Dans les Hauts-de-France, l'industrie agroalimentaire dans le brouillard face à la hausse des prix
Bruno Pierre et Philippe Hincelin, respectivement président et directeur de l’association régionale Agro-Sphères, dressent un bilan du secteur régional de l’agroalimentaire. Celui-ci a souffert de manière hétérogène de la crise sanitaire, mais se trouve confronté à la hausse des prix.
En 2018, 800 établissements, 45 000 salariés, 5,4 milliards d’euros à l’export. Avec des géants comme Bonduelle, Herta, Nestlé, mais aussi des producteurs locaux connus nationalement comme "Perles du Nord", le secteur de l’agroalimentaire des Hauts-de-France est un véritable moteur économique. Pour autant, la filière, ébranlée par la crise sanitaire, est fragilisée. Le point avec Bruno Pierre et Philippe Hincelin, respectivement président et directeur de l’association régionale Agro-Sphères qui regroupe 253 membres.
Les PME, les grandes perdantes
« L’industrie agroalimentaire régionale est très diversifiée et les entreprises ont été impactées différemment selon le type de clients finaux qu’elles ont, résume, en préambule, Philippe Hincelin. Logiquement, celles qui sont tournées vers les GMS s’en sortent mieux que celles travaillant dans la restauration hors domicile. » Dans ce dernier cas, les pertes de chiffres d’affaires peuvent aller « jusqu’à 80%, quasiment 100% ».
La reprise de tous les types de restauration a été un signal positif. Mais l’équilibre est loin d‘être retrouvé. « Si certaines entreprises ont fondu, d’autres ont été débordées de commandes suite à des fermetures », souligne Bruno Pierre. Globalement, « les grandes marques ont été les gagnantes et les PME, les perdantes », rebondit Philippe Hincelin. Avec pour conséquence une perte de compétitivité pour les plus petites entreprises.
Dans ce contexte, le programme France relance a pleinement joué son rôle. Une centaine de dossiers d’investissement ont été ainsi été déposés en région : « Nous n’avons jamais vu autant de projets, ce qui montre la résilience de notre secteur », se réjouit Philippe Hincelin. Les deux responsables craignent cependant un essoufflement. « Nous sommes confrontés à une hausse du prix des emballages, suivie par celles des matières premières, des céréales, en passant par l’énergie et donc des coûts de logistique. Et maintenant, c’est au tour des pièces détachées », énumère le directeur d’Agro-Sphères.
Des hausses moyennes pondérées de 3,5%
De quoi mettre à genoux les entreprises. « Cela fait six à neuf mois que nous subissons ces hausses, mais les négociations de prix avec la grande distribution n’interviendront qu’en janvier/mars de l’année prochaine ! Habituellement, nous observons des HMP (hausse moyenne pondérée) de l’ordre de 0,5 à 1% sur une année. Là, nous sommes plutôt à 3,5, voire 12 à 13% pour certaines entreprises », alerte Bruno Pierre. Le président d’Agro-Sphères s’inquiète également des conséquences de la loi Egalim 2 : « Le contenu est bien pensé, mais son application pour les PME va s’apparenter à une usine à gaz. »
Ce que craignent les responsables, ce sont des coûts supplémentaires. « Aujourd’hui, nous sommes pris entre deux feux, entre la juste rémunération des agriculteurs et la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs, résume Philippe Hincelin. C’est, je crois, la huitième année consécutive que les marges, relativement faibles, de l’industrie agroalimentaire se détériorent. » Pourtant, les exigences des consommateurs en termes d’origine de produits et de qualité n’ont jamais été aussi fortes. Un paradoxe que le secteur agro-industriel n’a pas encore résolu…