Consommation, moral, épargne des Européens : l’exception française
Les Européens maintiennent leur consommation malgré les turbulences économiques, privilégiant le plaisir et le confort. La perception qu’ont les Français de la consommation est particulièrement négative. Et ils se distinguent par un moral en berne et une plus grande prudence dans leurs dépenses.

Les Français à contre-courant du reste de l’Europe qui reprend plutôt confiance. C’est l’un des constats de l’édition 2025 de l’Observatoire Cetelem de la Consommation, menée auprès de 10 000 européens, dont 3 000 français, par Harris Interactive, en novembre 2024. Les européens maintiennent leurs dépenses en dépit d’une série de crises ces dernières années. Cette tendance est toutefois soumise à des influences contradictoires, selon l’Observatoire. Les Français se montrent plus attentistes dans leurs intentions d’achats.
En Europe, 73% des ménages estiment que le niveau global de consommation a augmenté ces dix dernières années. Le plaisir et le bien-vivre restent les principaux moteurs de leurs achats. En revanche, 60% ont une vision négative de la consommation pointant du doigt le gaspillage et l’excès. Un autre paradoxe : 90% se disent prêts à réduire leur consommation, mais 60% estiment manquer de moyens pour consommer comme ils l’entendent. Les Français sont les plus enclins à se restreindre dans leurs achats.
Pessimistes Français
En 2025, le moral des Européens se redresse à nouveau. Cette amélioration reste fragile et contraste avec le pessimisme persistant des Français que la situation économique et sociale préoccupe. Interrogés sur la situation générale du pays, ces derniers lui attribuent la note de 4,6 sur dix, la plus basse des 10 pays européens (5,2, en moyenne) et contrairement aux autres avis européens (+0,1 point), en repli par rapport à 2024 (4,9 points). La confiance envers leur situation personnelle se stabilise à 5,9 points. Traditionnellement plus défaitistes que leurs voisins, rappelle l’étude, le contexte politique incertain après la dissolution de l’Assemblée pèse sur le moral des ménages français.
Globalement, le ressenti sur le pouvoir d’achat s’améliore. Plus de la moitié des Européens considèrent qu’il est resté stable ou a augmenté au cours des 12 derniers mois. Cette progression s’explique en partie par l’augmentation des salaires ayant engendré une hausse de 3% du pourvoir d’achat en 2024, mais qui reste toutefois insuffisante pour compenser la perte subie depuis 2021 (-5%), selon l’Observatoire. Ce sujet du pouvoir d’achat préoccupe davantage en France, lanterne rouge avec près de 48% des interrogés constatant une diminution ( bien qu’en recul de 7 points par rapport à 2024). En lien, sur la maîtrise de l’inflation, les Européens restent plutôt circonspects : encore 45% trouvent que les prix ont « nettement augmenté » sur un an, (-14 points, toutefois). Cette perception, en décalage avec la réalité économique, est plus mesurée, en France ( 36%).
Des Européens soucieux de leur sécurité financière
L’épargne demeure une priorité en 2025. Les Européens sont de plus en plus nombreux à vouloir mettre de l’argent de côté (55%, +4 points par rapport à 2024). Si certains pays comme la Roumanie et le Royaume-Uni affichent des intentions d’épargne élevées, la France se situe à un niveau inférieur à la moyenne européenne (43%). Ces comportements de précaution peuvent s’attribuer à la volonté de préserver son budget, en cas de hausses d’impôts potentielles, dans un contexte de déficits publics élevés, analyse l’étude. Le taux d’épargne des ménages n’est pas redescendu depuis 2021 : il s’élevait à 15,7 % du revenu au second trimestre 2024, dans la zone euro. En France, à fin 2024, il progresse de nouveau, flirtant avec les 18%, selon l’Insee.
Dans ce contexte, le choix de consommer interroge. 57 % des Européens et 59 % des Français n’envisageraient pas d’augmenter leurs dépenses. Et la France se démarque des autres pays européens par une image particulièrement négative de la consommation (70 %).
Sont pointés du doigt le gaspillage et la surconsommation illustrant un sentiment de culpabilité. Pour autant, paradoxalement, plus de la moitié (53 %) des Européens se perçoivent comme des consommateurs responsables et avisés, estimant « sagement consommer juste comme il faut, ni trop, ni trop peu » et avec « des choix mûrement réfléchis ».
Pour le plaisir et le confort
À l’échelle européenne, les consommateurs sont principalement motivés par le plaisir (84%) et le confort (83%). S’ils choisissent de dépenser plus, ils devraient continuer à privilégier les voyages et les abonnements aux plateformes de streaming vidéo, selon l’étude. Pour autant, consommation responsable et plaisir coexistent dans leurs démarches (77%). Et, malgré la maîtrise de leurs dépenses, une bonne gestion de leur budget qu’ils revendiquent fièrement, 58% parmi eux estiment manquer de moyens pour consommer comme ils le souhaitent. Des contraintes budgétaires qui engendrent déception et frustration chez 86% d’entre eux, dont 84% de Français.
AÏcha BAGHDAD et B.L