Charles Cunat, président du tribunal de commerce de Nancy : «Les chefs d’entreprise doivent anticiper leurs difficultés»

«Les entrepreneurs doivent pousser la porte du tribunal et plus particulièrement celle de notre unité de prévention», assure Charles Cunat, le président du tribunal de commerce de Nancy.
«Les entrepreneurs doivent pousser la porte du tribunal et plus particulièrement celle de notre unité de prévention», assure Charles Cunat, le président du tribunal de commerce de Nancy.

La vague de défaillances d’entreprises n’est qu’une question de temps reste à savoir son ampleur ?  Le choc peut être amorti si les entrepreneurs poussent la porte des tribunaux de commerce et utilisent les procédures préventives de mandat ad hoc et de conciliation. Un message martelé aujourd’hui par Charles Cunat, le président du tribunal de commerce de Nancy.

Les Tablettes Lorraines : Comment se caractérise aujourd’hui l’activité de la justice commerciale nancéienne et comment appréhendez-vous la situation ?

Charles Cunat : Par rapport à l’année dernière, nous avons à peine 50 % d’ouvertures de procédures collectives. C’est un indicateur à prendre en considération. Aujourd’hui les entreprises sont encore sous perfusion grâce aux différents dispositifs d’aide et d’accompagnement mis en œuvre par l’État mais il est certain que cela ne va pas durer éternellement. Les entreprises en procédures collectives que nous n’avons pas aujourd’hui, nous les retrouverons indéniablement prochainement en plus de celles qui s’additionneront du fait des difficultés.

Quand pensez-vous que cette «vague» de défaillances d’entreprises va arriver ?

Dès la fin de cette année, nous devrions enregistrer les premières entreprises en difficulté car le gel des loyers sera terminé et il faudra bien de nouveau les payer. En début d’année prochaine, les entrepreneurs vont être confrontés au paiement des cotisations des caisses sociales. Depuis le début de la crise, les Urssaf ont différé automatiquement les cotisations, il fallait que l’entrepreneur fasse la demande pour les payer. À l’heure actuelle, nous n’avons aucune assignation de la part des Urssaf. Le plus gros des difficultés devraient arriver au premier trimestre 2021 avec le remboursement des PGE (Prêt garanti par l’État).

Est-il possible et envisageable d’amoindrir l’impact assuré de la crise actuelle ?

C’est possible mais il faut que les chefs d’entreprise agissent dès maintenant en anticipant les difficultés. Il faut arrêter qu’ils pensent que cela ira mieux demain, à trop attendre il creuse encore plus le trou des problèmes.

Comment peuvent-ils anticiper ?

En poussant la porte du tribunal et plus particulièrement notre unité de prévention (le terme exact est cellule de prévention mais Charles Cunat préfère celui d’unité beaucoup moins austère et judiciaire : ndlr). La prévention est depuis longtemps dans l’ADN des juges consulaires du tribunal de commerce. Les juges consulaires bénévoles sont tous des chefs d’entreprise et, malgré l’image érodée qui est parfois véhiculée, nous n’apprécions pas de fermer des entreprises. Nous sommes là pour tout mettre en œuvre pour que l’activité économique de notre territoire et des entreprises se poursuivent au mieux.

Quels sont les leviers que le chef d’entreprise peut aujourd’hui actionner ?

Le Code de commerce est bien fait, il existe des procédures préventives permettant de trouver des solutions et éviter des redressements ou des liquidations judiciaires : le mandat ad hoc et la conciliation. Ces procédures sont à la disposition des entreprises connaissant des difficultés de nature à compromettre la continuité de leur activité. Ces procédures amiables permettent de trouver des accords avec des créanciers sous l’égide d’un professionnel indépendant et impartial, le mandataire ad hoc ou le conciliateur, désigné par le tribunal de commerce. Ces procédures sont entièrement confidentielles. Les procédures préventives sont encore trop peu utilisées même en temps normal. Aujourd’hui avec la situation que nous connaissons, elles se doivent d’être utilisées histoire d’éviter le pire.

Congrès national à Paris et non à Nancy

Annoncé pour la fin de l’année à Nancy, le Congrès national des tribunaux de commerce se tiendra tout compte fait le 26 novembre à Paris. «Il était prévu que les juges du tribunal de commerce de Nancy nous accueillent cette année mais les circonstances nous ont obligés à modifier ce projet. Le conseil d’administration de la conférence a décidé de reporter à l’an prochain le déplacement dans la capitale des ducs de Lorraine mais de maintenir cependant notre congrès qui aura donc lieu, à Paris, le 26 novembre», assure sur le site web du congrès (https://www.congresnationaltc-2020.com/) Georges Richelme, le président de la Conférence générale des juges consulaires de France. À l’année prochaine !