Ces territoires qui s'engagent pour le commerce équitable
Région Occitanie, Saverne… Des collectivités locales de taille très diverse s’engagent à promouvoir le développement du commerce équitable. Depuis le vote de la loi Hamon, en 2014, la démarche permet de marier exigences éthiques, écologiques et développement économique local. Témoignages.
Idéal altermondialiste réservé à une poignée de militants ? Pas vraiment… Aujourd’hui, le commerce équitable s’intègre dans les politiques publiques de certaines collectivités locales qui travaillent à en faire un axe structurant. En effet, cette démarche, qui vise à veiller à la juste rétribution des producteurs, porte des préoccupations éthiques, sociales et environnementales toujours plus d’actualité. D’autant que depuis la loi Hamon de 2014, le commerce équitable ne concerne plus seulement les échanges Nord-Sud, mais inclut aussi ceux locaux.
Le 13 novembre, plusieurs représentants de villes et métropoles en témoignaient, lors d’un webinaire intitulé « Des territoires s’engagent pour le commerce équitable, on vous dit tout ! » dans le cadre de la 4ème édition des Rencontres nationales des territoires de commerce équitable. Ces dernières étaient organisées par quatre acteurs du secteur, Commerce équitable France, FAIR(e), Max Havelaar France et Artisans du Monde. « Nous nous inscrivons dans cette double orientation », locale et internationale, explique Florentin Letissier, adjoint à la Maire de Paris en charge de l’économie sociale et solidaire (ESS), de l’économie circulaire et de la contribution à la stratégie zéro déchet. Pour lui, la crise actuelle, née d’une mondialisation dérégulée, illustre la nécessité « de porter un discours sur une mondialisation équitable ». Même position pour la métropole nantaise. «Nous voulons avoir un rôle dans la réduction des inégalités internationales (…). Cela représente aussi une opportunité de développement économique » pour certains acteurs du territoire, déclare Marie Vitoux, conseillère municipale de Nantes, déléguée à l’ESS et la mixité diversité dans l’emploi et élue métropolitaine. La démarche du commerce équitable s’inscrit « en lien avec nos objectifs de penser l’économie de façon plus globale », en alliant responsabilité sociale et efficacité écologique, précise pour sa part Marion Canalès, conseillère métropolitaine déléguée à l’ESS, au budget, au contrôle de gestion et à la mutualisation de Clermont Auvergne Métropole.
Marchés publics et soutien à l’indispensable réseau associatif
Pour favoriser le développement du commerce équitable sur leur territoire, les collectivités mettent en œuvre plusieurs types de mesures. Au premier rang, la commande publique constitue « un levier considérable », commente Marie Vitoux. Ainsi, à Nantes et Paris, par exemple, des agents de la ville sont équipés avec des vêtements issus du commerce équitable. Autre volet important de cette politique, « la mise en place d’une politique de soutien aux structures associatives », poursuit-t-elle. Parmi elles, par exemple, Napce- Nordsud Agir Pour le Commerce Équitable. En Alsace, à Saverne (12 000 habitants), la mairie soutien le réseau des boutiques Artisans du Monde. Ce dernier est également aidé par la mairie de Paris, qui lui facilite, notamment, l’accès à des locaux, un véritable casse-tête dans la Capitale. Plus globalement, la municipalité a mis sur pied le dispositif « acteurs du Paris durable », destiné à mettre en réseau associations, habitants, entreprises. Un site Internet leur permet d’échanger et apporte de la visibilité aux événements, via un agenda qui les recense.
Cette démarche d’animation des acteurs du territoire impliqués dans le commerce équitable est aussi adoptée par d’autres villes, comme Nantes. Car la mobilisation du réseau associatif s’avère indispensable, par exemple pour faire connaître et sensibiliser les habitants à ces enjeux, autre volet d’action essentiel. Les associations participent, par exemple, à l’organisation d’événements publics. Comme à Saverne, où se tient chaque année la « quinzaine du commerce équitable », ainsi que le salon de la consommation responsable. C’est aussi le cas à Nantes, avec, depuis une dizaine d’années, la tenue de « L’autre marché », un marché de Noël équitable, bio et circuit court. « Cette manifestation connaît un grand succès depuis dix ans », témoigne Marie Vitoux.
Structurer la démarche
Tous les intervenants soulignent l’importance et la nécessité de structurer leurs démarches. Ils s’appuient par exemple sur la création de délégations dédiées pour les élus, ou l’adoption de schémas de promotion des achats responsables. Mais également, sur l’obtention du label TDCE « Territoire de commerce équitable », porté par les organisateurs de la conférence. Créé en 2000 par les anglo-saxons, le label s’est implanté neuf ans plus tard en France.Trente-et-une collectivités l’ont obtenu, dont le département d’Ille-et-Vilaine, la région Occitanie, et les collectivités qui témoignent dans le cadre du webinaire. Le label constitue un puissant « outil de structuration », confirme Marie Vitoux. Pour l’obtenir, les collectivités doivent mettre sur pied une équipe mixte, avec des acteurs du territoire, et travailler ensemble à bâtir un plan d’action. Dans la métropole clermontoise, par exemple, la démarche est portée par un « collectif hybride qui compte une vingtaine d’acteurs », témoigne Marion Canalès. Parmi eux, des acteurs de l’ESS, de l’écologie, de la métropole… et même l’université, qui comprend un Master consacré au commerce équitable.
Tous mettent en avant l’importance d’une démarche partagée : « Ce qui a permis de faire aboutir ces actions, c’est le dialogue constant entre élus, associations, services de la ville et de la métropole », témoigne Marie Vitoux. « La collectivité n’a pas vocation à tout porter. Nous voulons soutenir les associations citoyennes qui jouent un rôle majeur », souligne Xavier Schramm, chargé de mission développement durable et équitable à Saverne. Mais pour lui, cela ne suffit pas. Pour l’avenir, il entend se tourner vers d’autres acteurs de la société, et notamment, « le monde de l’entreprise ». D’autres villes vont dans ce sens : « A Paris, pour la nouvelle mandature, nous allons développer des filières alimentaires, mode, dans le cadre de l’économie circulaire, en développant l’aspect local du commerce équitable », explique Florentin Letissier.
Le commerce équitable, une goutte d’eau
En France, le commerce équitable représente 1,276 milliard d’euros en 2019, selon le collectif Commerce Equitable France. Les filières internationales pèsent pour 66% de ce montant, celles françaises, 34%.
Anne DAUBREE