Corinne Lepage : «Le lobby est parfois au cœur de l’Etat»

Ancienne ministre de l’Environnement et député européenne, Corinne Lepage était à Dunkerque le 9 mars dernier pour une conférence intitulée : «La démocratie à l’épreuve des lobbies», entourée d’Henri Landés, ancien directeur de la fondation pour l’environnement Agostini et Nicolas Imbert, directeur de Green France. Compte-rendu.

Corinne Lepage : «Le lobby est parfois au cœur de l’Etat»

Directe mais sans passion. Les deux heures qu’a passées Corinne Lepage dans l’auditorium de la Halle aux sucres ont attiré plus d’une centaine de personnes s’interrogeant sur les lobbies et leur poids dans la démocratie. Présentant le contexte écologique général et le peu d’intérêt commun que peuvent avoir les lobbies dans la sauvegarde des ressources, Nicolas Imbert a pointé que même des fonds européens étaient déroutés de leur objectif. «Sur le principe, je ne suis pas choquée que des fonds européens aillent dans des projets, mais il faut qu’il y ait une valeur ajoutée pour la collectivité», a précisé la conférencière pour qui l’intérêt privé diverge de l’intérêt public. Ce dernier semble de moins en moins considéré si l’on suit l’avocate, qui dénonce la disparition des commissaires enquêteurs, la restriction des périmètres des débats publics, la disparition pure et simple de la Commission nationale du débat public – dont elle avait accompagné la création sous la présidence Chirac, avec son collègue du gouvernement Michel Barnier1.

Selon Corinne Lepage (à gauche), l’intérêt public est de moins en moins considéré.

Recul des libertés environnementales

L’ancienne ministre de l’Environnement a, entre autres, pointé du doigt le manque d’information disponible dans le fléchage de la Programmation pluriannuelle du l’énergie (PPE). «En Commission nationale du débat public, nous avons délibéré sans que le dossier complet soit à la disposition du publicOn a débattu sur du vide !» Corinne Lepage a montré que les lobbies ne sont pas toujours là où on les attend, avant de charger certains grands corps de l’Etat comme le corps des Mines, «très brillant mais qui occupe tous les postes de hauts fonctionnaires en France avec l’Inspection des finances. Le lobby est parfois au cœur de l’Etat»… Très en verve, elle a aussi dénoncé des formes de «fake news» en remettant en cause des études faites de métadonnées réalisées pour le compte des entreprises par des experts dont les publications ne sont pas corroborées par des scientifiques indépendants. «Il y a quelques jours, un tribunal a ordonné que l’autorité européenne sur la sécurité alimentaire publie ses études. Elles seront enfin vérifiées par des universitaires. Nous allons vers des changements importants», a-t-elle assuré.

1. La France est signataire des conventions d’Espoo et d’Ahrus qui protègent les droits des citoyens à l’information, à la participation, à l’accès au juge et qui recommande de tenir compte de leurs avis.