Dans les cimetières militaires de Normandie, la nationalité ne compte plus
"Si on regarde le nombre de personnes qui sont mortes en Normandie, peu importe finalement d’où elles viennent, elles sont toutes des êtres humains", lâche Markus, un touriste ému devant la nécropole allemande de la Cambe (Calvados), un des 27...
"Si on regarde le nombre de personnes qui sont mortes en Normandie, peu importe finalement d’où elles viennent, elles sont toutes des êtres humains", lâche Markus, un touriste ému devant la nécropole allemande de la Cambe (Calvados), un des 27 cimetières de la bataille de Normandie répartis par nationalité.
Une porte pour entrer, large pour une seule personne. Un tumulus s’impose aussitôt, quelques croix en pierre de lave sont réparties ici et là parmi de nombreux arbres qui donnent l’impression d’être dans un parc de 10 hectares.
Impressionné, cet Allemand dont le grand-père a combattu en Normandie durant l'été 1944 s'étonne de la différence avec le cimetière américain de 70 ha à Colleville-sur-Mer.
Surplombant Omaha Beach, les 9.388 stèles de marbre blanc tranchent avec les pierres plates et carrées à même le sol du plus grand cimetière allemand en Normandie. Sous terre et dans le tumulus gisent près de 21.300 personnes.
Comme quatre des six cimetières allemands de la région, celui de la Cambe a été créé par les Américains qui ont inhumé d'un côté leurs soldats, de l'autre les Allemands.
En 1945, les Américains commencent à transférer les corps qui n'ont pas été rapatriés aux Etats-Unis à Colleville et à Saint-James (Manche), gérés par l’American Battle Monuments Commission.
Des cimetières provisoires américains, il ne reste rien si ce n'est une stèle commémorative à Marigny.
Quant aux Britanniques, leur approche est différente dans leurs 18 cimetières normands: ils regroupent les soldats au plus près du lieu de décès.
Quelque 2.400 Allemands sont enterrés dans six cimetières du Calvados. Leurs tombes sont entretenues par le Commonwealth War Graves Commission (CWGC) dans le cadre d'un accord financier avec l'Allemagne.
En tout, plus de 70.000 soldats allemands reposent en Normandie, très peu ayant été rapatriés.
A la Cambe, 10% étaient des SS (Schutz-Staffel, membres d'une organisation paramilitaire et policière nazie) et 80% avaient à peine 20 ans. Le plus jeune avait 14 ans, le plus âgé était un capitaine de 75 ans.
Sont également enterrés des soldats issus des territoires annexés comme les "malgré-nous", ces Alsaciens et Mosellans incorporés dans la Wehrmacht.
Jardin de la paix
Grâce aux travaux d'une historienne, deux femmes travaillant dans l'administration ont été découvertes récemment: Hildegart Össwein, 23 ans, et Marie-Luise Micknat, 34 ans.
Figure également dans ce cimetière le prisonnier de guerre Heinz Gnibl, victime en 1949 de l’explosion d’un obus le jour de son retour au pays. Le principal responsable du massacre d’Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), Adolf Diekmann, y est aussi enterré.
Mais la tombe la plus visitée reste celle de Michael Wittmann, redoutable pilote de chars allemand. Son corps n'a été retrouvé qu'en 1983 et transféré à la Cambe. Américains, Anglais, Italiens et Espagnols s'y pressent, la plaque sur sa tombe a même été volée deux fois.
Certains visiteurs laissent des objets, notamment des symboles nazis. "C’est rare et ils sont aussitôt enlevés", précise Marie-Annick Wieder du Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge, association qui entretient les sépultures allemandes dans 46 pays.
Cette conservatrice du cimetière note une fréquentation croissante, y compris des Allemands même s'ils se font discrets.
"Il y a une honte, une sorte de culpabilité qui est encore là mais tend à s'estomper", explique-t-elle, précisant qu'à partir de 1989 les Allemands de RDA (République démocratique allemande) ont pu venir.
C’est surtout depuis le 70e anniversaire du Débarquement que le nombre de visiteurs a explosé et devrait atteindre cette année les 500.000, principalement des Français, Hollandais et Belges.
Les scolaires, dont le nombre ne cessent d'augmenter, sont invités à découvrir le jardin de la paix comptant 1.200 érables, et dans le vestibule une couronne en acier de 1.000 fleurs – myosotis pour les Allemands, bleuets pour les Français et coquelicots pour les Alliés.
"C’est un vrai message de paix qui doit parler aux jeunes quand ils sont dans le cimetière, selon Mme Wieder. Cela leur montre toutes les conséquences de la guerre, eux qui ont à peu près le même âge que ces soldats en 1944."
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