CD de la semaine

CD de la semaine

Marie-Nicole Lemieux

Après sa performance mémorable dans Les Troyens de Berlioz dans le rôle de Cassandre, Marie-Nicole Lemieux nous embarque dans un voyage musical maritime en compagnie de l’Orchestre et du chœur national de Bordeaux Aquitaine sous la direction de Paul Daniel. Outre le célèbre Poème de l’amour et de la mer d’Ernest Chausson et l’envoûtant Sea pictures d’Edward Elgar, cycle de cinq mélodies pour contralto et orchestre, cet enregistrement nous offre un inédit au disque : La mer de Victorin Joncières (1839-1903). Entendue pour la première fois en 1881, la pièce met en scène la poésie d’Édouard Guinand qui s’ouvre sur une scène calme, décrite par un chœur de sirènes et de pêcheurs. La mezzo-soprano solo, sirène de la mer, invite les hommes souffrants à apaiser leurs peines sur sa poitrine. Puis éclate une violente tempête qui en s’effaçant, laisse une mer redevenue calme, chanter sa berceuse aux gens qu’elle a noyés. Une ode-symphonie d’une secrète beauté.

Mer(s) (Erato).

 

Miloš

Après une absence forcée due à une grave blessure à sa main, le guitariste star Miloš Karadaglić est de retour un nouvel album empreint d’émotion. Cet album relate la réflexion personnelle de Miloš à ce moment de sa vie. L’album inclut des pièces de guitare classique qu’il a jouées pour renaître musicalement, ainsi que ses versions personnelles de sublimes chansons qu’il écoutait pour s’évader. Telles «Sour Times» de Portishead, «Street Spirit» de Radiohead ou encore «Blue Raincoat» de Leonard Cohen. Lesquelles compositions côtoient des pièces pour guitare de Pujol et de Tarrega. Jess Gillam, saxophoniste de renom, le rejoint dans deux duos mélancoliques. Manu Delago, joueur de hang et collaborateur régulier de Björk, fait de même pour une version singulière du classique «Nights in White Satin» des Moody Blues.

Sound of Silence (Decca Classics).

 

 

Florian Noack

Après un premier opus intitulé Album d’un voyageur, récompensé par un Diapason d’or lors de sa sortie l’an dernier, Florian Noack publie aujourd’hui son deuxième disque consacré cette fois à Prokofiev, l’un de ses compositeurs de chevet depuis son adolescence. Le jeune pianiste belge découvre Sergueï Prokofiev alors qu’il est adolescent lors du Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique. Le jeune Severin von Eckardstein – 24 ans et futur Premier lauréat – le subjugue dans son interprétation follement personnelle du Deuxième concerto pour piano. L’âpre radicalité de cette musique, la liberté de son interprète fécondent le jeune imaginaire qui n’en demandait pas tant. Avec ce superbe enregistrement, Florian Noack signe un saisissant portrait musical de Prokofiev. Sa prodigieuse virtuosité se joue des provocations percussives de la Sonate n°6 et des éclats rageurs des Études du compositeur russe. L’interprète n’oublie pas non plus que Prokofiev, mélodiste de génie, est capable d’emmener l’auditeur dans les mondes inouïs de ses Visions fugitives.

Visions fugitives (La Dolce Volta).

 

 

Patricia Kopatchinskaja

Fidèle à ses audaces musicales, la violoniste Patricia Kopatchinskaja, à la tête du Camerata Bern, met ici en parallèle le Concerto funèbre d’Hartmann – composé en 1939 pour exprimer son indignation contre la terreur nazie –, et le Polyptyque pour violon et orchestre que Frank Martin écrit en 1973 pour Yehudi Menuhin, une œuvre inspirée par six scènes de la Passion du Christ peintes vers 1310 par Duccio di Buoninsegna. Composé un demi-siècle après le retable, le «Kyrie» de la Messe de Notre Dame de Machaut dans un arrangement pour cordes s’intercale, ainsi que des chorals de Bach, «comme une invocation de la consolation éternelle»… Une chanteuse traditionnelle polonaise interprète le chant juif «Eliyahu hanavi», qui exprime l’espoir du salut et qu’Hartmann cite dans son concerto… Soit 600 ans de musique pour «faire entendre les voix des victimes», confie Patricia Kopatchinskaja, maître d’œuvre d’un enregistrement à la cohérence rare.

Time & Eternity (Alpha Classics).