Dans le Lot, l'ancrage d'Aurélien Pradié sur une terre de gauche
Il faut voir Aurélien Pradié sur le marchéde Cahors pour comprendre comment le député sortant, ex-numéro 2 des Républicains, a obtenu six fois plus de suffrages (42,3%) que la moyenne nationale de LR au premier tour des législatives, de...
Il faut voir Aurélien Pradié sur le marchéde Cahors pour comprendre comment le député sortant, ex-numéro 2 des Républicains, a obtenu six fois plus de suffrages (42,3%) que la moyenne nationale de LR au premier tour des législatives, de surcroît dans le Lot, département de tradition radicale-socialiste.
Comme Léon Gambetta, père de la IIIe République lui aussi né à Cahors, Aurélien Pradié est un animal politique: le pas souple, mocassins bleus aux pieds et chemise blanche sous un blouson en daim, le "jeune loup" de 38 ans traverse mercredi matin le marché, rebondissant d'étal en étal et prenant le temps, en politicien aguerri, de saluer tout un chacun.
Le Cadurcien claque la bise, demande de loin si "ça va?", sourit, s'arrête quelques minutes pour discuter.
Il ne viendrait à personne l'idée de contester son implantation locale, mais ce n'est pas ce que lui reproche son adversaire du Nouveau Front populaire, Elsa Bougeard (LFI): elle l'accuse de faire campagne sur sa personnalité, perçue comme consensuelle, sans parler de programme.
"Il porte un projet politique de droite, et le problème, c'est qu'il ne dit pas pour quoi il vote", explique cette surveillante de collège de 42 ans, née à Tours mais dans le Lot depuis huit ans.
- Fracas -
Elle évoque par exemple la réforme des retraites: le député du Lot avait insisté pour que soient mieux prises en compte les carrières longues, avant de voter contre le projet avec fracas.
"Le reste de la réforme ne lui posait pas de souci. L'allongement de l'âge légal de départ à la retraite, les 40 annuités, ce n'était pas un problème. Sauf que ça, il ne le dit pas", s'insurge Mme Bougeard.
Battue par Pradié en 2022, la candidate est arrivée deuxième dimanche en progressant de 3.300 voix (24,3%). Aussi présente sur le marché, elle enchaîne l'après-midi sur une séquence de tractage devant un supermarché discount en périphérie.
"On vient ici aussi pour dire aux milieux populaires: ne vous trompez pas, le RN n'est pas la solution à vos problèmes. Ils ont voté contre le blocage des prix, contre la hausse des salaires."
Troisième qualifiée au second tour avec 23,1%, la candidate RN Slavka Mihaylova traverse la campagne comme un fantôme. Parachutée (elle habite l'Aveyron), personne ne semble l'avoir vue et elle n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP.
Aurélien Pradié, au contraire, est vu comme l'"enfant du pays". Conseiller départemental à 22 ans après une campagne à mobylette faute de permis, il devient maire de son village à 28 et député trois ans plus tard.
"Il incarne un peu les valeurs du terroir d'ici", mais aussi un éventuel "destin national par la suite", estime Antoine Chanteraud, 39 ans, artisan spécialisé dans la restauration de bâtiments anciens, qui votera néanmoins NFP dimanche.
"Il défend le milieu rural, il porte tout ça à Paris" et "a réussi à retourner une partie de l'électorat du Lot", convient également Didier Crouzat, professionnel de santé de 63 ans.
un autre espace
Sur le marché, Aurélien Pradié écouteun couple d'admirateurs en visite depuis les Hautes-Pyrénées qui lui demandent conseil: chez eux, ces électeurs de droite ont le choix entre RN et NFP. Que faire?
Renseignement pris (le candidat NFP est socialiste), Pradié médite: "Si j'étais dans cette situation, je serais très emm... Mais mon réflexe est toujours de choisir les personnalités avant le parti."
Celui qui confiait lundi vouloir "créer un autre espace" politique à droite après avoir pris ses distances avec un LR fracturé par l'alliance avec le RN, ne cache pas son ambition.
"Il y a deux catégories de responsables politiques. Ceux dont l'ambition est construite par leur famille, leur entourage (...) qui passent des années à entendre qu'ils ont vocation à devenir président de la République", explique-t-il à l'AFP.
"Et il y a ceux dont l'ambition se construit dans le regard des autres. Et moi, c'est ce qui se passe, petit à petit", ajoute-t-il.
Et de conclure: "Désormais, les Lotois attendent de moi aussi que j'aie un message politique plus national. (...) Ils me disent: pourquoi vous n'ouvririez pas vous-même un chemin?"
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