Centiméo voit rouge !

Tout le monde connaît ces petites pièces rouges de 1, 2 ou 5 cents, dont on ne sait jamais quoi faire et qui embarrassent nos porte-monnaie, si bien qu'elles finissent la plupart du temps dans des tirelires ou des contenants rangés dans des endroits improbables. De la sorte, 81% des pièces rouges frappées sortent du circuit. Elles représentent un potentiel inexploité de 1,3 milliard d'euros. Il a fallu attendre l'arrivée de Benjamin Dupays en 2011, qui, du haut de son statut d'étudiant entrepreneur, a décidé de remettre dans le circuit ces pièces rouges… Portrait.

Benjamin Dupays, créateur de Centiméo.
Benjamin Dupays, créateur de Centiméo.

 

CAPRESSE

Âgé de 24 ans, le diplôme de Sciences-Po Paris fraîchement en poche, Benjamin Dupays poursuit un objectif : devenir partenaire bancaire de l’État. En d’autres termes, aider l’État à traiter les flux monétaires liés à la petite monnaie. L’histoire remonte à 2010. Numismate confirmé, le jeune étudiant trouvait incroyable que les gens ne se baissent pas pour ramasser ces petites pièces rouges qui jonchent le sol. “J’en trouvais partout, explique-t-il. Elles sont totalement dévalorisées. Je me suis dit alors qu’il serait bien de leur donner un sens économique et les réhabiliter en tant que pièces.” Il apprend que 1 milliard de pièces rouges sont frappées chaque année en Europe, car 81% d’entre elles sortent du circuit. Cela représente un coût de 1,4 milliard d’euros depuis 2002, année de leur naissance, et 8 500 tonnes d’acier. Il y aurait plus de 60 milliards de ces pièces en circulation. Pour développer son modèle, il se fait incuber au sein de son école. Il est contacté par le Pôle étudiant pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat – PEPITE – pour répondre à un appel à projets. Son projet est validé par la structure qui lui permet d’avoir accès à un réseau d’entreprises et divers financements. On lui permet de suivre des cours de génie industriel en auditeur libre à l’école des Ponts. Le jeune étudiant fait alors partie de la première promotion des étudiants entrepreneurs dont le statut a été voté en 2014. Il compte bénéficier encore deux ans de ce statut pour avoir un cadre légal et une couverture sociale. 

Benjamin Dupays, créateur de Centiméo.

Benjamin Dupays, créateur de Centiméo.

Procédé d’économie circulaire. Benjamin Dupays crée des bornes automatiques de distribution de produits à l’unité, que les gens paient 5 ou 10 cents. Nous sommes dans une logique d’une meilleure gestion de la consommation et de réduction des emballages. D’un point de vue juridique, l’emballage, c’est la borne. Les mentions légales du produit apparaissent sur la borne.Il investit la région Ile-de-France en 2011 et s’attaque au Nord-Pas-de-Calais fin 2013. Il travaille avec les hôpitaux, les universités, les secteurs publics. A ce jour, il traite 100 kg de pièces par an avec les 300 bornes installées en France et en Belgique. Il reverse 5 à 20% de ses récoltes à une association locale choisie par les parties contractantes et les 2 ou 3 cents de marge qu’il réalise par produit lui permettent de couvrir tous les frais. Le reste est réinjecté dans l’économie locale, commerces et Banque de France. Une trentaine de bornes ont déjà été posées dans le Nord, dans les centres commerciaux Auchan de Leers, Englos, Roncq, les hôpitaux Saint-Vincent et Saint-Philibert à Lille, l’université Lille 3, Télécom Lille, Sciences-Po… On trouve la Bêtise à Cambrai, toujours à l’unité, la Chuque du Nord à Lille 3, des chewing-gums biodégradables qu’ils fabriquent eux-mêmes ou encore des biscuits issus de l’agriculture biologique locale, des carrés de chocolat équitable, etc. Le principe est de garder la main sur tout le processus, de la fabrication à la distribution. Une petite équipe d’étudiants s’est désormais constituée et se répartit les tâches. Ils fabriquent les bornes dans un atelier à Bobigny, composé de quatre personnes issues d’une structure d’insertion. Les bornes sont ensuite assemblées à Villeneuve-d’Ascq. Une borne peut accueillir environ 25 kg de pièces. Une carte SIM à l’intérieur du boîtier assure la remontée d’information en temps réel et facilite la maintenance.

Une aubaine pour les commerçants. Benjamin a signé une convention de sous-traitance avec la Banque de France qui lui octroie la mise à disposition des fichiers des convoyeurs de fonds avec tous les besoins des clients en pièces rouges. Si un commerçant commande ses pièces rouges à la Brinks, il paiera 15 à 20% de commission. Benjamin Dupays, quant à lui, lui facture une commission au poids bien loin des ponctions précitées. Lorsque son statut d’étudiant entrepreneur prendra fin, le jeune chef d’entreprise souhaite endosser la fonction de mandataire social et continuer à être salarié. A l’horizon 2018, il vise les pays frontaliers, Allemagne, Italie, Espagne… “Je voudrais arriver à un tonnage assez conséquent pour travailler avec la Banque européenne et obtenir une délégation de service public accordée par la Commission européenne“, dit-il, le sourire aux lèvres.