Climat : accusé d'inaction, Shell à nouveau devant la justice néerlandaise

Le géant pétrolier Shell a affronté mardi devant une cour d'appel aux Pays-Bas sept ONG néerlandaises de défense de l'environnement qui l'accusent de ne pas avoir mis en œuvre un jugement de 2021 lui ordonnant de réduire ses...

Logo de Shell, le 31 janvier 2023 à Gateshead, en Angleterre © Paul ELLIS
Logo de Shell, le 31 janvier 2023 à Gateshead, en Angleterre © Paul ELLIS

Le géant pétrolier Shell a affronté mardi devant une cour d'appel aux Pays-Bas sept ONG néerlandaises de défense de l'environnement qui l'accusent de ne pas avoir mis en œuvre un jugement de 2021 lui ordonnant de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. 

Un tribunal de La Haye avait enjoint à ce groupe anglo-néerlandais de réduire ses émissions nettes de CO2 d'au moins 45% d'ici à la fin 2030 par rapport à 2019, estimant qu'elles contribuaient au réchauffement climatique et à ses conséquences désastreuses.

Le jugement avait été qualifié d'historique par les militants de la cause environnementale, selon lesquels aucune autre multinationale n'avait alors été contrainte par la justice de s'aligner sur l'accord de Paris de 2015 sur le climat.

Shell avait interjeté appel de la décision, considérant qu'il n'y avait pas de base légale pour les revendications d'ONG et que ce processus relevait d'une décision politique au niveau gouvernemental. 

"Un juge civil n'est tout simplement pas habilité à rendre des décisions dans une affaire civile qui a des implications nationales et politiques", a déclaré aux juges l'avocat de Shell, Daan Lunsingh Scheurleer.

Une nouvelle étude "révèle que Shell continuera à investir des milliards de dollars dans des projets pétroliers et gaziers (nouveaux) pendant les prochaines décennies", a pour sa part accusé Milieudefensie, l'organisation à l'origine de l'affaire.

"De plus, Shell a annoncé son intention de réduire ses ambitions en matière de climat, choisissant volontairement d'ignorer son rôle dans la lutte contre la crise climatique", a dénoncé cette ONG avant le procès en appel, qui doit durer quatre jours.

L'étude en question - réalisée par Milieudefensie et le groupe de recherche sur les énergies fossiles Oil Change International - relève que Shell a en outre pris la décision finale d'approuver vingt grands projets pétroliers et gaziers, "dont six rien qu'en 2023".

"Le tribunal est désormais véritablement le dernier bastion dans la défense de ce qui mine une civilisation des droits de l'homme et un environnement vivable", a déclaré l'avocat de Milieudefensie, Roger Cox, au cours des audiences.

"Sans le verdict, Shell poussera le monde de plus en plus vers une catastrophe climatique", a-t-il ajouté.

Inefficace

La procédure judiciaire, ouverte sous le nom "le peuple contre Shell", avait été entamée en avril 2019 par plusieurs ONG, dont la branche néerlandaise des Amis de la Terre Milieudefensie et Greenpeace. Plus de 17.000 citoyens néerlandais s'étaient également constitués partie civile.

Shell nie avoir ignoré la décision du tribunal de 2021. Outre le fait qu'elle a jusqu'en 2030 pour la mettre en œuvre, cette compagnie fait valoir qu'elle compte investir "de 10 à 15 milliards de dollars entre 2023 et 2025 dans des solutions énergétiques à faibles émissions de carbone", soit 23% de ses dépenses en capital.

Le géant pétrolier estime que le jugement de 2021 est "inefficace et même contre-productif dans la lutte contre le changement climatique".

"Nous pensons nous aussi qu'il est urgent d'agir pour stopper le changement climatique", a ajouté au début de l'audience Frans Everts, le directeur général de Shell Pays-Bas.

"Mais ce procès n'est pas le moyen d'atteindre cet objectif" car "une décision contre une entreprise individuelle n'est tout simplement pas efficace si le problème continue d'exister", a-t-il poursuivi.

"Si ce jugement est confirmé, il aura des conséquences considérables sur les entreprises néerlandaises, l'emploi et le climat de l'investissement aux Pays-Bas", a mis en garde le groupe, dont le siège est désormais à Londres. 

Les accords de Paris de 2015 engagent toutes les nations à réduire considérablement leurs émissions de carbone pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C au-dessus des niveaux préindustriels et les encouragent à descendre à 1,5°C.

La décision des juges est attendue pour dans les trois prochains mois. 

"Nous sommes très confiants. Nous travaillons depuis plus de deux ans pour arriver à ce moment", a déclaré Donald Pols, qui dirige Milieudefensie. 

Depuis 2021, "la qualité de la science du climat n’a fait que s’améliorer. Et la base juridique du procès n’a fait qu’augmenter", a-t-il commenté auprès de l'AFP à l'extérieur du palais de justice de La Haye, où les audiences se poursuivront pendant quatre jours.

"Et peut-être plus important encore, et les juges le verront, le changement climatique a lieu au moment même où nous parlons", tuant des dizaines de milliers de personnes chaque année, a ajouté M. Pols. 

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