Contre la précarité dans les campagnes, un camion-épicerie solidaire sur les routes du Lot

Sur une place du village de Limogne-en-Quercy, Audrey Zannetty décharge des sacs de course d'un camion qui sert d'épicerie itinérante: elle sillonne les territoires ruraux du Lot pour livrer des produits à prix...

Didier Le Goff, responsable de l'approvisionnement employé par le Réseau d’entraide et de relations de Terre Rouge (RERTR), vérifie les stocks de l'épicerie solidaire à Cahors, le 27 septembre 2023 © Valentine CHAPUIS
Didier Le Goff, responsable de l'approvisionnement employé par le Réseau d’entraide et de relations de Terre Rouge (RERTR), vérifie les stocks de l'épicerie solidaire à Cahors, le 27 septembre 2023 © Valentine CHAPUIS

Sur une place du village de Limogne-en-Quercy, Audrey Zannetty décharge des sacs de course d'un camion qui sert d'épicerie itinérante: elle sillonne les territoires ruraux du Lot pour livrer des produits à prix réduits à des familles dans le besoin.

"Le plus dur, c'est de les accrocher pour créer un moment de convivialité, la plupart préfèrent ne pas être vus, donc ils prennent juste leurs courses et repartent", raconte-t-elle en sortant une table, des chaises et quelques jus de fruits. 

Lancée en septembre 2022 par le Réseau d’entraide et de relations de Terre Rouge (RERTR), l'épicerie solidaire itinérante dont Audrey Zannetty est la coordinatrice fonctionne comme un drive de supermarché où les produits sont 70 à 90% moins chers.

L'initiative est réservée à des familles en difficulté dont le reste à vivre - ce qu'ils peuvent dépenser pour le quotidien une fois le loyer, les factures et l'essence payés - est compris entre cinq et douze euros par jour et par personne.

Une aide temporaire

"C'est toujours un peu difficile de demander de l'aide", témoigne Manon, gestionnaire comptable de 39 ans qui a demandé - comme toutes les bénéficiaires interrogées - d'utiliser un prénom d'emprunt pour ne pas être reconnue dans son village. 

Mère de deux enfants récemment séparée, elle a été orientée vers l'épicerie solidaire par une assistante sociale après une facture d'électricité imprévue de 900 euros, qu'elle ne pouvait pas payer. 

"Ça met un coup de voir qu'avec une seule facture, même quand on travaille, on peut se retrouver dans cette situation", raconte-t-elle, visiblement mal à l'aise.

Pour Claudine, retraitée de 62 ans, c'est la réparation de sa voiture, indispensable dans un petit village, qui a mis son budget dans le rouge. 

"Je ne m'en sortais pas toute seule", confie-t-elle. "L'inflation n'aide pas, entre l'alimentation et le gazole... Faire le plein est devenu difficile, je dois faire 20 euros par 20 euros".

La hausse des prix de près de 5% sur un an en France, selon les chiffres de l'Insee en septembre, a perturbé le quotidien de nombreuses familles, dans un pays qui comptait déjà plus de neuf millions de ménages pauvres.

Les demandes ont afflué auprès des distributeurs d'aide alimentaire, conduisant des associations au bord de la rupture, comme les Restos du Cœur qui ont sonné l'alarme début septembre.

L'épicerie ne remplace pas l'aide alimentaire: elle propose une aide de quatre mois, renouvelable une fois, à des familles temporairement en difficulté. 

"Tout coûte cher, les gens se restreignent. Certains travaillent 35 heures et n'arrivent même pas à finir le mois (...) Ça rend humble parce qu'on se dit +ça peut m'arriver demain+", souligne Audrey Zannetty.

-"Des clients comme les autres"-

Dans l'entrepôt de l'épicerie, 90% des produits sont achetés grâce à des subventions et aux autres activités de l'association, une blanchisserie et un traiteur en chantier d'insertion. Le reste provient de dons.

L'épicerie itinérante est elle-même un chantier d'insertion: elle fonctionne grâce à quatre salariés, en plus d'Audrey Zannetty, qui sont en recherche d'emploi depuis longtemps et travaillent 24 à 28 heures par semaine en attendant de se former ou de trouver un travail durable.

C'est le cas d'Adeline Fort, 27 ans, à la préparation des commandes: son entrée à l'épicerie l'an dernier lui a permis de reprendre progressivement le travail, après trois ans sans emploi. 

"J'ai déjà été dans le besoin, donc je comprends les bénéficiaires, mais ils restent des clients comme les autres. Pour moi, c'est un peu comme si je travaillais chez Carrefour", sourit-elle.

À la différence d'un supermarché classique, l'épicerie itinérante propose rarement de la viande, du poisson ou des surgelés, chers ou trop difficiles à conserver.

L'association cherche néanmoins à nouer des partenariats avec des producteurs locaux, comme elle l'a fait récemment pour des fruits et légumes, pour "offrir une alimentation la plus équilibrée possible" aux bénéficiaires.

"On est là pour permettre aux gens d'avoir la base, mais on ne veut pas leur donner que des pâtes", souligne Audrey Zannetty. 

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