Comment la politique Trumpienne brutalise l'économie

Avec Donald Trump se met en place une politique économique brutale, un « nouveau monde » auquel la France va devoir faire face, sans plus pouvoir recourir à la dette publique, d'après le cabinet Asterès.

Donald Trump. (c) Wikimedia Commons
Donald Trump. (c) Wikimedia Commons

USA trumpiste : objet économique -inquiétant- non identifié... Le 11 mars, à Paris, lors d'une conférence de presse sur « les droits de douane américains et la conjoncture économique française », Sylvain Bersinger, chef économiste au cabinet Asterès s'est livré à un décryptage des premiers pas économiques du nouveau président des États-Unis, et de ses potentiels impacts. « Nous rentrons dans un monde nouveau. (…) Il n'y a pas d'exemple de grand pays capitaliste, membre du G7 qui mette en place une politique économique aussi erratique, brutale, incohérente », prévient Sylvain Bersinger, soulignant aussi le caractère contradictoire et mouvant des décisions de Donald Trump. Concernant les droits de douane, « toutes les 48 heures, cela change. On n'arrive pas à savoir où est le niveau », souligne l’économiste évoquant l'interview « lunaire » du ministre américain du commerce extérieur, incapable de répondre précisément sur ce sujet.

D'autres sujets n'ont pour l'instant été qu'effleurés par la présidence Trump, mais avec des conséquences potentiellement très préoccupantes. Comme une éventuelle dérégulation financière (réalisée à la façon Elon Musk). Ou la gestion trumpienne de la dette publique américaine, « véritable bombe atomique financière », prévient Sylvain Bersinger. Le président américain a évoqué la possibilité de la transformer en dette à 100 ans : « violation de contrat unilatérale », « défaut souverain de la première puissance économique du monde », commente Sylvain Bersinger. Autre « rupture majeure » qui menace : la potentielle perte de crédibilité de la statistique économique américaine. Déjà, l'administration Trump a évoqué l'idée de faire évoluer le calcul du PIB pour en évacuer l'effet récessif sur la croissance lié aux coupes budgétaires opérées par Elon Musk.« Quand l'inflation va augmenter, que va-t-il se passer ? Trump va-t-il dire que les statisticiens sont des communistes corrompus qui calculent mal l'inflation ? », pointe Sylvain Bersinger. Le danger ? Une crise « comme on en voit dans les pays de développement », avec des investisseurs étrangers inquiets qui se retirent, provoquant crise du dollar et récession (qui se propagerait au reste du monde). Hypothèse surréaliste ? Cela dépendra de ce que Donald Trump mettra effectivement en œuvre et de l'efficacité d'éventuels contre pouvoirs. Toutefois, conclut Sylvain Bersinger,« on ne peut plus se dire que cela ne se produira pas, que c'est illusoire »

Le monde de la guerre - commerciale

Une chose est déjà certaine, ce « monde nouveau » est celui de la guerre commerciale dont Donald Trump est l'un des principaux artisans. En la matière, la position du président américain est nette, notamment vis-à-vis de la Chine, elle-même « très agressive à l'export, en raison de la faiblesse de son marché intérieur », précise l’économiste. La dynamique comporte des conséquences pour les autres zones vers lesquelles la Chine exporte, dont l'Europe. Quant aux annonces trumpiennes concernant les droits de douane pour le Vieux continent, elles sont attendues pour avril. A ce sujet, « Il faut conserver à l'esprit les effets des droits de douane sur les taux de change », pointe Sylvain Bersinger. Le dollar devrait s'apprécier et les produits exportés par les USA perdre en compétitivité, ce qui devrait engendrer une évolution de la composition des échanges. Les cosmétiques, pour qui les États-Unis représentent un important débouché pourraient voir leurs ventes outre-Atlantique baisser ; les touristes américains en France devenir plus nombreux.

Dans un contexte compliqué, la politique trumpienne n'en constitue pas moins un choc de plus à absorber pour une économie française fragile. En 2025, sa croissance devrait poursuivre sa trajectoire « molle » pour plafonner à 1%, selon le cabinet Asterès ( sauf choc imprévu). Bonne nouvelle, l'inflation est revenue à un niveau « souhaitable ». En revanche, l'état des finances publiques inquiète Sylvain Bersinger : « depuis 40 ans, dès qu'il y a un problème, on fait quelques milliards ou quelques dizaines de milliards d'endettement public. Je pense que nous arrivons à la fin de cela » . Les investisseurs sont devenus méfiants : le spread de taux qui mesure le différenciel de confiance des marchés financiers entre France et Allemagne, évolue désormais à des niveaux élevés. Et l'argent est devenu cher. En mars, les taux d'emprunt des états européens se sont envolés, suite à l’annonce du désengagement militaire américain en Ukraine et à celle du plan de relance allemand. « Si nous voulons réarmer, il ne sera plus possible de faire de la dette publique. Il faudra trouver d'autres solutions », résume Sylvain Bersinger. Selon l'économiste, un effort serait économiquement possible. Le véritable défi serait politique. Il serait la conséquence – au moins pour partie- de la politique trumpienne...