Climat maussade pour le recyclage

Le secteur du recyclage a connu une baisse légère de son activité et de son chiffre d'affaires en 2023, mais l'année suivante pourrait être beaucoup plus inquiétante, selon Federec. La fédération professionnelle des entreprises du recyclage met en cause l'impact de l'organisation des REP, filières à responsabilité élargie du producteur, sur son activité.

(c) Adobe Stock
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2023 ? une année « correcte », selon François Excoffier, président de Federec, Fédération professionnelle des entreprises du recyclage. Le 10 octobre, à Paris, il présentation à la presse le bilan de l'année 2023 pour les 12 filières qui composent l'écosystème du recyclage (métaux ferreux et non ferreux, bois, verre...). « En 2023, les entreprises du secteur du recyclage ont su maintenir un haut niveau d'activité en dépit des chocs successifs », a estimé Manuel Burnand, directeur général de Federec. Depuis trois ans, en effet, les crises internationales ont redessiné les routes, chamboulé les cours des matériaux, ainsi que la demande. En 2023, les entreprises du secteur ont produit près de 39 millions de tonnes de matières premières issues du recyclage, en baisse de 3% environ par rapport à l'année précédente. Le chiffre d'affaires aussi a connu une légère baisse « liée au ralentissement économique », selon Manuel Burnand. Il a atteint 11,03 milliards d'euros, soit 4,9% de moins qu'en 2022 (11,6 milliards).

Les disparités entre les filières sont importantes. Certaines ont subi des baisses brutales en raison de la chute des cours de ces matériaux. C'est le cas de la filière plastique dont le chiffre d'affaires a baissé de 55% pour s'établir autour de 175 millions d'euros en 2023, et également de la filière papier-carton, dont le chiffre d'affaires est passé de 962 millions d'euros en 2022 à 550 millions d'euros l'an dernier (-43 %). L'évolution est beaucoup moins brutale pour les métaux ferreux, l'une des filières les plus importantes : son chiffre d'affaires s'est établi à 2,1 milliards d'euros en 2023 (- 3%). La collecte a baissé de 4% avec 11,13 millions de tonnes collectées. Et les ventes ont suivi la même évolution pour s'établir à 10,50 millions de tonnes . En cause, selon Federec, le recul du marché domestique lié à la morosité économique générale et celui du marché de l'immobilier en particulier, ainsi que la concurrence chinoise à bas coûts sur l'acier.

A contrario, d'autres filières ont connu une année faste. C'est en particulier le cas de celle des métaux non ferreux (aluminium, cuivre, zinc...), avec un chiffre d'affaires qui a augmenté de 7% pour atteindre 4,28 milliards d'euros. La raison ? « Une augmentation des volumes collectés et les performances du coût des matières premières », explique Thierry Cochet, président de Federec métaux non ferreux. En 2023, la collecte a atteint 1,780 million de tonnes, soit 2,4% de plus qu'en 2022, signe d'une stabilisation après des années turbulentes. Pour l'essentiel, ils provenaient de déchets d'usine, des particuliers et artisans.

Par matière, l'aluminium demeure la catégorie la plus vendue ( 30%) en forte croissance, suivie de l'inox et du cuivre. Ces matériaux sont très demandés pour les applications dans le domaine de l'électricité et de l'informatique. A l'inverse, la demande de plomb et batteries a baissé de 10%.

Préoccupations pour l'avenir

Selon Federec, d'autres paramètres que ceux économiques ont impacté l'activité des filières du recyclage. En cause : le fonctionnement jugé chaotique des REP, filières à responsabilité élargie du producteur, qui imposent à ces derniers de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets issus des produits qu’ils mettent sur le marché. Le BTP, par exemple a vu sa collecte baisser de 20 000 tonnes par rapport à l'année précédente pour atteindre 14,8 millions de tonnes, alors que le gisement de déchets est estimé à 42 millions de tonnes.

En fait, « l'année 2023 a surtout été marquée par le démarrage de la REP PMCB » [produits et matériaux de construction du bâtiment], avec quatre éco-organismes agréés, selon Federec. La fédération dénonce des « difficultés de déploiement » et un « retard dans le développement du maillage territorial des points de reprises ».

La déconstruction automobile – aussi touchée par la baisse tendancielle des immatriculations - constitue une autre activité impactée par le fonctionnement des REP, selon Federec. La profession s'inquiète de la publication des textes réglementaires sur la REP VHU ( véhicules hors d'usage). Jean-Pierre Labonne, responsable de la filière déconstruction automobile, qualifie le système d'« aberration ». « La signature ‘précipitée’ de contrats avec les éco-organismes et les systèmes individuels risque de placer les centres VHU sous le contrôle accru des constructeurs automobiles », redoute-t-il.

De manière générale, sur le sujet des REP, Federec demande « une pause », explique Manuel Burnand, évoquant le rapport « Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) », remis en juillet dernier (à la demande d’Élisabeth Borne, alors Première ministre). Ce dernier pointe des performances insuffisantes des REP, un pilotage qui présente « des défaillances » …

Outre les dysfonctionnements des REP, Federec alerte sur les contraintes que fait peser un cadre réglementaire et législatif qui se complexifie sur son activité ( lois Agec, Climat et résilience, Industrie verte... ). En 2023, les entreprises du recyclage ont maintenu leurs effectifs ( + 0,3%) par rapport à l'année précédente, atteignant 34 500 emplois. « Nos entreprises sont garantes d’emplois locaux non délocalisables, et malgré la crise, nous continuons à nous développer », a souligné Serge Ponton, président de la Commission sociale et de la formation de Federec. Les entreprises ont en effet également fortement accru leurs investissements ( + 12%) qui ont atteint 734 millions d'euros. Toutefois, l'équilibre est fragile. « Pour 2024, nous voyons les choses de manière beaucoup plus sombre », a prévenu François Excoffier.