Crime Science Technology, le garant des documents d'identité

Acteur de référence de la deeptech lilloise reconnue aujourd’hui à travers le monde entier, Crime Science Technology (C.S.T), spécialisée dans la sécurisation des documents d’identité met au point des technologies de pointe afin de lutter contre la fraude documentaire mais pas que. La société nordiste opère actuellement un virage stratégique en embarquant l’IA dans ses process. Objectif ? Conquérir de nouveaux marchés et poursuivre son déploiement international. Rencontre avec Cosimo Prete, CEO.

Cosimo Prete, fondateur et dirigeant de Crime Science Technology. © Lena Heleta
Cosimo Prete, fondateur et dirigeant de Crime Science Technology. © Lena Heleta

Née à Lille et reconnue aujourd'hui aux quatre coins de la planète, l’entreprise Crime Science Technologies (17 salariés) a tout d'une success story. Ancien expert de la police scientifique au laboratoire de Lille, Cosimo Prete travaillait pour la section documents et empreintes digitales. «Je me sentais à l’étroit dans mes fonctions et j’avais véritablement envie d’entreprendre. Il y avait beaucoup de dialogues entre les opérationnels du terrain, les industriels et le monde académique, de là m’est venue l’idée de créer C.S.T pour faire le pont entre ces trois univers» raconte le natif de Carvin et archéologue de formation. Il dépose le statut de sa société en 2011, le début d’une belle aventure entrepreneuriale.

La première problématique que Cosimo Prete souhaite adresser concerne les empreintes digitales. «On a développé une technologie permettant de faciliter le quotidien des policiers cherchant à authentifier et révéler des empreintes digitales» résume le dirigeant. Si tout le monde connaît la fameuse poudre noire, cette technique ne permet plus d'identifier l’ADN des suspects après une première utilisation. La deuxième technique existante consiste elle à placer les objets dans une machine de fumigation vapeur pour révéler l’empreinte et la matérialiser. «Nous avons créé une technique qui fait les deux en un, elle va révéler l’empreinte en très haute définition, et celle-ci va être directement contrastée puisqu’elle sera également fluorescente. Ce procédé d’empreinte est compatible avec la recherche de l’ADN». Pas n'importe quels acteurs utilisent ce procédé : le FBI, Scotland Yard ou encore la police scientifique française font partie des premiers utilisateurs séduits par l'innovation.

Rayonnement scientifique mondial

Ce procédé, qui a nécessité 18 mois de R&D, a pris une trajectoire fulgurante en matière de rayonnement scientifique. «Nous avons été invités comme intervenant à deux reprises au Congrès sur les empreintes Digitales qui se tenait à Interpol : ça a été une vitrine technologique exceptionnelle avec des délégations du monde entier présentes. Une superbe carte de visite pour notre technologie qui s'est donc bâtie une solide réputation si bien qu’aujourd’hui, une trentaine de pays utilisent notre solution (Etats-Unis, Angleterre, Allemagne, Arabie saoudite, Chine... ndlr)». Cette technologie autour des empreintes a représenté la première vie de l'entreprise. «Nous avons capitalisé là-dessus pour développer des procédés nouveaux, des molécules chimiques autour de la couleur pour protéger les documents d’identité et les rendre plus sûrs contre la fraude».

Lutter contre la fraude documentaire

En 2017, C.S.T. franchit donc un nouveau cap en s'attaquant aux documents d'identité. «La fraude aux documents d’identité ou même aux billets de banque repose en grande partie sur une expertise approfondie autour de la couleur en lien avec l'optique physique. On a développé une approche novatrice qui repose sur notre expertise en chimie moléculaire. Pour nous, les molécules c’est comme des Lego®, on est capables de les associer d’une certaine façon pour donner des propriétés visuelles uniques mais aussi des propriétés de résistance physico-chimique». Sur les documents d'identité, C.S.T a créé le premier plastique sécurisé au monde mais aussi parallèlement des encres haute sécurité nouvelle génération reposant sur une technologie O.V.M.® (optical variable material). Autrement dit, en fonction de l’angle d’observation et de l’inclinaison, le passeport par exemple va changer de couleur. «C'est une vraie révolution car le plastique jusqu’à présent n’était pas sécurisé. Il est aujourd'hui particulièrement difficile pour les faussaires de le reproduire ou le falsifier». Ces technologies disruptives – notamment reconnues comme meilleurs gages de qualité mondiale par Frontex et l’Organisation Internationale de l’Aviation Civile (O.A.C.I) – sont destinées principalement aux Etats et aux grands groupes industriels. «L’encre offre une grande souplesse industrielle ; le plastique intègre la totalité du document, souvent les pays choisissent l’un ou l’autre en fonction de leurs besoins».

Une quinzaine de pays ont été séduits par cette technologie : l’Allemagne, le Portugal tout récemment, mais aussi l’Australie, qui s’est vu décerner le passeport le plus sécurisé au monde en 2023 et la Lettonie en 2024. «Ces deux Etats ont embarqué notre technologie» se félicite le dirigeant qui a également signé des partenariats stratégiques commerciaux avec les grands acteurs de l’industrie de sécurité.

«Notre objectif est de rendre la vie difficile aux hackers et pour cela il faut toujours avoir une longueur d’avance»

Virage à 360 vers l'IA

Avec la dématérialisation des documents, la fraude a été facilitée et ne fait qu’augmenter. Face à ce constat, la société a décidé de se dématérialiser. «Notre sécurité va faire le pont entre le monde physique et le monde digital. Notre objectif est de rendre la vie difficile aux hackers (faussaires) et pour cela il faut toujours avoir une longueur d’avance». C.S.T. travaille donc en collaboration avec le CITC (voir encadré) avec qui elle accélère sur de nouveaux process algorithmiques qui intègrent de l'intelligence artificielle.

En parallèle, C.S.T. poursuit son développement sur le marché de l’authentification et de la traçabilité des produits et biens de consommation. Son partenariat stratégique avec Philaposte (Groupe La Poste) permet d’appliquer la technologie à des cas d’usage multiples comme les vignettes tabac, l'alcool ou encore les produits de luxe. D'ici peu, Cosimo Prete ambitionne d'adresser également le marché des billets de banque. «À l’échelle mondiale, la production des billets de banque ne fait qu’augmenter à hauteur de 3 à 5% par an mais la fraude augmente aussi, d’où l’importance de créer des nouvelles générations de sécurité pour protéger les billets». C.S.T. aurait donc une véritable carte à jouer sur ce marché de niche.

Une feuille de route 2025 dense

La pépite lilloise dont les technologies sont utilisées par une centaine de millions de citoyens dans le monde réalise aujourd'hui 95% de son chiffre d'affaires à l'international grâce notamment à un portefeuille de brevets délivrés dans une trentaine de pays. Parmi ses objectifs, C.S.T. entend poursuivre sa stratégie de digitalisation, continuer de capitaliser sur des grandes références clients et accélérer son développement à l'international. «Nous partons à la conquête du marché américain» confie le dirigeant accompagné pour cela par Business France et CCI International. L'entreprise nordiste qui ne dévoile pas son chiffre d'affaires a réalisé plus de 50% de croissance ces deux dernières années et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin...

L’Australie, qui s’est vu décerner le passeport le plus sécurisé au monde en 2023, utilise la technologie de C.S.T. © hamzeh

 Nouvelle entrée au capital

C.S.T. franchit une étape clé de son développement avec l’arrivée d’un nouvel investisseur : C4 Industries. Cette opération assure à la société nordiste un actionnariat intégralement français et les clés pour accélérer son industrialisation et son internationalisation. «C.S.T est une véritable success story française déjà reconnue au plan international. Sa technologie unique la distingue sur un marché critique, celui de la sécurisation des documents d’identité. Elle incarne l’excellence que nous voulons accompagner pour accélérer leur développement sur la scène mondiale» déclarait Pascal Cagni, président de C4 Industries.

Rôle majeur du CITC

La société lilloise s'est appuyée sur des acteurs clés en région comme le CITC (Centre Innovant des Technologies sans Contact, réunissant une vingtaine de docteurs et ingénieurs) depuis un an pour préparer l'avenir. Cet organisme accompagne les entreprises dans l’accélération et digitalisation de leurs process (IA, IT et cyber...). «Il existe un programme très sélectif de 250 projets en Europe, EDIH (European Innovation Hub), autour de l'hybridation entre le monde réel et monde virtuel, autrement dit comment rendre les objets plus connectés. Dans ce cadre là, on accompagne la technologie de C.S.T pour accélérer de nouveaux process algorithmiques, et garantir l’intégrité de leur technologie pour qu’elle ne soit pas falsifiée» précise Chekib Gharbi, fondateur du CITC. «Il était essentiel de travailler avec le CITC, qui comprend exactement ce qu’on fait et qui est une référence exceptionnelle sur notre territoire» résume Cosimo Prete. «Nous avons la chance d'être entourés de personnes visionnaires comme Chekib Gharbi, Akim Oural et par le passé, Pierre de Saintignon et Mongi Zidi à qui je rends hommage ; leur contribution a été essentielle pour poser les fondations de cet écosystème de la French Tech qui est aujourd'hui une véritable réussite pour notre territoire. La Région Hauts-de-France, partenaire historique, a joué un rôle déterminant dans les différentes étapes du développement de C.S.T.».

Chekib Gharbi, fondateur du CITC et personnage clé de l'écosystème numérique de la métropole lilloise. © Lena Heleta