Dans les plaines du Midwest, l'immigration, réponse au manque de travailleurs

Ukrainiens, Afghans, Mexicains,... Ils ont immigré au Nebraska, Etat conservateur du centre des Etats-Unis. Bien loin des débats enflammés de la campagne présidentielle, les entreprises, qui manquent de travailleurs, les accueillent à bras ouverts et...

Des employés dans une usine Kawasaki à Lincoln, dans le Nebraska, le 13 mai 2024 © Charly TRIBALLEAU
Des employés dans une usine Kawasaki à Lincoln, dans le Nebraska, le 13 mai 2024 © Charly TRIBALLEAU

Ukrainiens, Afghans, Mexicains,... Ils ont immigré au Nebraska, Etat conservateur du centre des Etats-Unis. Bien loin des débats enflammés de la campagne présidentielle, les entreprises, qui manquent de travailleurs, les accueillent à bras ouverts et appellent Washington à réformer le système d'immigration légale.

En périphérie de la capitale Lincoln, le long de l'autoroute, entre champs et aéroport, se dresse l'usine du constructeur Kawasaki. Une banderole déployée sur la clôture affiche: "on embauche".

Ramiro Avalos, Mexicain, y travaille depuis deux ans, et inspecte les métros flambant neufs qui circuleront bientôt à New York.

Avec sa femme et leurs deux enfants, ils s'étaient d'abord installés en Californie. Jusqu'à ce qu'il découvre cette ville de 300.000 habitants, avec ses "paysages, les parcs, le calme, l'absence de bouchons, le faible coût de la vie, la très faible criminalité. (...) Nous avons décidé, avec ma famille, de venir ici."

Cet homme jovial n'a alors eu aucun mal à trouver un emploi: "J'ai postulé pour Kawasaki alors que je vivais encore à Los Angeles. (...) J'ai eu l'entretien et obtenu le poste".

Comme lui, un tiers des employés du site viennent d'un autre pays.

"Sans cette main-d'oeuvre, nous serions obligés d'arrêter le travail, de refuser des commandes ou de fabriquer nos produits dans un autre pays", détaille Mike Boyle, directeur du site Kawasaki de Lincoln.

A quelques kilomètres de là, face à des silos abandonnés, l'usine TMCO fabrique des objets en métal. Ici aussi, un tiers des 230 employés sont immigrés ou réfugiés.

"Sans un flux constant d'immigration, le marché du travail est tendu", constate la directrice de cette entreprise familiale, Diane Temme Stinton, évoquant le "besoin de plus de main-d'oeuvre qualifiée".

Obsolète

L'immigration est pourtant un sujet explosif à l'approche de l'élection présidentielle du 5 novembre.

Alors que Joe Biden a limité les entrées à la frontière avec le Mexique, puis annoncé des mesures de régularisation pour les conjoints de citoyens américains, son rival, Donald Trump - qui avait obtenu 58,5% des voix dans le Nebraska en 2020 -, use d'une rhétorique particulièrement virulente envers les migrants.

Pour Bryan Slone, président de la Chambre de commerce du Nebraska, l'enjeu est "bien plus large que la frontière sud", et va "au-delà de l'élection et des candidats".

Pour le Nebraska, c'est une question de survie, pour que les "communautés se développent et prospèrent", martèle-t-il.

Industrie, agriculture, services, ... "Il n'y a tout simplement pas assez de personnes (...) pour occuper les emplois essentiels au fonctionnement de notre société", souligne un rapport de la Chambre de commerce.

Le Nebraska compte 1,97 million d'habitants, dont 7,1% nés à l'étranger.

Et dans les petites villes de cette région rurale, pour maintenir ouvertes les écoles, maisons de retraite, épiceries, "les gens disent +nous avons besoin d'eux maintenant+", souligne Kathleen Grant, responsable d'une organisation d'associations locales.

Bryan Slone plaide pour que le Congrès à Washington change les règles du jeu de l'immigration légale. A la tête d'une coalition d'acteurs économiques, il raille un système "obsolète".

"Ne rien faire aurait pour conséquence de ralentir notre économie", alerte-t-il.

Accorder davantage de permis de travail, réduire les délais: "il faut un processus permettant aux gens d'entrer dans ce pays, d'être contrôlés, puis régularisés, et de bénéficier de la même qualité de vie que nos grands-parents lorsqu'ils sont arrivés ici en tant qu'immigrants", plaide-t-il.

- Processus "très long" - 

Le directeur de l'usine Kawasaki, Mike Boyle, espère aussi que la future administration fédérale, qu'elle soit menée par Joe Biden ou Donald Trump, "s'efforcera de faciliter la gestion des procédures d'immigration légale, et de faire entrer davantage de personnes dans le pays."

Actuellement, le processus d'obtention d'un titre de travail et de séjour "peut être très long", regrette Mary Choate, de l'association locale CLIA d'aide aux immigrés.

Elle cite l'exemple de personnes "qui ont déposé une demande d'asile en 2017", vu leur entretien prévu en 2020 repoussé à cause du Covid, puis reprogrammé en 2022: ils "attendent toujours la décision".

Néanmoins, dit Mike Boyle, pas question d'ouvrir tout grand les frontières: "ce sont deux sujets totalement distincts", selon lui.

Les élus, eux, balancent entre soutien à l'économie locale et regards inquiets vers la frontière mexicaine.

Le sénateur républicain Merv Riepe estime qu'"en devenant un État accueillant pour les immigrants, le Nebraska peut potentiellement remédier à sa pénurie de main-d'oeuvre", mais insiste sur le besoin de planifier les coûts liés à ces arrivées.

Côté démocrate, la sénatrice Carol Blood insiste sur le fait que "les Etats-Unis ont besoin de mettre en place une meilleure voie vers la citoyenneté" et d'avoir plus de juges de l'immigration pour raccourcir les délais. Mais, dit-elle, il faut aussi renforcer les moyens à la frontière.

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