'ai ramassé un gramme (1g = 50 dollars), je donne cet argent à ma mère pour qu'elle achète de la nourriture et parfois elle achète quelque chose pour nous", dit le garçon qui travaille depuis l'âge de 6 ans.

La mère de Gustavo, 28 ans, mineure depuis l'âge de 12 ans, assure que son objectif est qu'ils "retournent à l'école" car "dans les mines, il y a toujours des risques". 

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