Comment concilier rentabilité et humanisme ?
Le Centre des Jeunes Dirigeants de la Côte d'Opale, emmené par leur présidente Laetitia Cointement, a réussi à mobiliser 1 500 personnes lors de «La Nuit des possibles», le 25 mai à Calais. Entrepreneurs, associatifs, agents territoriaux, particuliers sont venus écouter à Calypso l'ambassadeur de la sobriété heureuse et du mouvement Colibris, Pierre Rabhi. Un challenge réussi dans un contexte de profonde mutation économique et sociétale où la quête de sens flirte avec la course au profit et le tout-connecté.
«Une Nuit pour éveiller les consciences, agir et faire agir», tel était le leitmotiv de cet événement qui a mis en scène trois personnalités au destin singulier : Pierre Rabhi, écrivain, l’un des pionniers de l’agriculture écologique qui en appelle à l’insurrection des consciences pour fédérer ce que l’humanité a de meilleur ; Guibert Del Marmol, entrepreneur, conférencier en matière d’économie positive, un modèle qui unit économie, écologie et sens ; et Iker Aguirre, entrepreneur, conférencier, qui mêle l’éveil du potentiel individuel et l’entreprise libérée. Tous trois ont vécu un drame ou un burn out qui les a fait se questionner sur le sens de leur vie professionnelle et personnelle.
A l’issue de cette remise en question, ils ont gardé leur statut d’entrepreneur, le dotant d’un nouveau postulat : la sobriété pour Pierre Rabhi, l’usage éclairé de l’intelligence collective pour Guibert Del Marmol et une économie au service de l’homme pour Iker Aguirre. «L’entreprise a une responsabilité sociétale. Si elle n’y va pas, c’est foutu», a insisté Guibert Del Marmol, citant le concept de l’économie régénératrice, bio-inspirée, qui permet d’impliquer et faire profiter davantage les citoyens des plus-values économiques et surtout de ne pas compromettre l’avenir des générations futures, avec notamment l’augmentation exponentielle de production de déchets. «Un projet d’entreprise innovant est une entreprise agile, souple, basée sur un modèle collaboratif. Nous devons être dotés d’une intelligence du cœur et de l’esprit.»
Vers une sobriété heureuse
Pour Pierre Rabhi, né en 1938 dans le Sahara algérien et projeté fin des années 50 ouvrier spécialisé à Paris, l’interrogation sur sa double culture fut déterminante. «Je travaillais dans une ville, dans cette complexe société urbaine, où les individus étaient subordonnés au service d’une logique de l’argent. J’avais l’impression de vies gâchées. On vous donne un salaire, vous donnez votre vie.» En 1961, il quitte Paris pour les Cévennes, et s’installe avec son épouse dans une ferme où il scellera son destin. Dès lors il n’aura de cesse de défendre un mode de société plus respectueux des hommes et de la terre, et d’inaugurer une nouvelle éthique de vie vers une sobriété heureuse. «J’ai toujours fait la différence entre la fonction de l’humain et l’humain lui-même, dit-il. Nous devons reconnaître la valeur de chaque être humain et mettre du bonheur dans l’entreprise. L’entreprise doit s’ajuster aujourd’hui pour aboutir à cette joie de vivre.» Ou comment passer de l’idée du coût du travail à l’idée du travail facteur de santé, créateur de valeurs dans l’entreprise.
Le CJD, le plus ancien mouvement patronal français, né la même année que Pierre Rabhi, défend une économie mise au service de l’homme depuis 80 ans. Le mouvement diffuse auprès de ses adhérents des outils pour se former, échanger et expérimenter, axés sur quatre valeurs que sont la responsabilité, la solidarité, la loyauté et le respect. «En tant que chefs d’entreprise, nous devons faire notre part. Toute transformation est possible si elle émane de l’intérieur», souligne la présidente.
Le Village des bonnes initiatives
En marge des conférences se tenait le >Village des bonnes initiatives, qui a rassemblé une vingtaine d’exposants issus pour la plupart de la Côte d’Opale. L’occasion pour le public de découvrir des initiatives qui font bouger les lignes dans le domaine de l’écologie solidaire, la citoyenneté, l’insertion, la santé et le bien-être. De la Maison des énergies renouvelables à Fauquembergues aux Ateliers de la citoyenneté à Calais, en passant par Ethic étapes – qui regroupe en France des établissements à l’image des auberges de jeunesse soucieuses du respect des normes environnementales – jusqu’à la Ferme du Bout du Breuil à Hermelinghen, inscrite dans une démarche de conversion bio – qui a su passer en deux ans d’un simple élevage laitier à une diversification incluant du maraîchage, la vente de bœufs, veaux, porcs, et un point vente à la ferme –, toutes ces initiatives prouvent l’éveil des consciences.