Ces nouveaux risques qui pèsent sur les entreprises en 2024
Pertes d'exploitation liées à la crise sanitaire ou aux mouvements populaires, cyber attaques, risques liés à la réglementation, aux catastrophes naturelles… Les PME sont exposées à des menaces multiples et variées. C’est ce qu’ont mis en avant les experts réunis pour la table ronde organisée par l’AJPME, association de journalistes PME, « PME : quels (nouveaux) risques et quelle assurance aujourd’hui ? ».
« L’assurance est un sujet clé pour la protection et la survie de l’entreprise », assure Mathieu Montassier, directeur de Verlingue Connect, courtier en assurances spécialisé dans la protection des entreprises et PME. Objectif : que le chef d’entreprise, qui a « des montagnes et des montagnes de sujets à traiter », soit « le plus serein possible », l’assurance pouvant parfois faire partie « des sujets qui l’empêchent de dormir », indique-t-il.
Jean-Noël Gaine, qui a fondé en 2020 CréaWatt Group, une entreprise d’une centaine de salariés basée à Montargis (Loiret) qui conceptualise et fabrique des panneaux solaires innovants, fait partie de ces dirigeants qui ont dû souffrir d’insomnies à cause de ces questions d’assurance. Pendant trois ans, il a couru après. Heureusement, après en avoir contacté 27, l’une d’entre elles lui a répondu positivement. En décembre dernier, le chef d’entreprise a signé avec Generali. Outre le fait que ce soit « le rôle des institutionnels d’accompagner la transition énergétique », revendique Régis Lemarchand, membre du ComEx en charge du marché des entreprises chez Generali, « techniquement le projet de l’entreprise est extrêmement bien monté et économiquement viable. C’est un gage de sérieux qui permet de se projeter positivement ». Jusqu’alors, elle avait sept contrats différents pour assurer une partie de l’assemblage, poussant ses investigations hors de France : « On travaillait avec des compagnies étrangères ». Malgré cela « nous avions des ‘trous dans la raquette’ dans certaines couvertures d’assurance ».
Activités en mal d’assurances
En cause, un manque de recul des assureurs sur les métiers innovants et l’absence de code APE pour le métier d’installateur de panneaux photovoltaïques. De fait, « comment demander à un assureur d’assurer un métier qui n’a pas de code APE, ni d’antériorité », s’interroge le chef d’entreprise ? Et ce malgré les six ETN (Étude de technique nouvelle) qu’elle avait passées, cette certification délivrée aux sociétés qui commercialisent des équipements d'intégration photovoltaïque sur toitures. « On nous demandaient des choses qui n’étaient même pas réalisables par des laboratoires de recherche », signale le chef d’entreprise. Le problème de l’innovation est qu’ils demandaient « le plus du plus » pour « avoir des marges de sécurité ». Un préjudice qui a causé à l’entreprise un manque à gagner de 48 millions d’euros sur l’exercice 2023, qu’elle a dû décaler sur 2024. « Pour réussir à survivre, on commercialisait à l’étranger », explique ce dirigeant qui a néanmoins réalisé 20 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023.
À l’image de CréaWatt Group, certaines PME, selon leur secteur d’activité, leur degré d’innovation ou leur emplacement, peinent à se faire assurer. « Sur une activité innovante, les petites industries ne trouvent pas d’assureur », expose Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME Paris IDF et courtier en assurances, fondateur de BCH assurances. « Il y a des activités ciblées qui ont des difficultés, voire une impossibilité de s’assurer », renchérit Mathieu Montassier. Et de citer, entre autres, les activités du bois, de la scierie, du traitement de déchets, du recyclage, du transport de voyageurs ou de marchandises ou de la location longue durée. Pour le courtier en assurances, il y a sur ces secteurs « un désengagement » des assurances qui peuvent, quand elles acceptent finalement d’assurer l’activité, appliquer « de fortes majorations ». Pourtant, « une entreprise peut difficilement travailler sans assurances. C’est une exposition trop forte », explique Régis Lemarchand. Ce que confirme Jean-Noël Gaine, qui travaille notamment avec l’Etat – l’entreprise équipe toutes les bases militaires françaises– et de gros industriels comme des GMS ou l’Oréal. « Nous devons être en mesure de couvrir les pertes d’exploitation, en cas de sinistre ».
Émeutes, climat et numérique
Autre problème, la perte d’assurance et « le risque de ne plus être assurable », explique Bernard Cohen-Hadad. « Il y a des petites entreprises qui ne trouvent pas d’assurance, car elles ont été victimes de manière trop régulière de sinistres ». Ou quand elles trouvent un assureur, « la prime explose », affirme-t-il, prenant l’exemple d’une entreprise ayant eu quatre fois sa vitrine brisée, l’assureur ne veut plus l’assurer car « le risque n’est plus rentable pour lui ». Les émeutes du printemps 2023, qui ont représenté au global 700 millions d’euros d’indemnisation, interrogent ainsi les assureurs : « Est-ce que les émeutes vont se reproduire tous les ans ? Est-ce c’est un phénomène structurel que l’on doit intégrer dans les statistiques pour mieux comprendre et tarifer le risque ? », questionne Régis Lemarchand. Indiquant que les assureurs s’assurent pour un temps limité et sur une zone limitée, il explique que dans le cas des émeutes, ils se sont retrouvés « sur un temps long et dans tous les centres urbains de France ». Ils n’avaient auparavant « jamais fait face à une telle sinistralité en France en termes d’émeutes, grèves, attentats ».
Le risque « climat » pose lui aussi question. « Sur les tempêtes, on sait qu’il va y avoir une intensification avec le scénario de dégradation du climat. Ciaran, qui a eu lieu dans l’Ouest de la France à l’automne dernier, est le premier épisode d’une série qui va ne faire que s’accentuer », commente-t-il. Le coût pour le marché français ? Deux milliards de sinistres. Néanmoins, les tarifs des assurances n’augmentent pas d’autant. « Si les assureurs avaient dû répercuter le coût des remboursements qu’ils ont payés aux sinistrés, les primes auraient doublé ou quadruplé, explique Bernard Cohen-Hadad qui ajoute que les assurances font néanmoins face à une difficulté de taille : « lorsque l’on a six mois de grèves des retraites, avec des mouvements sociaux, des dégradations de vitrines et des incendies d’établissements, la sinistralité dépasse le rapport de la prime ».
Autre nouveau risque clé, le risque cyber, qui monte en force à l’approche des JO 2024. L’agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) annonce « une vraie hausse ». « Cela va être un défi sur le plan de la sécurité numérique avec un nombre d’attaques qui va être relativement fort et des PME qui vont être ciblées », explique Bernard Cohen-Hadad. Pour lui, le risque vient principalement d’une erreur humaine de la part d’un fournisseur, d’un collaborateur ou d’un client. Il avertit que l’« on ne peut pas penser l’entreprise sans penser sa dimension numérique et son rapport avec les salariés dans le cadre du numérique », mettant en avant les statistiques de l’ANSSI : « une entreprise victime d’un risque cyber ferme dans les trois mois ». Or, « peu de PME sont assurées ». Pour prévenir ces cyberattaques, la clé reste la prévention. « La protection numérique dans les PME n’est pas un sujet d’assurance, c’est un sujet de prévention », avertit Régis Lemarchand. « La prévention fait ainsi l’objet d’une vigilance accrue pour réduire les risques », abonde Mathieu Montassier. D’autant que le risque est souvent sous-estimé par les chefs d’entreprise. « Seulement 48% des dirigeants de TPE-PME expriment des craintes relatives à la sécurité des données de leur entreprise », selon les derniers chiffres de France Num, indique Bernard Cohen-Hadad.