Citgo, le plus grand actif vénézuelien à l'étranger à la croisée des chemins

Plus grand actif du Venezuela à l'étranger, Citgo, filiale américaine du géant pétrolier public PDVSA, est à la croisée des chemins empêtré dans des dettes colossales mais aussi dans...

Une raffinerie de Citgo à Lemont, aux Etats-Unis © SCOTT OLSON
Une raffinerie de Citgo à Lemont, aux Etats-Unis © SCOTT OLSON

Plus grand actif du Venezuela à l'étranger, Citgo, filiale américaine du géant pétrolier public PDVSA, est à la croisée des chemins empêtré dans des dettes colossales mais aussi dans l'imbroglio politique entre Caracas et Washington.

Les Etats-Unis, qui cherchent à évincer le président Nicolas Maduro du pouvoir depuis sa réélection en 2018 lors d'un scrutin boycotté par l'opposition, ont imposé des sanctions au Venezuela visant particulièrement le secteur pétrolier, fragilisant Citgo dont la valeur était estimée à près de 5 milliards de dollars en 2019 mais vaudrait beaucoup plus.

Ses dettes, mais aussi et surtout celles de sa maison mère PDVSA et du Venezuela aux Etats-Unis, sont aujourd'hui supérieures à sa valeur. Les créanciers américains font pression et ont saisi la justice pour vendre la compagnie et récupérer leurs fonds.

L'entreprise dont le siège est à Houston commercialise quelque 800.000 barils par jour de carburants et de produits pour plus de 40 pays.

Renégocier la dette

La liste des créanciers s'allonge et les litiges des diverses procédures aux Etats-Unis dépasseraient les 20 milliards de dollars, selon la société de conseil EMFI Securities, basée à Londres.

Ce chiffre inclut les dettes "directes" de Citgo mais surtout des obligations PDVSA émises par l'administration Maduro en 2020 avec 50,1% d'actions Citgo en garantie, et des litiges concernant l'expropriation d'actifs pétroliers et miniers au Venezuela par l'Etat.

En 2019, avec les sanctions américaines et le gel d'avoirs à l'étranger Citgo échappe au pouvoir vénézuélien et est placé sous le contrôle de l'opposition reconnue comme pouvoir "intérimaire" par Washington, qui refuse d’entériner la réélection de Maduro. 

"Ce n'est pas que Citgo risquait d'être perdu, Il l'était déjà", souligne le président de Citgo, Horacio Medina, qui espère toujours. 

Selon lui, Citgo, qui connaissait déjà des turbulences avant la crise, a la capacité de renégocier quelque 11 milliards de dollars des montants réclamés. "Citgo valait (en 2019) 4,5 milliards de dollars et sa dette était de 4,8 milliards de dollars", a déclaré à l'AFP M. Medina.

Protégée ou pas ?

Depuis le contrôle par l'opposition, le Trésor américain, sur ordre de la présidence, avait pris des mesures de "protection" qui ont bloqué pendant des mois l'exécution des décisions de justice à l'encontre de l'entreprise.

Aujourd'hui, avec une valeur de quelque 10 milliards de dollars selon Medina, Citgo est dans une meilleure position. Porté par un raffinage dopé par la hausse des prix des carburants avec la crise ukrainienne, il a annoncé des bénéfices de 2,8 milliards de dollars en 2022 et de 937 millions de dollars au premier trimestre 2023. L'entreprise pourrait finir de payer ses dettes propres en septembre, selon M. Medina. 

Mais l'avenir reste incertain : le juge fédéral Leonard Stark a approuvé l'année dernière des mesures visant à vendre les actions de PDV Holding - la société mère de Citgo - à titre de compensation à la société canadienne Crystallex pour l'expropriation d'une mine au Venezuela en 2011.

L'entreprise américaine ConocoPhillips attend également une compensation pour des expropriations survenues en 2007.

Les entreprises, même publiques, sont normalement considérées comme des entités distinctes de l'Etat, mais le juge Stark a validé un des arguments des créanciers : Citgo est une émanation du gouvernement vénézuélien, donc un actif disponible pour payer les engagements de PDVSA et du Venezuela.

Maduro, qui garde le contrôle de PDVSA  (mais le conseil ad hoc dirigé par Medina gère Citgo) dénonce un "vol" et un "pillage".  

La menace d'une vente plane : le 1er mai, l'administration de Joe Biden a annoncé qu'elle ne prendrait plus "aucune mesure" pour protéger Citgo ou bloquer sa vente.

Vente

"Je ne dirai pas que c'est impossible (d'éviter la vente), mais c'est peu probable", déclare Pilar Navarro, économiste chez EMFI Securities. "La situation devient de plus en plus compliquée. Le processus de liquidation avance".

L'opposition comme le pouvoir vénézuélien demande que Citgo soit inclus dans les négociations lancées en 2021 entre M. Maduro et l'opposition, mais les pourparlers sont au point mort depuis des mois. 

Seul espoir : Washington s'est dit prêt à lever partiellement les sanctions contre des avancées démocratiques en vue de la présidentielle 2024. 

Un assouplissement des sanctions permettrait d'exporter du brut vénézuélien aux Etats-Unis. "Une partie" des revenus générés pourrait être consacrée à payer la dette vénézuélienne aux USA.

Une solution qui aurait l'avantage de satisfaire tout le monde, les créanciers comme le Venezuela, souligne M. Medina. 

Cependant, il reconnaît que la vente sera inévitable si les plaintes s'appuyant sur la décision du juge Stark continuent d'affluer : "Nous ne pouvons pas résoudre tous les cas (...) Il n'est pas possible pour Citgo de répondre de PDVSA et de la République" vénézuélienne.

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