Crèches: la "voracité" de certains groupes privés a été "dramatique"

La "voracité" de certains groupes de crèches privées combinée à l'"inaction" des pouvoirs publics a eu des impacts "dramatiques" sur le secteur et sur les enfants, souligne le journaliste d'investigation Victor Castanet dont...

Le journaliste d'investigation Victor Castanet, le 30 mars 2022 à Paris © ALAIN JOCARD
Le journaliste d'investigation Victor Castanet, le 30 mars 2022 à Paris © ALAIN JOCARD

La "voracité" de certains groupes de crèches privées combinée à l'"inaction" des pouvoirs publics a eu des impacts "dramatiques" sur le secteur et sur les enfants, souligne le journaliste d'investigation Victor Castanet dont le livre "Les Ogres" (Flammarion) sort mercredi.

Dans un entretien à l'AFP, l'auteur des "Fossoyeurs", enquête qui avait révélé en 2022 des cas de malversations et de maltraitances chez le géant des Ehpad privés Orpea, évoque également le "pacte de non-agression" qui aurait été conclu entre l'ancienne ministre des Familles Aurore Bergé et le lobby descrèchesprivées. 

Question: Qui sont les ogres?  

Réponse: "Les ogres, ce sont ceux qui mangent les enfants dans les contes. Mais c'est aussi la voracité, l'obsession des groupes à grossir toujours plus.

Dans la majorité des crèches, ça se passe bien. Et les personnels travaillent avec un profond engagement, souvent beaucoup d'amour pour les enfants, et le font avec peu de moyens, en étant très mal payés. 

Et à côté de ça il y a des dérives mises en place aux sièges de certains groupes. Il y a des pratiques d'optimisation des coûts, une dynamique du +low-cost+, qui ont des incidences néfastes sur l'ensemble du secteur, où vont être privilégiés les indicateurs financiers, les taux d'occupation, à la qualité.

Avec des impacts dramatiques sur les enfants. Il y a cette crèche privée près de Lille, où il y a neuf enfants qui auraient été victimes de situation de maltraitance. Des coups, des griffures, des punitions dans le noir, des humiliations, des privations de nourriture. Ces enfants font encore des cauchemars réguliers, il y a eu des retards de développement et des problèmes de sociabilisation, dans le rapport à l'autre, et notamment à l'adulte."

Question: Au-delà de la responsabilité de certains groupes, vous pointez l'inaction des pouvoirs publics, ce qui aurait favorisé la dynamique du "low-cost". 

Réponse: "Certains groupes ont cassé les prix en promettant qu'ils feraient aussi bien et ce mouvement a été accompagné par un certain nombre de mairies, de collectivités et de ministères qui, entre deux offres, ont quasiment toujours choisi la moins chère et la moins-disante. 

Il y a une autre responsabilité de l'État qui est celle du mode de financement: Bercy et la Cour des comptes ont poussé pour la mise en place d'un système de facturation à l'heure qui incite tous les opérateurs municipaux, associatifs, privés à maximiser leur taux d'occupation, à remplacer chaque absence, à remplir chaque trou pour toucher le plus possible de dotations publiques.

La responsabilité de l'État est d'autant plus grande que tout le monde les a prévenus que ce système était une catastrophe mais l'administration française a insisté et n'a pas voulu remettre en cause son fonctionnement."

Question : Vous faites état également d'un "pacte de non-agression" qui aurait été conclu entre l'ancienne ministre des Familles Aurore Bergé et la déléguée générale de la Fédération des entreprises de crèches Elsa Hervy. 

Réponse: "Elles ont échangé de manière étroite tous les jours sur des applications sécurisées. Il y a eu une demande, à laquelle les groupes privés ont répondu, celle de ne jamais critiquer la politique gouvernementale et de soutenir la ministre. 

En contrepartie de quoi Aurore Bergé a fait preuve d'une forme de mansuétude vis-à-vis des acteurs privés, a transmis leurs messages lors de ses allocutions. Elle a affirmé qu'elle n'avait jamais fait passer de consignes particulières, qu'il n'y avait jamais eu d'entente - ce que contredisent les témoignages et les documents qu'on m'a transmis."

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